Imágenes de páginas
PDF
EPUB

khan.

de vos ennemis. Aujourd'hui vous ne payez tant de fervices que par la plus noire ingratitude ». Onkkhan, qui L'an 1203. Apr. J. C. n'avoit rien à répondre à ce difcours, & qui ne l'entendit Genghizqu'avec honte & avec confufion,dit à l'Ambaffadeur que Sungun lui rendroit réponse. Celui-ci qui étoit animé par la bleffure qu'il avoit reçue dans la derniere action, & qui ne refpiroit que la vengeance, ne voulut écouter aucun accommodement. Temoudgin tenta plufieurs autres moyens, qui frent également inutiles.

Plufieurs Hordes prirent parti dans cette affaire, & se Gaubik rendirent auprès de Temoudgin. Son frere Joudgicafar, fon beau-frere Quatchou Chef des Kunkurats, Poukou Chef des Kurlas (a), Eifenkera (b) frere d'Onkkhan, & plufieurs autres, se rendirent auprès de la riviere Pantchouni proche l'Orgoun, Joudgicafar y fit tuer un cheval, Temoudgin prit de l'eau de la riviere, & fit ferment en la bûvant, de partager avec ces Chefs & ces Officiers pendant toute fa vie, le doux & l'amer, & que s'il violoit jamais ce ferment il vouloit devenir comme l'eau qu'il bûvoit. Tous ces Chefs à fon exemple firent le même ferment, & depuis ce tems ils lui refterent fort attachés.

Les deux armées ennemies fe rencontrerent entre les rivieres de Toula & de Kerlon, où elles fe donnerent une fanglante bataille dans laquelle Temoudgin eut tout l'avantage. Onkkhan & fon fils Sungun prirent la fuite, & tous leurs Sujets fe foumirent au vainqueur. Temoudgin envoya à la poursuite d'Onkkhan qui fut arrêté; mais ce Khan ayant Gaubil. trouvé le moyen de s'échapper, il voulut fe retirer fur les des T Hift. géné. terres des Naimans, dont le Khan étoit alors appellé AboulfaTayangkhan, il eut le malheur de tomber entre les mains radge. de deux petits Chefs de cette Horde (c), qui le regardant comme l'ennemi de leur Prince, maffacrerent tous fes gens, & lui couperent la tête qu'ils porterent à Tayangkhan. Ce Khan ne put s'empêcher de blâmer cette action, & de dire à ces Chefs qu'ils devoient plutôt lui fervir de guides

(a) les Chinois le font chef des Ikilieffe, que je prens pour les Kurlas ou les Kallats.

(b) On le nomme encore Jacacara.
(c) Nommés Kurimadgiou & Tam.ca.

L'an 1203.

khan.

L'an 1204.

que

[ocr errors]

"

de bourreaux. Il regardoit Onkkhan comme un grand Apr. J. C. Prince, refpectable par fon âge. Il fit enchaffer fa tête dans Genghiz de l'argent, & placer enfuite fur fon propre Siége. Tel fut le fort de ce fameux Prêtre Jean, fur lequel on a débité tant de fables. Onkkhan qui avoit embraffé le Neftoria¬ nifme, avoit pris le nom de Jeam, & c'eft pour cette raifon qu'Aboulfaradge le nomme le Roi Jean. A l'égard du titre de Prêtre qu'on lui donne, c'eft probablement parce qu'il avoit été facré Prêtre par les Neftoriens. Ceux-ci peu fcrupuleux donnoient cette dignité à tous ceux qui la leur demandoient, & même aux enfans. Sungun fils d'Onkkhan, fe tint caché pendant quelque tems parmi fes Sujets, enfaite il fe retira dans le Royaume de Tangout ou de Hia d'où il fut chaffé ; de-là il paffa dans le pays de Khoten ; Calizohara de la Horde des Kallats le fit mourir, & envoya fa tête, sa femme, fes enfans, & tous fes effets à Temoudgin. › Le traitement qui venoit d'être fait aux Keraïts & à leur Gaubil. Khan, intimida Tayang, Khan des Naimans, Ce Prince Hift.géné. des Tatars, orut devoir former une ligue pour s'oppofer à la puiffance de Temoudgin. Il avoit auprès de lui Gemouka, l'ennemi du Khan Mogol, qui l'exhortoit à prendre les armes. Ils essayerent de mettre dans leur parti Alakus, chef de la horde des Unguts (a). Ils lui envoyerent un Ambassadeur pour lub représenter que la puiffance de Temoudgin devenoit de plus en plus redoutable; que ce Khan traitoit avec beaucoup de dureté ceux qu'il foumettoit, en faifant maffacrer les Grands, & confervant les petits pour augmenter le nombre de fes forces; qu'il venoit de détruire toute la famille d'Onkkhan; que c'étoient-là les motifs qui les avoient obligés de former une ligue pour le bien général & la défense de la Tartarie. Alakus qui étoit attaché à Temoudgin, refusa d'entrer dans cette confédération, & en inftruifit le Khan Mogol. Auffi-tôt Temoudgin fit affembler les Chefs de toutes les hordes qui lui étoient foumifes, & délibéra avec eux fur le parti qu'il avoit à prendre. Tous convinrent que les

