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travailler avec beaucoup de diligence à construire un pont furle Mein, lorfqu'il fe vit prévenu par le AN. 1622. Comte de Tilly. Ce General fuivi de Gonçalez & du Comte d'Aholt qui s'étoit venu joindre à lui, s'étoit avancé au-devant du Duc de Brunswick. Après avoir deliberé s'il l'attendroit en deçà du Mein pour l'attaquer de front à fon paffage, ou s'il pafferoit lui-même la riviere pour charger les ennemis à dos lorfqu'ils entreprendroient de la traverfer, il prit ce dernier parti. Il paffa ainfi le Mein à Afchaffembourg, & de-là marchant avec une extrême diligence il vint fe préfenter inopinément à la vûë de Chriftian. Ce Prince avoit déjà achevé fon pont; mais il n'avoit pas encore eu le temps de faire défiler ses troupes, & il fallut se résoudre à la bataille.

XXII. Bataille de

ibid.

Les deux armées étoient à peu près égales en nombre. L'une étoit animée par le fouvenir encore Hoëchst. récent de fes victoires paffées; l'autre étoit redoutable par fa ferocité. Cette action sembloit d'ailleurs devoir décider de la fortune du Prince Palatin & du fort de tous fes Etats. Le combat commença par l'artillerie avec beaucoup d'avantage pour les Imperiaux. Le Duc de Brunswick n'avoit que trois canons dont deux devinrent presqu'aufsi-tôt inutiles, au lieu que les Imperiaux en avoient dix-huit placez fur un terrain élevé d'où ils firent pendant cinq heures de temps de fi terribles décharges fur les bataillons & les efcadrons ennemis, que Chriftian fut fouvent obligé de changer fon ordre de bataille. On ne laiffa pas pendant tout ce temps-là d'aller fouvent à la charge de part & d'autre ; mais ce furent plûtôt des efcarmouches qu'un combat reglé. L'ar

mée Imperiale s'ébranla enfin pour fondre de toutes AN. 1622. parts fur les ennemis, & le Comte de Tilly fit en même temps défiler des troupes pour occuper les avenues du pont de batteaux que le Duc Christian avoit jetté fur le Mein. Dans ce moment ce Duc déliberoit avec les principaux chefs de fon armée fur le parti qu'il y avoit à prendre. Tous concluoient. à faire retraite en bon ordre; mais tandis qu'ils en propofoient les moïens, toutes leurs troupes faifics d'une terreur fubite se mirent à fuir de toutes parts pour fe fauver par le pont de batteaux. Les hommes, les chevaux, les chariots & les bagages s'embarassant les uns les autres dans leur fuite, cauferent en un moment une affreufe confufion fur le pont. Les uns furent étouffez dans la foule, les autres furent précipitez avec leurs chevaux dans le fleuve. Une infinité de Soldats & d'Officiers y furent engloutis en voulant le traverser à la nage, & entr'autres le Comte de Lovenftein dont le nom eft refté à l'endroit du fleuve où il fe noïa. Le Comte de Tilly & les autres Generaux de l'armée Imperiale. furpris d'une fuite si précipitée, s'arrêterent quelque temps: foupçonnant que c'étoit une feinte pour les attirer dans quelque mauvais pas. Mais aïant enfin reconnu le défordre de l'armée ennemie, & que les foldats: jettoient leurs armes pour mieux fuir, ils coururent auffi-tôt, quoiqu'un peu tard, à la pourfuite des fuïards. Tout ce qui ne put fe fauver au de-là du Mein fut paffé au fil de l'épée. Les Croates pourfuivirent encore les ennemis au de-là & en tuerent un grand nombre de forte qu'on compta que le Duc de Brunswick perdit dans cette journée plus de huit

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mille hommes tuez ou noïez, fans y comprendre les prifonniers qui furent en grand nombre, les dra- AN. 1622, peaux, une grande quantité d'armes & de bagages; & ce qu'il y cut de plus remarquable, c'est que les Imperiaux ne perdirent de leur côté que trente-cinq hommes.

XXIII.

Frideric aban

Tilly acheve de fe

Ce dernier coup en achevant d'abattre le parti de Frideric l'accabla lui-même de douleur & de défef- donne les Etats poir. Le Marquis de Durlach rebuté de tant de dif- dont le Comte de graces l'abandonna & fe retira dans fes terres après rendre maître. avoir licentié fes troupes. Frideric parut auffi vouloir ceffer de lutter contre fa mauvaise fortune, & abandonnant fes Etats à la merci des vainqueurs il fe retira dans la baffe-Alface avec Mansfeldt, le Duc Chriftian & les reftes de leurs armées vaincuës. Mansfeldt & Chriftian continuerent cependant encore quelque temps la guerre dans l'Alface, commettant par-tout d'horribles cruautez, tandis que le Comte de Tilly acheva de fe rendre maître de tout le Palatinat par la prise de Heydelberg & de Manheim.

