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XXXIV.

Politique du

Cardinal de Riche licu.

Memoires de

Richelieu avoit un interêt particulier de fouhaiter une longue treve préferablement à la paix. Ce Mi- AN. 1639. niftre, quelque digne qu'il fût de la place qu'il occupoit, avoit beaucoup d'ennemis jaloux de fon élevation. Les uns l'attaquoient à force ouverte tels que le Comte de Soiffons & le Duc d'Orleans. Les autres. travailloient fourdement à fa ruine par des infinuations dangereufes qui rempliffoient l'efprit du Roi Montrefor. d'aigreurs & de foupçons. Tel étoit le jeune Cinqmars, qui de créature du Cardinal de Richelieu, devint fon plus dangereux ennemi, comme le Cardinal lui-même l'étoit devenu de la Reine-Mere dont il étoit la créature. Le grand fecret que ce Miniftre emploïoit pour fe foutenir contre ces differentes attaques étoit de se rendre neceffaire, & ce n'est pas fans raifon qu'on l'accuse de ce que dans ce deffein il entretenoit la guerre dont les embarras faifoient dans l'efprit du Prince une diverfion favorable aux interêts du Miniftre. Preffé cependant par les follicitations du Pape, par les murmures du peuple & du Clergé, & par les befoins de l'Etat,il s'étoit déterminé à consentir à la paix pourvû qu'elle fe fit de concert avec tous les Alliez ; mais une treve étoit plus de son goût, parce que la crainte de voir renouveller la guerre auroit mis le Roi dans la neceffité de le conferver. L'interêt de l'Etat fe trouvoit même joint à fon interêt particulier. Le Roi auroit joui pendant la treve de la Lorraine, de l'Alface & des Places qu'il avoit conquifes. Les peuples se seroient infenfiblement accoutumez à la domination Françoise, & une longue poffeffion auroit peut-être tenu Nani hist. Vensta

qu'il fouhaitoit que la treve fût longue & durât au

AN. 1639. moins dix ou douze ans.

XXXV. Conditions de la

deur de Suede à

Paris.

Grotii epiftola.

Mais comme on ne pouvoit rien conclure sur ce treve exigées par point fans le confentement des Suedois, on les conGrotius Ambala fulta. Grotius fit le premier fes propofitions à M. de Chavigny, & demanda que la France continuât de païer tous les ans pendant la treve un million de livres à la Suede. La propofition fut rejettée. Au lieu d'un million M. de Chavigny offrit feulement cinq cens mille livres, n'étant pas jufte d'exiger pendant la treve d'auffi grands fecours que pendant la Pufendorf. l. 10. guerre, Grotius infifta, & Pufendorf prétend qu'il auroit obtenu ce qu'il demandoit, fi Smalz nouvellement arrivé de Suede pour porter des ordres à Grotius, n'avoit imprudemment laiffé entrevoir que les Suedois étoient difposez à se relâcher fur cet article, Mais il fe trompe, & il paroît par les Memoires que la Cour de France envoïoit au Comte d'Avaux qu'on y étoit réfolu quoi qu'il pût arriver, de donner Lettre de M. de la à la Suede beaucoup moins pendant la treve que vaux le 26. Fun pendant la guerre, j'y trouve auffi que Smalz avoit voulu donner un autre tour à cette affaire cette affaire pour obtenir de meilleures conditions. C'étoit de faire durer l'alliance après la treye jufqu'à la paix. Il fonda le Cardinal de Richelieu pour tâcher de découvrir s'il fouhaitoit ardemment cette continuation de l'alliance, afin de s'en prévaloir pour demander une fomme plus confiderable. Le Cardinal s'apperçût du deffein de Smalz, & c'eft ce qui lui fit dire en parlant de lui qu'il le trouvoit finet. Mais il fe prévalut lui-même de ce que Grotius avoit fait le premier la propofition de faire durer l'alliance après la

Barde au C. d'A

4638.

treve,

3

Teve, perfuadé qu'il ne l'avoit pas fait fans ordre, & que par confequent la Suede le fouhaitoit autant AN. 1639. que la France, comme en effet la chofe étoit autant de fon interêt que de celui du Roi. Ainfi le Cardinal de Richelieu n'ajouta rien aux offres qu'on avoit déja faites, & Smalz ne pût s'empêcher de blâmer Grotius de n'avoir pas mieux conduit cette affaire. Cependant il remporta de fon voïage à Paris beaucoup de penchant pour la France & même pour la religion Catholique, comme j'aurai occafion de le dire ailleurs.

Memoires pour

fervir à l'histoire

de Hollande par

rier.

