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HUGUES DES
PAYENS.

les autres heures. Les prieres pour les morts font fixées au nombre de cent pater pour chaque Confrere, lefquels il falloit avoir récités 1128 jufqu'en pour le feptieme jour du décès (32).

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Je ne dis rien des défenfes expreffes de fortir & de recevoir des lettres fans permiffion, de tirer fur aucune bête, fi ce n'eft fur des lions, de frapper les Servans qui s'engageoient à fervir gratis, non plus que du foin des malades, de la fimplicité dans les habits, de la lecture continuelle pendant les repas, de l'abftinence quadragéfimale tous les vendredis, des peines décernées contre les murmurateurs & les médifans, ni de plufieurs autres réglemens capables de conduire à la perfection par la pratique des confeils évangéliques: mais un article que je ne crois pas devoir omettre, c'est le foin du Législateur à prévoir, comme fautes de conféquence, & à défendre, comme contraires à la modeftie, des marques d'amitié très-innocentes en ellesmêmes. Voici comment il s'énonce au commencement du dernier chapitre Et ideò... nec matrem, nec fororem, nec amitam, nec ullam aliam feminam, aliquis Frater ofculari præfumat. Il est en outre ordonné par la regle, que tous les Chevaliers, pour marque de pureté, porteront l'habit blanc : Hugues & fes compagnons l'avoient reçu à Troyes des mains du Légat, felon quelques historiens.

Après avoir obtenu la confirmation de leur Ordre, ils prirent différentes routes, pour s'acquitter, auprès des Souverains, de la commiffion dont Baudoin les avoit chargés. Par-tout ils s'arrêtoient dans les villages & les bourgades, expofant aux peuples l'état de P'Eglife d'Orient, & la néceffité d'une nouvelle croifade, exhortant un chacun à ne pas laiffer imparfait un ouvrage qui avoit eu de fi heureux commencemens. Durant le féjour qu'ils firent en Europe, leur nombre s'accrut confidérablement; une foule de gentilshommes des meilleures familles de France, d'Italie, d'Efpagne, fe joignirent à

(32) Selon Guillaume Dupeyrat, Hiftoire fois le chapelet par jour, au lieu des heures Eccléfiaftique de la Cour, pag. 609, à bon canoniales, & l'auteur veut que cela foit mardroit les Chevaliers de Malte fe font obligés,qué dans un livre manuscrit contenant la regle par leurs Statuts, de dire chacun cent cinquante de ces Meffieurs.

eux,

& demanderent d'être agrégés à cette nouvelle milice. Hugues ayant parcouru une partie de la France, paffa en Angleterre, d'où

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il emmena bon nombre de Seigneurs qui s'attacherent à fa perfonne, 1128 jufqu'en entr'autres le frere du Comte d'Anjou, nommé Foulques, qui fut couronné Roi de Jérufalem en 1131 (33). Après avoir donné l'habit à la plupart de ces Seigneurs, Hugues reprit le chemin de la Palestine fuivi de cette floriffante recrue. La facilité qu'il avoit eue d'enrôler, fur de légeres apparences de bonne volonté, ne laiffa pas de produire un grand bien, qui fut de délivrer le public de plufieurs petits tyrans qui l'opprimoient impunément. Avant que de les engager, on commençoit par les obliger à la réparation de tous les dommages qu'ils avoient caufés aux Eglifes & aux particuliers. Nous en avons un exemple dans Hugues d'Amboife, qui ayant vexé les fujets de Marmoutier par fes exactions, fans vouloir fe rendre aux avertiffemens du Comte d'Anjou, fut obligé par Hugues des Payens, fon maître, de s'humilier avant de partir, & de renoncer à fes prétentions (34).

