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prendre ainfi le parti de la juftice il devint lui-même
le plus injuste de tous les hommes par la maniere AN.1621.
dont il fit la guerre ; car il la fit en furieux, comme
s'il avoit fait consister tout l'art militaire à piller, à
ravager & à exterminer, n'épargnant ni âge, ni fexe,
ni condition, & fans refpecter aucune des loix de
l'humanité que les ennemis les plus cruels ont cou-
tume d'observer. Le zele qu'il avoit pour fa Secte
pouvoit encore paffer pour une vertu dans l'efprit
des Proteftans; mais il porta ce zele jusqu'à la fu-
reur, traitant avec une extrême inhumanité les Ca-
tholiques qui avoient le malheur de tomber entre
fes mains. Si la fleur de l'âge où il étoit alors ne lui
avoit pas encore permis d'acquerir cette experience
& cette habileté qui fait les grands Capitaines., il.
avoit du moins beaucoup de courage & d'intrépi-

dité;
mais il modera fi peu l'un & l'autre, que ces
qualitez degenererent fouvent en une ferocité bar-
bare & une temerité aveugle. Dès qu'il cut pris la
réfolution de fe déclarer pour Frideric, il alla voir
ce Prince à la Haye, & on dit que par galanterie il
arracha à l'Electrice un de fes gands qu'il mit à fon
chapeau, jurant de porter toujours cette marque de
fon engagement, jusqu'à ce qu'il eut rétabli l'Elec-

teur.

X.

Après avoir fair

vages, Christian fe

Il se jetta d'abord dans l'Electorat de Maïence, & de-là dans les terres du Lantgrave de Heffe- beaucoup de raDarmstadt, pillant, brûlant & commettant par- retire dans la tout d'horribles dégats. Le Lantgrave de Heffe- Vveftphalie. Caffel imita en partie cet exemple en ravageant les terres du Comte de Valdeck, fous prétexte que ce

lieu de la recevoir de lui: mais en effet pour se vanger AN 1621. de Ferdinand dont il n'efperoit pas un jugement favorable dans le procès qu'il avoit avec le Lantgrave de Heffe-Darmstadt pour la Souveraineté de Marpurg. Le Lantgrave de Darmstadt & le Comte de Valdeck écrivirent inutilement au Duc Chriftian & au Lantgrave de Heffe pour se plaindre, & enfuite à l'Empereur pour lui demander justice. Le Comte d'Anholt qui commandoit les troupes de Cologne dans l'armée de Baviere, prit une voïe plus efficace pour arrêter le défordre ; car aïant joint enfemble les troupes de Maïence, de Cologne & de Darmstadt, il marcha droit à l'armée de Chriftian lorfqu'il fe préparoit à piller lariche Abbaïe d'Arnsbourg. Ce Prince n'ofa l'attendre & fe retira dans les bois. Anholt l'en chaffa de nouveau, reprit Amencbourg, Place forte que Christian avoit furprife, & l'obligea encore de s'enfuir en Weftphalie, où cependant il ne fe retira qu'après avoir brûlé Neuftatt,

XI.

d'horribles dégats.

fe

Alors le Lantgrave de Heffe-Caffel voïant le Il y commet Comte d'Anholt fi proche de lui, prit le parti de négocier. Pour le Duc Chriftian, il continua dans la Weftphalie fes ravages ordinaires, & pour vanger des païfans qui favorifoient les Imperiaux, il fit pendre les habitans de plufieurs Villages, & brûla toute la campagne. La licence, l'efperance du butin & l'impunité des plus grandes violences attiroient à fon armée tout ce qu'il y avoit de bandits & de fcelerats; de forte que fes troupes ainfi groffics devinrent fuperieures à celles du Comte d'Anholt. Alors comme un torrent qui a forcé ses digues, fon

armée

XII. Mansfeldt ra

l'Evêché de Strat

bourg & la basic

Alface.

armée fe répandit dans les Evêchez de Munster & de Paderborn, & porta par-tout la défolation & le AN. 1621. carnage. Les Eglifes, les Abbaïes & les Ecclefiaftiques furent le principal objet de la fureur des foldats, & Christian enrichi de ces dépoüilles sacrileges, fit battre une monnoïe d'or où par une raillerie conforme à fon genie, il fit repréfenter d'un côté une main armée d'une épée, & de l'autre il fit graver ces paroles: Ami de Dieu, Ennemi des Prêtres. Pendant ce temps-là le Comte de Mansfeldt ne faifant pas la guerre avec affez de fuccès dans le vage de fon côté bas-Palatinat où il étoit fort refferré par le Comte de Tilly & Dom Gonçalez de Cordouë, le jetta dans la baffe-Alface fur les terres de l'Evêché de Strasbourg. Tout ce qu'il trouva fut pillé, toutes les petites Villes où il entra furent ruinées. S'étant approché de Haguenau il traita avec les habitans dont il reçût cent mille florins, promettant de ne les pas inquieter. Mais à peine se fut-il un peu éloigné, que faifant réflexion que cette Place étoit fort propre au deffein qu'il avoit de fe faire une Principauté en Alface, il retourna fur fes pas, & après avoir forcé la Ville la pilla & y mit une groffe garnison. Il fut moins heureux au fiege de Saverne ; car il fut obligé de le lever, & ne fe vangea affront qu'en portant le ravage dans les terres des Archiducs d'Autriche Lantgraves d'Alface. De-là n'aïant plus de quoi fubfifter il retourna dans l'Evêché de Spire où il acheva de ruiner & de piller ce qui avoit échappé à la premiere avidité de ses sol