On n'aimoit point à Paris à traiter avec Grotius, & on y étoit mécontent de lui parce qu'il n'avoit pas pour la dignité du Cardinal affez de déference, & qu'il paroiffoit trop jaloux de fon rang. Ce Miniftre plus connu par la profonde érudition que par les talens qu'il avoit pour la négociation, étoit originaire de Delft. Il avoit l'air & les manieres agréa- Aubery du Maubles, beaucoup de franchise, de droiture & de probité. Il fçavoit tout ce qu'il avoit lû, & peu de livres échappoient à fa curiofité & à ses recherches. Il parloit toutes les Langues : il étoit Poëte, Historien, Theologien, Jurifconfulte. Il eut le malheur d'être enveloppé dans la difgrace de Barneveld, & fon attachement au parti lui coûta tous fes biens & la liberté. On fçait par quelle induftrie fa femme le délivra de prifon; mais devenu libre il fut obligé d'aller chercher un azile hors de fa patric. Le Cardinal de Richelieu lui fit donner en France une penfion de trois mille livres, à la faveur de laquelle il fubfifta plufieurs années à Paris. Le Cardinal lui aïant enfin retranché cette penfion par une épargne auffi in

XXXVI. La Cour de

le chagriner.

C. d'Avaux le 16.

Juillet 1639.

jufte que les liberalitez qu'il faifoit à de fort mauAN. 1639, vais Poëtes, Grotius alla chercher un Mecene en Allemagne. Il en trouva un dans le grand Guftave, & après la mort de ce Prince dans le Chancelier Oxenstiern qui l'honora de la qualité d'Ambassadeur de Suede à la Cour de France. Le Cardinal de Richelieu ne vit qu'avec chagrin revenir en France avec un titre fi diftingué un homme qu'il avoit maltraité. Il regarda cette generofité de la Suede comme un reproche qu'elle lui faifoit de fon injuftice, & la conduite de Grotius l'offenfoit encore plus. Ce Miniftre refufoit de donner la droite au Cardinal, France s'applique fous prétexte que les Proteftans ne reconnoiffoient point cette dignité; & pour cette raison il ne le Dépêche du Roi au voïoit que rarement, quoique les Ambassadeurs d'Allemagne & d'Espagne ne fiffent aucune difficulté de fuivre ce ceremonial, & que l'Ambaffadeur d'Angleterre l'eût fait lui-même ; car ce ne fut qu'à l'exemple de Grotius que le Comte de Leicester refufa dans la fuite de rendre cet honneur à la pourpre Romaine. Comme tous les Miniftres de la Cour de France dépendoient abfolument du Cardinal, tous s'appliquerent à chagriner l'Ambassadeur Suedois, & entr'autres M. le Chancelier Seguier lorfqu'il alloit lui rendre visite, affectoit de s'affeoir à la premiereplace; ce qui obligeoit auffi-tôt Grotius d'emporter lui-même fon fiege pour s'aller placer au-deffus du Chancelier. La Cour de France efperoit que les Régens de Suede fatiguez de ces querelles rappeller oient Grotius, & elle voulut même en écrire à la Reine. Mais le Comte d'Avaux confeilla de ne rien précipiter parce que cet Ambassadeur étoit protegé par

Pufendorf.1.11.

Oxenstiern, & celui-ci tout mécontent qu'il étoit

du Maurier.

de Grotius, qui toujours abforbé dans l'étude & retiré AN. 1639. de la focieté des hommes ne lui mandoit, comme il Memoires de Hol difoit, que des nouvelles du Pont-neuf, s'obtinoit à le lande par Aubery laiffer à Paris pour mortifier le Cardinal dont la fierté l'avoit autrefois choqué. Le Comte d'Avaux fit cependant entrer Salvius dans les fentimens de la Cour de France, & attendit une occafion favorable pour faire à la Suede la propofition du rappel de Grotius. Elle ne fe préfenta apparemment pas; car ce Miniftre ne fut rappellé qu'en 1645. après la mort du Car

dinal de Richelieu,

XXXVII.
La négociation

bourg.

C. d'Avaux le 16.

La négociation de la treve n'aïant pas réuffi à Paris fut renvoïée à Hambourg où le Comte d'As de la treve eft renvaux la propofa à Salvius aux mêmes conditions. voïće à Ham-. Mais Salvius ne goûtoit du tout point la treve qu'il croïoit même préjudiciable aux interêts de la Suede. Dépêche du Roi au Il differa de femaine en femaine de s'expliquer avec fuillet 1639. le Comte & ne répondit à toutes ses raisons qu'en demandant un million par an. Le Comte d'Avaux eut ordre d'offrir jufqu'à fept cens cinquante mille livres ; mais les Suedois refuferent encore ces offres, & la chofe en demeura là.

La Maifon d'Au

L'Empereur & le Roi d'Espagne ne témoignoient XXXVIII. gueres plus d'empreffement. Ils n'avoient promis de triche refufe la confentir à une treve que dans l'efperance que leurs treve. armées remporteroient bien-tôt de grands avantages qui feroient perdre à la France la fuperiorité qu'elle avoit fur eux. Comme le fuccès répondoit mal à leurs efperances, ils chercherent des prétextes pour éloigner la treve. C'est ainsi que lorsque l'Efpagne fe préparoit à faire le fiege de Cafal, elle affecta de

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