(a) L'Histoire Chinoife le nomme Alhouffe, chef des hordes des Tatars blancs, qui demeuroient au Sud-eft des

monts Altai, & elle dit qu'Alaouffe defcendoit des anciens Princes Turcs.

[ocr errors]
[ocr errors]

21

khan.

thevaux étant encore trop fatigués de la derniere expédition, Apr. J. C. il falloit attendre à un autre tems pour porter la guerre chez L'an 1:04 les Naimans; mais Daritlai olzingan (a), oncle paternel de Genghiz Temoudgin, repréfenta qu'il étoit important de ne pas différer de prendre les armes, & offrit tous les chevaux qu'il avoit pour remonter l'armée: auffi-tôt la guerre fut réfolue, & Temoudgin raffembla toutes fes troupes, afin de prévenir les Naimans. Il envoya Zena novian, homme dans lequel il avoit beaucoup de confiance, pour s'informer de l'état & des forces de l'ennemi. Ce Général arrêta, un Naiman qu'il conduifit à Temoudgin. On apprit par-là khan après s'être réuni aux Markats, aux Ouirats & aux que Tayang Dfoigerats, avoit paffé la riviere d'Altai ou de Siba, & qu'il s'avançoit à grandes journées vers les hordes de Temoudgin. Celui-ci ne perdit point de tems, & fe mit en marche, & quelques jours après fes coureurs découvrirent l'armée ennemie. Temoudgin fe rangea en bataille; il donna le.commandement de l'aîle droite à fon frere Joudgicafar; celui de l'aile gauche, à fon fils Toufchi, & il fe plaça au centre, Il n'eut pas plutôt attaqué l'ennemi, que Tayang khan bleffé dangereufement, fe retira fur une éminence voifine. Ses-Officiers voyant qu'il lui reftoit peu de tems à vivre, revinrent à la charge, réfolus de fe défendre jufqu'à l'extrémité, pour ne pas tomber entre les mains du vainqueur dont ils craignoient les traitemens. Le combat recommença, & il y périt beaucoup de monde. Tayang khan ordonna à fes troupes de fe rendre à Temoudgin, en leur faifant dire qu'il étoit fatisfait des preuves de leur fidélité; mais elles refuferent d'obéir, & elles fe battirent jufqu'à ce qu'il ne reftât plus un foldat. Tayang khan effaya de fe fauver avec fon fils, & le peu de gens qu'il avoit à fa fuite, Il mourut en chemin. Son fils Kefchlouk fe retira auprès de Boiruc, autre Khan des Naimans, frere aîné de Tayang.

1

Après cette grande victoire Temoudgin, comme la faifon L'an 120 étoit trop avancée, alla prendre fes quartiers d'hyver; mais il fe remit en campagne au printems fuivant. Tocta begh (a),

(a) On le nomme encore Daritlai bu- (6) Les Chinois le nomment Toto." Jai, les Chinois l'appellent Cantchekin.

Apr. J. C.

L'an 1205.

khan.

Aboulfaradge. Hill. géné.

