Imágenes de páginas
PDF
EPUB

on n'y vit jamais une plus grande confufion. Un grand nombre d'habitans fe réfugia dans les Pro- AN. 1636. vinces & y porta l'épouvante. Les chemins de Chartres & d'Orleans étoient couverts de caroffes, de coches & de chariots chargez de bagages & de Parifiens fugitifs. Le danger qui paroiffoit extrême augmenta encore par la nouvelle qu'on apprit en même temps de l'entrée de Gallas dans la Bourgogne. Ce General se flattoit, dit-on, de marcher enfeignes déploïées jufqu'à Paris, pour partager avec l'autre armée le pillage de cette riche Capitale.

Dans un danger fi preffant, on vit le Cardinal de Richelieu déploïer cette grande fermeté d'ame qui faifoit partie de fon caractere. Quoiqu'il fçût que tout Paris étoit foulevé contre lui, il y vint afin de pourvoir à la défenfe de cette grande Ville, & fa préfence loin d'animer la fédition, imprima du refpect pour fa perfonne, & raffura le peuple. Il fit venir les habitans des Villages voifins pour travailler aux fortifications. Il manda toute la Nobleffe du Roïaume. Toute la Ville se taxa elle-même, & les Bourgeois effraïez ouvrirent leurs bourfes. Tous les apprentifs de mêtier furent enrôlez; chaque porte cochere fut obligée de fournir un cavalier, & les autres un fantassin. En peu de jours le peuple susceptible de toutes les impreffions devint tout guerrier, ou crut l'être devenu. On ne voïoit autour de Paris qu'exercices & revûës, & le Roi s'étant avancé jufqu'à Compiegne fe trouva bien-tôt à la tête de plus de cinquante mille hommes, armée redoutable, fi les nouveaux foldats avoient été auffi diftinguez par leur valeur, qu'ils fe faifoient remarquer par

XXXVII. Les ennemis fe retirent.

les plumes & les rubans dont ils étoient chargez. AN. 1636. Cependant l'armée ennemie voïant les François en état de fe défendre, & même d'attaquer, fe retira à Corbie, & laiffa reprendre Roïe. Corbie fut auffi reprife quelques jours après; Paris commença alors à fe raffurer, & ce fut ainfi que fe termina cette fameuse expedition.

XXXVIII.

Gallas attaque la Bourgogne &

retire avec perte.

L'armée qui étoit entrée en Bourgogne ne fit pas à beaucoup près une fi heureuse retraite. Après avoir fait mine d'affieger Dijon, Gallas avoit investi Saint Jean de Lône. Cette Place toute petite qu'elle étoit & mal fortifiée, fut un écücil funefte pour l'armée Imperiale. Elle fe défendit contre tous les efforts de Gallas avec une opiniâtreté extrême : elle fit perir l'élite de fon armée, & comme fi le Ciel cut pris fa défense, il s'éleva une furieufe tempête accompagnée de pluïes prodigieufes qui inonderent toute la campagne & firent déborder la Saone. Gallas fe vit ainfi contraint de lever promptement le siege, en abandonnant aux affiegez fon artillerie & une partie de fes bagages. Une infinité de foldats fe noïerent dans les chemins qui étoient devenus autant de torrens. Plufieurs furent affommez par les païfans. Le Comte de Rantzau défit l'arriere-garde; le refte ne fongeant plus à penetrer en France, fe retira vers Besançon, laissant tous les chemins couverts de corps morts, comme après une fanglante défaite; de forte que de trente mille hommes dont l'armée étoit compofée, il ne s'en fauva pas douzemille.

Il y eut auffi en Italie fur le Tecin une action fort vive où le Duc de Savoïe joint au Maréchal de Créquy, tua quinze cens hommes au Marquis de

XXXIX.

