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Dépêche du Roi au

1640.

ne pouvoit pas durer, parce que la Cour de France AN. 1640. le preffoit extrémement de conclure, & il fallut bien-tôt renoüer la négociation. Le Roi avoit fort à cœur un point qui lui paroiffoit important pour le fuccès du traité de paix : c'étoit qu'on changeât le lieu des Conferences. La France ne goûtoit pas le Ca' Avaux, Mai projet de deux affemblées, fur-tout dans deux lieux auffi éloignez l'un de l'autre que l'étoient Cologne & Lubek. Cette double affemblée étoit toute propre à exciter de la jaloufie entre les Négociateurs & encore plus entre les Médiateurs qui fe difputeroient la gloire d'avoir les premiers achevé leur traité, & par là des Conferences de paix pouvoient devenir une fource de divifion. D'ailleurs les négociations ne pouvoient pas manquer de traîner beaucoup en longueur à cause du temps qu'il faudroit aux Négociateurs pour le communiquer de fi loin leurs penfées & leurs réfolutions, fuivant le projet dont on étoit convenu de n'agir que de concert ; cet embaras devoit être d'autant plus grand que les divers évenemens de la guerre qui continueroit toujours pendant le traité, apporteroient de grands changemens aux résolutions des deux partis. Les Suedois au contraire fouhaitoient deux affemblées, & une des principales raisons étoit qu'ils ne vouloient pas ceder le pas aux Ambaffadeurs François & à plufieurs autres qui croïoient avoir droit de le prendre fur eux. Il y avoit un moïen d'éviter cet inconvenient. C'étoit

que les Plenipotentiaires quoiqu'affemblez dans une même Ville, n'euffent entr'eux aucune Conference que par le canal des Médiateurs qui porteroient les propofitions & les réponses de part & d'autre.

Par

Par là les Médiateurs auroient été plus à portée d'a-
gir de concert, & les chofes paroiffoient devoir être AN 1640.
plûtôt terminées ; mais la difficulté confiftoit dans

le choix d'une Ville. Les Suedois ne vouloient pas
de Cologne parce que cette Ville étoit
trop declarée
contre cux & trop éloignée de la Suede, & les Fran-
çois de leur côté ne vouloient ni de Lubek ni de
Hambourg, parce qu'outre que ces Villes étoient
auffi trop éloignées de la France, le Légat du Pape
ne pouvoit pas accepter une Ville toute Luthe-

rienne.

LX.
Le Comte d'A-

Ofnabrug.

Dans l'impoffibilité que la France voïoit à transporter le congrès en une même Ville, elle avoit ima- vaux propofe de giné un autre expedient conforme à ses vûes. Elle choisir Munfter & vouloit du moins qu'on choisit deux Villes les moins éloignées qu'il fe pourroit faire, afin que la Maifon d'Autriche ne pût pas profiter de leur éloignement pour divifer les Alliez. C'est ce que le Comte d'Avaux propofa à Salvius, & les deux Villes furent pour le traité de Suede, Olnabrug, Francfort fur le Mein ou Cologne, & pour le traité de France Munfter, Maïence ou Wesel. Salvius témoigna quelque répugnance à consentir à cette propofition, parce qu'il prévoïoit que les ennemis n'y confentiroient eux-mêmes qu'avec peine; mais le Comte crut avoir lieu d'efperer que cet article ne feroit pas de difficulté pourvû qu'on fût d'accord fur les autres; ainfi on paffa aux autres points de la négociation.

X.

Salvius vouloit faire un nouveau traité different de celui de Vismar & de Hambourg, parce qu'il en vouloit changer tous les articles à l'avantage de la geoit le Roi de

Contestation fur l'article qui obli

gue.

Pufendorf.l.12.

Suede. Le Comte d'Avaux au contraire confentoit AN. 1640. feulement à ajouter quelque chofe au traité de HamFrance a porter la bourg, afin de l'accommoder à l'état préfent des guerre en Allema- affaires. Dans le traité de Hambourg la France s'étoit obligée à porter la guerre dans les Païs heréditaires de la Maifon d'Autriche ; mais elle avoit affez mal obfervé cet article, parce qu'elle trouvoit mieux fon compte à faire la guerre en Flandre, en Italie & fur les bords du Rhin, laissant à la Suede le foin de la guerre d'Allemagne. Elle avoit encore un interêt. particulier à ne pas éloigner fes armées, afin de s'attacher la Lantgrave de Heffe & les Ducs de Lunebourg; ce qui pouvoit en même temps fervir à rendre les Suedois plus traitables, parce que ces nouvelles alliances rendoient celle de Suede moins neceffaire. Salvius voulant ôter à la France tout prétexte d'éluder cet article, demanda qu'il fût exprimé en ces termes, Que le Roi feroit entrer une bonne armée dans les Païs heréditaires de la Maifon d'Autriche pour y établir le theatre de la guerre. Čes expreffions étoient trop fortes & trop nettes pour les deffeins de la France. Mais le Comte d'Avaux n'eut garde d'en paroître mécontent pour ne pas découvrir les intentions fecretes de la Cour de France. Il fit même femblant de les approuver. Mais peu de temps après fous prétexte que ces termes pourroient faire naître des difficultez, il propofa d'en fubftituer d'autres qui étoient que le Roi feroit une grande diverfion; & pour ôter à Salvius toute défiance il confentit à ajouter en Allemagne : ce qui n'étoit pas contraire aux intentions du Roi, puifque fous le nom d'Allemagne on pouvoit comprendre le Brifgaw, l'Alface & d'autres