dats.

de cet

Le Comte de Tilly dont les troupes étoient

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mieux païées & mieux entretenuës,suivoit aussi un AN. 1622. fiftême de guerre plus régulier, gagnant le terrain pied à pied & s'en affurant à mesure. Pendant l'hyver même il prit plufieurs petites Places & entre autres Wimpfen qu'il fit fortifier afin de s'afsurer un paffage fur le Neker entre Hailbron & Heydelberg. Son deffein étoit de bloquer de toutes parts cette derniere Place. Il remporta auffi quelques avantages fur l'armée ennemie : & par ces petits fuccès il se préparoit à une victoire complette, lorsqu'il se vit fur les bras un nouvel ennemi qu'il n'attendoit pas.

XIII.

Le Marquis de

déclare de nou

veau pour Fride

ric.

Merc. Fran.

Georges - Frideric Marquis de Bade- Durlach Bade- Darlach fe avoit un démêlé confiderable avec Guillaume fon coufin fils d'Edouard Marquis de Bade-Baden. Il prétendoit qu'Edouard n'aïant époufé qu'une fimple Demoifelle, fes enfans, fuivant un fentiment aflez commun parmi les Jurifconfultes d'Allemagne,n'étoient point habiles à fucceder ; & fur ce fondement il s'étoit emparé du Marquifat fupcrieur de Bade & en jouiffoit par provifion. L'envie de menager la bienveillance de l'Empereur pour fe maintenir dans sa possession, lui avoit fait vaincre jusqu'alors l’inclination qu'il avoit pour le parti de Frideric & de l'Union Proteftante; mais aïant enfin ceffé d'efperer, il ceffa de garder des ménagemens & fe déclara ouvertement pour Frideric. Cependant pour prévenir les procedures que l'Empereur pourroit faire contre fa perfonne, il commença par transporter tous fes droits & tous fes Etats à fon fils à qui il fit prêter serment de fidelité par tous ses Sujets, en leur déclarant en pleine Affemblée que pour lui il vou

loit déformais vivre & mourir foldat, & confacrer le reste de ses jours à la défense de la Religion Pro- AN. 1622. teftante & de la liberté Germanique. Après cela il leva une armée de trente mille hommes de pied & de trois mille chevaux avec un train confiderable d'artillerie, & un grand attirail de guerre.

L'Electeur Palatin spectateur oifif d'une guerre dont il étoit le sujet, n'avoit point ofé depuis fa difgrace reparoître fur les rangs. Il attendoit que la fortune commençât à fe réconcilier avec lui, & lorfqu'il apprit les grands préparatifs que faifoit le Marquis de Durlach, il crut avoir enfin trouvé ce moment favorable. Il partit auffi-tôt de la Haye fort fecretement avec un jeune Gentilhomme de Boheme qui s'étoit fait le compagnon de fa fuite & de fon exil, tous deux conduits par un Marchand de Strasbourg qui les faifoit paffer pour deux jeunes Seigneurs Allemands qui voïageoient. Dans cet équipage ils débarquerent à Calais, pafferent par Paris, & après avoir heureusement traversé la France & la Lorraine, ils arriverent fur la frontiere d'Alface. Là le Marchand trouva le moïen d'obtenir des ennemis mêmes un paffeport avec une escorte qui conduifit ainfi fans le fçavoir, l'Electeur jufqu'à Landau.

XIV.

L'Electeur Palatin arrive dans le

Palatinat.

X V.

Ses premiers fuc

Son arrivée paroiffoit neceffaire pour affermir fon parti. Elle fixa l'irréfolution vraie ou apparente cès. de Mansfeldt qui paroiffoit alors ébranlé par les offres flatteufes que lui faisoit l'Infante Archiducheffe. On dit que ce General dînant avec l'Envoïé de la Princesle, lorsqu'il apprit l'arrivée de Frideric, prit auffi-tôt un verre, & buvant à la fanté de l'E

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