Imágenes de páginas
PDF
EPUB

AN.

1552.

XI. L'Electeur de

à l'Empereur.

ami de l'autre. Ainfi le traité fut bien-tôt conclu, & le Roi promit de fournir aux Princes confederez des fecours d'argent, & d'entrer au printemps en Allemagne à la tête d'une puiffante armée.

Mais ce qui contribua beaucoup au fuccès de cette Saxe fait la guerre nouvelle entreprise, c'eft que l'Electeur de Saxe qui en étoit le Chef la conduifit avec un fecret admirable jufqu'au moment de l'execution. Charles V. qui étoit alors à Infpruk, croïant avoir bien établi fon autorité, & rendu fa puiffance redoutable à toute l'Europe par tant de triomphes & de victoires, goûtoit les douceurs du repos dans une parfaite fecurité. On ne laiffa pas de l'avertir qu'on appercevoit quelqu'agitation dans le parti Proteftant, & que l'Electeur Maurice commençoit à se rendre suspect. Mais femblable à un homme plongé dans un agréable fommeil, les avertiffemens au lieu de ranimer fa vigilance, paroiffoient l'irriter. Il se croïoit fûr de la fidelité & de la reconnoiffance du nouvel Electeur, & il n'apprit qu'il en étoit trahi que par les manifeftes que les Confederez publierent, lorfque leurs troupes commençoient déja à entrer en

action.

Alors étonné de la violence de l'orage, il fongea trop tard à le prévenir. Déja Maurice s'avançoit à la tête d'une grande armée compofée de fes troupes & de celles du Marquis Albert de Brandebourg, & de Guillaume fils aîné du Lantgrave de Heffe. Il contraignoit toutes les Villes qu'il rencontroit dans fa marche à fe déclarer pour lui; & on apprit bientôt qu'il s'étoit rendu maître d'Aufbourg, ce qui obligea les Evêques alors affemblez à Trente, d'a

bandonner le Concile pour chercher ailleurs un lieu

de fûreté. L'Empereur se rafluroit encore fur l'éloi- AN 1552. gnement de l'armée ennemie, lorfqu'on lui vint annoncer qu'après une marche forcée, elle s'étoit ouvert tous les paffages, & paroiffoit déja presqu'aux portes d'Infpruk.

Il feroit difficile d'exprimer le défordre & la confufion que cette nouvelle causa dans la Cour Imperiale.. Il fallut dans ce moment que ce vainqueur fi redoutable oubliât toute la fierté que lui infpiroient fes victoires paffées, pour éviter par une fuite précipitée de tomber entre les mains de fes ennemis. Mais toujours habile, il eut encore dans un peril fi pressant assez de présence d'esprit, pour donner sur le champ la liberté à l'Electeur de Saxe qu'il retenoit dans fon Palais : foit afin de gagner par cette grace l'amitié d'un prifonnier que les rebelles étoient fur le point de lui arracher: foit pour embaraffer Maurice par la présence d'un rival qui pouvoit lui difputer la nouvelle dignité dont il étoit revêtu. Cependant le Roi de France qui s'étoit auffi mis en campagne avec une nombreuse armée, commença, s'empare de Toul, fuivant le traité, par s'affurer de Toul, de Verdun, & enfuite de Metz. Cette derniere Place fit d'abord mine de résister; mais la feule vûë des préparatifs bit. de du Siege aïant intimidé les habitans, ils ouvrirent leurs portes aux troupes Françoifes. Henri II. en prit ainfi poffeffion comme d'un ancien domaine des Rois de France; fes fucceffeurs ont fçû s'y maintenir contre tous les efforts de l'Allemagne & de la Maifon d'Autriche ; & enfin le traité de Munster

XII.
Le Roi de France

Verdun & Metz.

Daniel hift. de France.

l'Empire.

Hift. Thuni..

tome I.

Les Princes Proteftans s'accom modentavec l'Empereur.

Mais à peine le Roi se fut-il assuré de fes nouAN 1552. velles conquêtes, qu'il apprit que les Princes ProXIII. teftans négocioient déja leur accommodement. Quelque chagrin que dût caufer cette nouvelle à un Prince guerrier, qui voïoit ainfi échapper une si belle occafion de fe fignaler, & de vanger la France de ses malheurs paffez, il diffimula ses sentimens, & fe retira avec les troupes fort mal fatisfait de la conduite de l'Electeur de Saxe. En effet, cet Electeur voïant que l'Empereur, autant pour se mettre en état de fe vanger de Henri, que pour se délivrer de l'inquiétude continuelle que lui donnoit le parti Proteftant, étoit difpofé à lui accorder tout ce qu'il fouhaitoit, ne fe fit aucun fcrupule de renoncer à l'alliance du Roi, & ne fe mit pas même en peine de le faire comprendre dans le traité. C'est à quoi doivent s'attendre tous les Princes qui donnent du secours aux auteurs d'une guerre civile. Ceux-ci dès qu'ils ont exhalé leur premier feu, ne manquent gueres de fe faire un merite & un devoir de leur ingratitude envers leurs protecteurs.

fau.