Par ce que nous avons rapporté jufqu'ici, d'après les Hiftoires originales, il est évident qu'avant 1128, les Templiers n'avoient encore en Occident aucune habitation, & qu'ils n'étoient pas alors en nombre fuffifant pour affiéger ou défendre des villes; cependant, on veut qu'en 1120, ils fe foient chargés en Espagne de défendre Montréal contre les Maures, & qu'en 1122, ils aient affiégé & pris la forteresse de Monçon (35). L'erreur vient de ce qu'on a confondu les Chevaliers du Temple avec ceux de S. Sauveur, inftitués à Montréal par Alphonse VII, Roi de Caftille, la même année que ceux dont il s'agit. Toutefois, il eft certain qu'avant de quitter l'Europe, ils y accepterent des établiffemens, & qu'il fallut y laiffer des fujets pour administrateurs, puisqu'en 1129 au plus tard, il y avoit déja des Templiers en Flandre: cela fuit de ce que nous avons dit plus haut, & de ce qu'on pourroit prouver

(33) Henricus Huntindonienfis Hiftoriarum, Lib. 7, pag. 384. Item. Rog. de Hoveden, pag.

479.

(34) Annales Benedictini, tom. 6, pag. 166.

(35) Mariana, tom. 3, pag. 39. tom. 2, lib 10, cap. 10, Item. Chronicon. Barcinon. in Marca Hifpan., pag. 754.

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d'ailleurs (36). En Espagne, Raimond Bérenger III, Comte de Barcelone, connu par fa vertu & fa valeur, s'engagea dans la nouvelle 1128 jufqu'en Chevalerie en 1130, & prononça fes vœux cette année-là même entre les mains de Fr. Hugues de Rigauld, dans leur maison de Barcelone, où il mourut quelques mois après (37).

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Le Roi de Jérufalem, inquiet fur le fuccès de fa députation auprès des Princes occidentaux, fut agréablement surpris de revoir Hugues des Payens accompagné d'une nombreuse noblesse qui, s'augmentant tous les jours, foutenoit merveilleusement le courage des Croisés; mais ce qui leur caufa le plus de joie, ce fut de voir cette jeuneffe de la premiere diftin&tion, contente d'un ordinaire fimple, réserver la magnificence pour l'ornement des autels, trouver, après fes actes de régularité, affez de tems & de force pour vaquer aux exercices militaires, pour donner la chasse aux voleurs qui infestoient les chemins. A quelque heure du jour ou de la nuit qu'on les appellât, ils fe trouvoient fous les armes, foit pour aller à la découverte, foit pour accompagner les voyageurs. Avant qu'ils fuffent en état de former feuls un corps respectable, ils s'attroupoient avec les Hospitaliers fur les frontieres du royaume, pour harceler les Turcomans, éclairer leurs démarches, éventer leurs projets: parce qu'ils s'étoient fait une loi de ne jamais reculer, déja tout commençoit à fuir devant eux; & lorsqu'il s'agiffoit de courir à l'ennemi, on ne les entendoit pas, dit l'histoire, demander combien font-ils ? mais feulement où font-ils (38)?

Les étrangers qui avoient été témoins de leur zele, & l'objet de leurs foins & de leurs libéralités, s'en retournoient pénétrés de reconnoiffance, & ne pouvoient, de retour dans leur pays, fe laffer de raconter le genre de vie de ces nouveaux Religieux, & les fervices qu'ils en avoient reçus. De-là ces aumônes fréquentes, ces donations magnifiques qui leur arrivoient de tous côtés : il ne se faifoit aucune disposition teftamentaire où ils n'euffent bonne part; il ne mouroit presque

(36) Hiftoire de la Maifon de Gand, page| 74 des preuves du liv. 2.

(37) Hift. gén. de Languedoc, l. 17, p. 407. (38) J. Vitriacus, Hift. Jerofol. l. 64.

point de Seigneur qui ne leur donnât au moins fon cheval & fes armures, ou qui n'ordonnât à quelqu'un de fes fils de s'enrôler parmi eux.