Cette derniere Place fit peu de réfiftance; mais la premiere après avoir rejetté fierement les conditions que le Comte de Tilly lui offrit, fe défendit pendant plufieurs jours avec beaucoup de courage. L'opiniâtreté de fes habitans leur coûta cher; car la Ville aiant été emportée d'affaut, fut abandonnée au pillage & à la fureur des foldats qui y affouvirent leur avarice, leur haine & leur brutalité par le maf-facre des habitans, & le butin immenfe qu'ils y firent. Les fçavans regrettent encore aujourd'hui cette belle Biblioteque, une des plus curieufes & des plus ce

lebres de l'Europe, que les Electeurs Palatins confers AN. 1622. voient depuis long-temps, & enrichiffoient tous lejours de tout ce qu'il y avoit d'ouvrages précieux dans le monde, & qu'ils avoient fur-tout beaucoup augmentée des dépouilles des Eglifes & des Monafteres, depuis que ces Princes avoient changé de Religion. Une grande partie des Livres fut diffipée par la negligence des Officiers. Les autres furent diftribucz par la liberalité du Duc de Baviere en diverses Biblioteques particulieres.

XXIV. Frideric défarme & congedie le Comte de Mans

Brunfvvick.

Merc. Franc.

que

Après tant de difgraces il ne reftoit plus d'efperance à Frideric dans la clemence & la generofeldt & le Duc de fité de fes vainqueurs ; foible reffource quand on n'eft point en état de fe faire craindre. Cependant follicité par les confcils du Roi d'Angleterre fon beau-pere, Prince foible & peu habile, qui aimoit à négocier parce qu'il n'aimoit pas la guerre, & qui par la même raifon négocioit toujours fort mal, il prit le parti de défarmer entierement, de licentier ce qui lui reftoit de troupes, & de congedier ses deux Generaux Mansfeldt & le Duc de Brunswick, afin d'effaïer de toucher fes ennemis par la vue même de fa foiblesse & de l'état déplorable où il se réduifoit.

XXV.

Les Imperiaux

de toute l'Alface.

Mansfeldt ainfi congedié renonça au projet qu'il fe rendent maîtres avoit formé de fe faire un établiffement dans l'Alface. Il abandonna Haguenau, & bien-tôt l'Archiduc Leopold fe rendit maître de toute cette Province & mit par-tout de fortes garnifons. Le Marquis de Durlach retiré dans la fortereffe de Hocheberg abandonna parcillement toutes fes terres à la difcrétion des Imperiaux qui s'en emparerent, tandis

que l'Empereur par un Edit Imperial le dépoffe doit du Marquifat fuperieur de Bade pour le reftituer au AN. 1622. fils aîné du Marquis Edouard. Vormes, Spire & toutes les Villes du Rhin qui avoient favorisé l'Electeur, furent auffi obligées de recevoir garnifon Imperiale. La révolution fut generale, & l'on fit par-tout expier aux Proteftans les mauvais traitemens qu'ils avoient faits aux Catholiques. Frankendall feul fut épargné par complaifance pour l'Archi ducheffe qui crut par-là faciliter la paix.

XXVI. Mansfeldt &

en Lorraine.

Cependant Mansfeldt & le Duc de Brunswick prirent leur route par la Lorraine, fans trop fçavoir Chriftian entrene ce qu'ils alloient devenir. Ils avoient encore une armée de dix-mille hommes de pied & de huit mille chevaux, avec quatorze pieces d'artillerie & un nombre prodigieux de femmes, & de goujats qui affamoient l'armée & portoient la difette par-tout. Les troupes accoutumées au pillage firent de grands dégats & commirent beaucoup de violences dans leur marche, après avoir paffé la Mofelle elles pillerent les Evêchez de Metz & de Verdun, où elles ne laifferent aux habitans de la campagne que ce qu'elles ne purent enlever. Là le Comte de Mansfeldt s'arrêta pour déliberer fur le parti qu'il devoit prendre. Son premier deffein avoit été de ravager le Duché de Luxembourg & d'aller ensuite offrir ses fervices aux Etats de Hollande ; mais l'Archiducheffe le follicitoit au contraire d'entrer au fervice du Roi d'Espagne, & lui faifoit les plus belles offres. L'Empereur lui offroit auffi des conditions avantageufes, tandis que le Roi d'Angleterre le conjuroit de ne pas abandonner fon gendre. D'un autre côté

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