une belle victoire

Leganez & demeura maître du champ de bataille. Mais l'Empereur fit en Allemagne des pertes encore AN. 1636. plus confiderables, de forte que tout fembla confpirer cette année à ruiner les grandes efperances que la Maifon d'Autriche avoit conçues des armemens extraordinaires qu'elle avoit faits de toutes parts. Car fans parler d'un sanglant combat qui se donna fur l'Ems, où les Sucdois malgré la mort de Cniphaufen qui les commandoit, demeurerent vain-Banier remporte queurs, & étendirent plus de mille Imperiaux fur le à vvistock. champ de bataille, Banier nouveau General des armées Suedoises remporta à Wistock dans la hauteSaxe une celebre victoire, & par cet exploit il rétablit la gloire des armes de la Suede, & donna commencement à cette grande réputation qu'il fe fit en Allemagne. Quoique les Imperiaux fous le commandement de l'Electeur de Saxe & de Hatzfeldt, euffent l'avantage du terrain & la fuperiorité du nombre, Banier réduit à la ncceffité de les attaquer, Pufendorf. I. & cut l'adreffe de leur faire quitter leur pofte. Tandis que par un long circuit il envoïoit l'aîle gauche de fon armée attaquer les ennemis en flanc, il foutint avec l'aile droite l'effort des Imperiaux Ceux-ci fe croïoient déja vainqueurs, lorfque l'infanterie Suedoise venant au fecours de l'aile droite, & l'aile gauche aïant en même temps joint l'ennemi, la victoire paffa tout à coup du côté des Suedois. Ce ne fut cependant, de l'aveu de Banier, qu'après le combat le plus opiniâtre qu'il eût jamais vû. Car de tous les efcadrons qui compofoient l'aîle droite, il n'y en eut pas un feul qui ne fût à la charge du moins

periaux perdirent fur le champ de bataille & dans AN. 1637. la fuite près de fept mille hommes, & jamais victoire ne vint plus à propos pour relever le courage des Suedois dont les armes commençoient à perdre beaucoup de leur ancien éclat,

dand II.

XL.

Sur ces entrefaites Ferdinand II. mourut à Vienne Mort de Ferdi au mois de Février de l'an 1637. dans la soixanteuniéme année de fon âge, après beaucoup de fuccès & de difgraces; Prince également grand dans l'une & l'autre fortune, plein de modération & d'équité, habile, ferme & entreprenant, dont la memoire est encore réverée de fes peuples pour les grandes qualitez qu'ils admiroient en lui, & fur-tout des Catholiques pour fa grande pieté & le zele qu'il eut toujours pour la religion. Les auteurs François & Proteftans prétendent que l'ambition eut part à toutes fes entreprises; mais fi cette accufation est bien fondée, c'eft le feul défaut qu'on puiffe lui reprocher; & fi l'Eglife ne le canonife pas, comme font quelques auteurs Allemands, l'Hiftoire du moins le comptera au nombre des plus grands Princes qui aïent gouverné l'Empire.

XLI.

La France refufe de reconnoître Ferdinand III.

Amelot obferv. fur les Traitez des Princes.

Quoique peu de temps avant la mort de l'Empereur, fon fils Ferdinand III. eût été élû Roi des Romains & fon fucceffeur à l'Empire, la France ne crut pas devoir le reconnoître, & fi l'on confidere la maniere irréguliere dont cette élection s'etoit faite, on aura tort d'accufer la France de n'avoir suivi en cela que les mouvemens de fa haine contre la Maifon d'Autriche. L'Electeur de Treves étoit depuis deux ans prifonnier du Roi d'Espagne & n'avoit pas donné fon fuffrage. Les Electeurs de Maïence &

de

de Cologne étoient depuis plusieurs années penfionnaires de la même Couronne, & le premier en AN. 1637. avoit reçû une groffe fomme d'argent pour le trouver à la Diete. Le droit du Duc de Baviere à l'Electorat étoit encore contefté par une partie confiderable des Etats d'Allemagne. Les Députez des Electeurs de Saxe & de Brandebourg avoient paffé leurs pouvoirs, trompez par les artifices des Espagnols. On n'avoit convoqué les Electeurs que pour déliberer fur les moïens de rétablir la paix, & non pas pour élire un Roi des Romains. Enfin cette élection devoit fe faire à Francfort & non pas à Ratisbone, où Ferdinand & les Espagnols avoient été les maîtres pendant tout le temps de la Diete, jufqu'à exercer de grandes violences pour donner de la terreur aux Députez.

Quoique ces raifons foient folides, & juftifient parfaitement le procedé de la France, peut-être que dans d'autres conjonctures elle n'y auroit pas fait attention. Mais en temps de guerre & en fait de négociation, on tire avantage de tout, & les moindres chicanes ont leur prix. La France efperoit du moins qu'en fe relâchant fur ce point, elle en obtiendroit quelqu'autre de Ferdinand; & elle eût bien voulu que le Pape & les Suedois fuffent entrez dans ses sentimens. Mais le Pape craignit de mettre un nouvel obftacle à la paix, & les Suedois ne voulurent pas donner lieu à Ferdinand de difputer auffi à Chrif tine le titre de Reine de Suede; représailles affez ordinaires dans ces fortes de conteftations, & que la Reine de Suede avoit effectivement plus de fujet d'appréhender Louis XIII. parce que le Roi de

que

« AnteriorContinuar »