Khan des Markats, s'étoit toujours réuni aux ennemis du Khan Mogol; il s'étoit trouvé dans la derniere action avec Genghiz les Naimans, & au commencement de la déroute il s'étoit retiré avec fes gens auprès de Boiruc khan. Temoudgin n'auroit pas regardé cette victoire comme complette, s'il n'eût détruit ce petit Khan: il entra fur fes terres, foumit toute la horde des Markats, & après en avoir tiré un grand nombre d'hommes pour augmenter ses troupes, il alla faire des courses fur les terres du Khan du Tangout ou des Rois de Hia. Il revint enfuite dans fes Etats, où un grand nombre de hordes fe foumirent à lui: alors tous leurs Chefs & les L'an 1206. Généraux de fes armées tinrent une grande assemblée à la fource du fleuve Onon, dans le pays de Naumancoura. On fit paroître un certain Khodgia, fils de Menglik iska, qui des Tatars. fe difoit infpiré ; le rang qu'il tenoit parmi les Mogols, & l'austérité avec laquelle il vivoit en impoferent; il étoit er rant dans les deferts & les montagnes, & tout nud au mi lieu même des plus grands froids de l'hyver. Il dit à cette affemblée que Dieu lui avoit apparu, & qu'il venoit de fa part annoncer, qu'il avoit donné la terre à Temoudgin, qu'il vouloit qu'on le nommât dorefnavant Dgenghiz-khan, & que tous ceux de fa poftérité feroient Khans. Ce ftratagême réuffit, perfonne ne s'oppofa à l'élévation de Temoudgin. Toutes les troupes affemblées, & divifées en neuf corps fous autant de pavillons différens, donnerent à Temoudgin le titre de Dgenghizkhan, c'est-à-dire, le très-grand Khan (a). Temoudgin, que nous n'appellerons plus déformais que Genghizkhan, déclara Mokli gouïanc (b) & Por tchou fes deux grands Généraux & fes premiers Miniftres. Les Naimans qui avoient à leur tête leur Khan Boiruc; Aboulfedha avoient refufé jufqu'alors de fe foumettre à Genghizkhan; & Boiruc étoit lié avec tous les ennemis de ce Prince, dont

L'an 1207.

Gaubil.

(4) L'Auteur de l'Hiftoire généalogique des Tatars, qui mérite d'etre crû, puifque c'étoit fa langue, dit que Dgin en langue Mogole veut dire grand, & que Ghiz eft la marque du fuperlatif. Les Hiftoriens Chinois qui écrivent Tching-ki-fe, difent que ce mot eft le

cri d'un oifeau fabuleux.

(b) Les Chinois le nomment Moholi. Le furnom de Gouïanc eft apparem ment une altération du mot Chinois Ouang, c'eft-à-dire Roi, titre que Genghizkhan lui donne,

L'an 1207.

khan.

des Tatars.

il s'efforçoit d'augmenter le nombre. Genghizkhan marcha avec fes troupes vers le campement de Boiruc; il apprit là Apr. J. C. que ce Khan étoit allé faire une grande chaffe ; il le fit fui- Genghizvre, Boiruc fut pris, & eut la tête tranchée. Un des gens de Boiruc en donna auffi-tôt avis à Kefchlouk, fils de Hift. géné. Tayang khan & au refte de fa famille; tous prirent la fuite, Nifawi. & fe retirerent vers la riviere d'Irtisch, où ils s'établirent, & y formerent un puiffant parti qui étoit foutenu par Toctabegh, Khan des Merkites. Genghizkhan emmena tous les L'an 1208, prifonniers & fon butin dans fes Etats, & fe rendit au printems fuivant à la tête de fes troupes vers la riviere d'Irtifch. Les Dfoigerats, dont le Chef étoit appellé Conacabegh, & les Carliks (a) qui avoient pour chef Arflan, n'olant s'opposer aux forces de Genghizkhan, fe foumirent à ce Prince, & le conduifirent vers les habitations de Keschlouk & de Toctabegh. Ceux-ci informés de fa marche, avoient déja pris la fuite. Toctabegh fut rejoint & fait prisonnier Genghizkhan le tua de fa propre main; Kufchlouk fe réfu gia auprès de Gourkhan (6), qui regnoit dans le Carakhatai, c'eft-à-dire, dans le pays de Kafchgar. Ce Gourkhan; qui étoit de la nation des anciens Khitans, le reçut fous fa protection, & lui donna fa fille en mariage. Dans la fuite Kefchlouk devint fon plus grand ennemi, & caufa la ruine de l'Empire des Carakhitans (c).

des Tatars

Genghizkhan devenu maître de tant de hordes, fongea à Hift. géné. foumettre celles qui reftoient. Il envoya des Ambaffadeurs nommés Altai & Taramifch, vers les Kergis, pour les fommer de le reconnoître en qualité de grand Khan. Uruff inal, Chef des Kergis, qui n'étoit pas affez puiffant pour résister à ce Prince, fut obligé d'obéir; il dépêcha un de ses Officiers vers Genghizkhan, pour lui prêter ferment de fidélité, & lui porter en même tems des préfens, parmi lefquels il y avoit un oifeau appellé Schonkar; cet oifeau qui eft rare, eft tout blanc, à l'exception des pattes, du bec & des yeux

(a) Les Chinois nomment cette horde Alalou.

(b) C'eft lui que Rubruquis appelle Con-khan ou Ken-khan, qui regnoit

dans le Carakhatai, ou Khatai nior.

(c) Les Chinois les nomment Si-leao ou Leao d'Occident.

« AnteriorContinuar »