tant

que

-AN. 1640.

XI.

tieufe du Comte

Provinces qui faifoient veritablement partie de l'Empire Germanique. Comme Salvius ne goûtoit pas ces expreffions, le Comte s'offrit à exprimer nommément non pas l'Autriche, comme le vouloit Salvius, mais les Provinces Autrichiennes, Provincias Auftriacas, pourvû qu'on y ajoutât, comme dans le traité de Hambourg, la clause quantum fieri poterit. Au- Propofition capl'état de la guerre & les forces du Roiaume le d'Avaux. permettront. Nous convenons pour le fond, difoit-il à Salvius. Vous demandez que le Roi faße vivement la guerre à l'Empereur: il le promet. S'il eft veritablement en état de la faire, la claufe ne l'en dispensera pas. Si la fituation de fes affaires ne le lui permet pas; il en fera difpenfe indépendamment de toute clause. Il ne s'agit entre nous que de quelques termes. Ce raisonnement étoit plus fpecieux que folide : car la difficulté confiftoit en ce que les Suedois craignoient que la France n’abusât de ces termes pour laiffer la Suede chargée de tout le poids de la guerre. Néanmoins comme le Comte d'Avaux paroiffoit inflexible sur ce point, Salvius fut obligé de prendre le parti que le Comte lui avoit d'abord propofé, qui étoit de laiffer cet article dans fon entier tel qu'il étoit exprimé dans le traité de Hambourg. Le Comte d'Avaux refusa avec la même fermeté d'inferer dans le traité que le Roi ne pourroit faire de treve en Flandre ou en Italie que du confentement de la Suede.

Rien n'étoit plus adroit que la methode que le Comte fuivoit dans cette négociation pour découvrir les veritables fentimens de Salvius qui affectoit. quelquefois beaucoup d'indifference & de fermeté. Souvent au lieu de refuter fes raifons, il le quittoit

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avec un air d'indignation fans lui faire de réponse. AN. 1640. Lorsqu'on le preffoit de répondre, il s'excusoit fur ce qu'il n'avoit pas encore reçû fes ordres. Il paroiffoit quelquefois entrer dans fes fentimens pour l'engager à s'ouvrir à lui, & lorfque Salvius croïoit l'avoir gagné, il lui échappoit par quelque défaite qu'il avoit toujours foin de fe réserver. Cette conduite rendoit le Comte d'Avaux impenetrable; mais ce qui embarassoit le plus l'Ambassadeur Suedois, c'étoient les Lettres que le Comte d'Avaux recevoit ou feignoit de recevoir du Baron de Rorté qui résidoit à Stokolm, par lesquelles on l'affuroit, difoitil, que les Régens de Suede confentiroient sans peine à continuer le traité de Hambourg; & que fi Salvius portoit fi haut d'abord fes prétentions, ce n'étoit qu'un jeu pour defcendre enfuite comme par degrez aux conditions des anciens traitez. L'incertitude où étoit Salvius de la verité ou de la fauffeté de ces avis. le jetta fouvent dans de grands embaras.

XII.

les fubfides.

L'article des Subfides étoit le point le plus délicat Conteftation fur de toute la négociation. La France fe plaignoit avec raison de ce que les Suedois prétendoient à chaque Pufendorf. I. 12. renouvellement de traité vendre plus cher leur alliance. Cependant comme celui-ci devoit être le dernier, & devoit durer jufqu'à la paix generale,. le Roi avoit permis au Comte d'Avaux d'accorder aux Suedois jufqu'à douze cent mille livres par an, au lieu d'un million qui étoit ftipulé par le traité de Hambourg. Ce n'étoit pas encore affez pour les Sue26. Avril, 17. Ma dois ; ils en demandoient quinze cent mille & même jufqu'à deux millions, alleguant l'exemple du Duc Bernard & des Provinces-Unies à qui le Roi en avoit

Dépêches du Roi au C. d'Avaux

12. Decemb. 1640.

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