XIV.

Traité de Paf

insert. Pu

Cet accommodement fi connu dans l'histoire fous le nom de traité de Passau, parce qu'il se fit dans cette Ville, fut le premier où l'on vit les Profendorf, Hei. teftans balancer le parti Catholique, & traiter forces égales. Le Lantgrave fut mis en liberté, & il fut regle que la Chambre de Spire feroit mi-partic de Catholiques & de Lutheriens, ( article qui avoit déja été promis, mais qui n'avoit pas été exccuté ) & qu'on auroit pour toujours dans tout l'Empire l'exercice libre du Lutheranifme fuivant la Confefsion d'Ausbourg, en cas que dans fix mois on ne

pût

.

pût pas terminer les differends de religion. Ce fut-là

le premier établissement solide du Lutheranisme, AN 155.2. & en même temps la fource de tous les malheurs de l'Allemagne, parce que les Catholiques & les Proteftans ne purent jamais convenir d'un jufte milieu. Les premiers voulurent dans l'execution du traité, restraindre la liberté accordée aux Proteftans: ceux-ci tâcherent au contraire de l'étendre de plus en plus. Ainfi les uns & les autres s'obstinant également à mettre tout l'avantage de leur côté, on vit arriver ce qui arrive toujours dans les accommodemens de religion, que les deux partis furent également mécontens, & qu'après beaucoup de troubles & de diffenfions, il fallut faire de nouveaux reglemens.

pro

Mais comme ces tempêtes qui fe fuccederent les unes aux autres, laiffoient toujours entr'elles quelques intervalles tranquilles, Charles V. voulut fiter du premier calme que produifit ce nouvel accommodement pour reconquerir les trois Evêchez dont Henri II. s'étoit emparé, réfolu de porter ensuite le ravage jusques dans le cœur de la France. Cette entreprise fut, comme on fçait, le terme fatal de fes profperitez, & le fiege de Metz fut l'écueil où après une courfe fi glorieufe, il vint enfin malheureusement échouer. Le mauvais fuccès de cette expedition sembla dès-lors l'avertir qu'il étoit temps d'abandonner le grand theatre qu'il occupoit depuis fi long-temps, pour ne point exposer l'éclat d'une fi belle vie à l'infolence de la fortune. Mais il ne put executer ce grand deffein que quelques années après.

[ocr errors][merged small][merged small][merged small]

Le Marquis Albert de Brandebourg, après avoir lâchement trahi la France pour s'accommoder avec Charles V. avoit de nouveau repris les armes, & troubloit toute l'Allemagne par les brigandages que fes troupes commettoient dans les terres des Catholiques. L'Electeur Maurice de Saxe avec qui Albert avoit rompu depuis le traité de Paffau, lui fit la guerre par une commiffion expreffe de la Chambre Imperiale, comme à un perturbateur du repos public. Il tailla fon armée en pieces; mais cette victoire lui coûta la vie ; & Albert fut auffi réduit de fon côté,à traîner dans un honteux exil le peu d'années qu'il furvêcut à fa défaite.

Ces nouveaux troubles aïant été ainsi appaisez, Ferdinand Roi des Romains affembla à Ausbourg une Diete generale, en execution du traité de Paffau, pour prévenir par une plus ample explication des reglemens déja faits, les défordres que la difference des Religions pourroit causer à l'avenir dans l'Empire. C'eft ce qu'on appella la Paix de Religion, qui confirma de plus en plus les Proteftans dans la liberté de profeffer le Lutheranifme conformément à la Confeffion d'Aufbourg. Ce qu'il y eut dans ce nouveau traité de plus avantageux aux Catholiques, c'est qu'il y fut reglé que fi quelqu'Archevêque, Evêque, ou autre Beneficier renonçoit à l'ancienne Religion,il feroit en même temps obligé de renoncer à fon benefice, & à tous les droits & revenus ecclefiaftiques: article qui fut dans la suite, comme je raconterai bien-tôt, une des principales occafions de cette guerre funcfte qui ne finit qu'avec le traité de Munster.

[ocr errors]
« AnteriorContinuar »