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La libéralité alla fi loin, qu'Alphonfe I, Roi d'Aragon & de Navarre, 1128 jusqu'en fe voyant fans efpérance de poftérité, déclara, par un teftament folemnel, en 1131, les Templiers, les Chanoines du S. Sépulchre & les Hospitaliers, fes fucceffeurs aux couronnes de Navarre & d'Aragon, & cela, parce qu'il ne connoiffoit perfonne plus en état de conferver & de continuer fes conquêtes fur les Maures. Si fon intention fut de procurer par-là le bien de la Religion & la tranquillité de ses Etats, je ne vois pas que cette difpofition ait été aussi bizarre & aussi peu sensée qu'on l'a prétendu (39): du moins elle ne parut pas telle à la plupart des grands du royaume qui y foufcrivirent, ni à ce Prince, qui eut foin de la renouveller en 1133, quelques jours avant fa mort, avec les plus terribles imprécations contre ceux qui s'y oppoferoient; ce qui n'empêcha cependant pas les Navarrois & les Aragonois de fe choifir d'autres Souverains.

En un mot, cet Ordre, né dans la premiere ferveur des Croisades, & réuniffant en lui les deux qualités les plus agréables alors au peuple, la dévotion & la valeur, à force d'exercer l'une & l'autre dans l'expédition la plus vulgairement applaudie, parvint rapidement au plus haut degré de puissance; & de ces vaftes poffeffions que les Chevaliers acquirent à la faveur de la piété des fideles, ils fonderent par-tout, en Orient, en Occident, grand nombre de Maisons, qui, étant comme des filles de celle de Jérufalem, fervoient à recueillir les pèlerins qui fe dévouoient au voyage de la Terre-Sainte. C'étoient des afiles assurés, où la noblesse du premier comme du fecond ordre (40) alloit se mettre à couvert de la contagion du fiecle. On vit fouvent des Seigneurs d'un âge avancé, & dégagés des liens du mariage, préférer cet Ordre a celui des Hospitaliers, & y faire profession pour se disposer à la mort ( 41 ). De-là on envoyoit tous les ans, dans la Palestine, de nouveaux

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fecours tant en hommes qu'en argent (42). L'hospitalité y étoit fcrupuleufement obfervée; on y donnoit tous les jours aux pauvres la 1118 jufqu'en defferte du réfectoire: l'aumône y étoit d'autant moins négligée, que,

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par un décret général, il étoit ordonné de la faire dans tout l'Ordre trois fois la semaine, & pour cela on avoit foin de diftribuer aux aumôniers le dixieme de tous les pains qui fe cuifoient. (43).

Ces Maisons étoient, ou prieurales, ou fimples Commanderies; cellesci n'étoient que des administrations confiées à quelques Chevaliers ou Servans, qui avoient pour aumônier un Prêtre de l'Ordre, chargé de leur inftruction & de leur adminiftrer les facremens dans une chapelle indépendante. Les Maifons prieurales ou préceptoriales étoient plus confidérables & bien plus nombreuses en Chevaliers, Servans & Chapelains; on y recevoit des Novices; on y faifoit exactement l'office du jour & de la nuit; les Clercs y étoient foumis à un ancien Prêtre quelquefois appellé Prieur, & tout ce Clergé, à un Chevalier que l'on nommoit Précepteur ou Maître, qui préfidoit au Chapitre, veilloit à la régularité, impofoit des pénitences tant pour les grandes que pour les petites fautes, & renvoyoit aux Prêtres pour l'abfolution.

Les Chapelains étoient chargés des cures de l'Ordre: ils n'étoient obligés à aucunes preuves de nobleffe; ils avoient leurs pouvoirs immédiatement du Saint-Siége (44), & au cas qu'ils fuffent nobles, ils pouvoient devenir Précepteurs, au lieu qu'un Servant ne devenoit jamais Chevalier ni Supérieur,

Les sujets de l'Ordre, envoyés dans les Provinces par le Pape, de même que les Supérieurs, avoient droit de recevoir des poftulans, à condition de les conduire devant l'Ordinaire pour être examinés fur les motifs de leur vocation. La plupart de ceux que l'on admettoit ainfi, s'embarquoient pour l'Orient, afin d'y accomplir leur tems de probation, dont le terme dépendoit là, comme ailleurs, du Précepteur

(42) Robertus Altiffiodorenfis in Chronico (44) Tom. 2, Concilior. Mag. Britannia, manufcripto ad annum 1131. pag. 383.

(43) Regula Templariorum, cap. 15.

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