Ye-tong-chi Hift. géné. des Tatars.

Hift. des Voyages.

A

LES MOGOLS KALKAS.

PRÉS la mort du dernier Empereur des Mogols, le Prince héritier nommé Bifourdar fe retira à Caracorom, où il rétablit en Tartarie l'Empire des Mogols, qui dans la fuite furent plus connus fous le nom de Kalkas, à caufe de la riviere de Kalka-pira. Quelques Voyageurs, les ont appellés Mongales. Ces Kalkas Mogols habitent depuis la Jenifea jufques vers le cent trente-quatrieme degré de longitude. Je n'ai point trouvé de mémoires qui me fournissent la fuite chronologique de leurs Princes. Bifourdar-khan eut pour fucceffeur Tokoz-timour (a) qui fut tué par Yefoncheulh. Alors toutes les Hordes qui étoient foumises à Tokoz-timour se difperferent, & chaque Chef devint comme fouverain dans fa Horde. Hong-vou, Empereur de la Chine, envoya contre eux des armées qui les pourfuivirent affez avant dans le Nord. Yum-lo, un de fes fucceffeurs, continua de leur faire la guerre, dans le deffein de les détruire entierement. Deux Chefs des Mogols, Mohammed & Ordai, fe foumirent à ce Prince, qui donna au premier le titre de Chun-nim-vam, & au second celui de Ho-ning-vam. Le dernier ayant voulu fe rendre maître de toutes les Hordes, fut tué par Mohammed, mais les peuples qui n'avoient pas voulu fe foumettre à celui-ci, donnerent le titre de Khan à Tocta-bougha qui defcendoit des anciens Empereurs Mogols de la Chine. Il fixa fa demeure au Nord du defert de Chamo.

Avant l'an 1688 les Kalkas étoient gouvernés par trois Princes (b) qui prenoient le titre de Khan. Le premier étoit appellé Chefaktou-khan & fon territoire étoit le plus à l'Oueft, il fut pris & tué par les Eleuthes. Le second nommé Toufiktou-khan (c), se sauva, & la plûpart de ses sujets

(a) Les Chinois le nomment Tokoufie-timoulh.

(b) Je ne nomme point ici les Princes indiqués par M. Pétis, parce qu'on

ne voit rien de certain dans la lifte qu'il en donne.

(c) On le nomme encore Toufchid

tou.

fe retirerent dans les forêts qui font au Nord du Toula. Che-chin-khan, le troifieme, campa fur les bords du Kerlon, afin d'être toujours prêt à fe fauver dans le pays des Mantcheous, en cas que les Eleuthes le vinflent attaquer. Après la mort du Khan des Eleuthes, Chechin-khan implora la protection de la Chine, & reconnut l'Empereur pour fon Souverain. Il obtint le titre de Tcing-vang, & les Chefs des Hordes eurent d'autres titres. Depuis ce tems, cette nation, de même que les fujets de Toufiktou-khan, s'eft foumife aux Tartares Mantcheous, maîtres de la Chine. Le fils de Chefaktou, après la mort de fon pere, fuivit cet exemple, & l'Empereur de la Chine lui affigna des terres.

Le pays que ces Mogols (a) habitent à préfent, eft borné à l'Eft par la Tartarie Orientale, au Sud par la grande muraille, à l'Ouest par le pays des Eleuthes ou Kalmoucs. Le nom de Kalkas qu'on leur donne, paroît réservé aux defcendans des Mogols de la Chine qui fe retirerent vers les rivieres de Selinga, d'Orkhon, de Toula & de Kerlon, où ils fonderent un nouvel Empire qui porta le nom de Kalkas. Les autres plus voifins de la Chine, dont ils font aussi tributaires, s'appellent fimplement Mogols. Quoique toutes ces Hordes qui compofent à préfent ces derniers, foient dans l'ufage de mener une vie errante, elles ont des limites refpectives, au-delà defquelles il ne leur eft pas permis de s'établir. Elles font divifées en quarante-neuf Ki ou étendarts. Mais on peut confidérer les Mogols proprement dits fous trois principales dénominations, prifes de leur pofition à l'égard des quatre portes de la grande muraille de la Chine, c'est-à-dire, Hi-fong-keou, Kou-pe-keou, Chang-kiakeou & Cha-hou-keou.

Au Nord de la premiere fituée dans le Pe-tcheli, on rencontre les pays de Kortchin, d'Ohan, de Naiman, de Karchin, à l'Eft duquel eft celui de Tumet. Le pays de Kartchin Hift. des eft divifé en deux Kiou banieres, gouvernées par deux Prin- Voyages. ces. Cette contrée eft fans comparaison la meilleure de tous

(a) Il ne faut pas confondre ces Mogols avec les Tartares Mantcheous, que quelques-uns appellent improprement

Mogols de l'Eft. Ces Mantcheous font
des Tartares Orientaux.

les pays Mogols. Comme les Princes qui le gouvernent à préfent font d'origine Chinoise, ils y ont attiré un grand nombre de leurs compatriotes qui y ont bâti plufieurs bourgades. La culture des terres leur produit leur fubfiftance & de quoi commercer avec leurs voisins. On y trouve des mines, dont quelques-unes font d'excellent étain, & des vaftes forêts d'un beau bois, que l'on tranfporte à Pe-king pour la conftruction des édifices. Le pere du bifayeul du Prince qui regne à préfent, s'enrichit confidérablement par ce commerce, qui le mit en état de rendre de grands fervices au Prince de Kortchin, d'obtenir enfuite fa fille en mariage, & enfin de devenir maître de toutes fes poffeffions. Ce fut pour se les affurer qu'il fe joignit aux Mantcheous, lorfque ceux-ci ont fait la conquête de la Chine. Il obtint pour récompenfe de fes fervices le titre de Tcing-vam, que l'on rend aujourd'hui par premier Regulo, & c'eft le plus haut titre d'honneur qu'un Prince puiffe recevoir de l'Empereur de la Chine. Le pays de Kartchin n'a pas du Nord au Sud plus de quarante-deux grandes lieues de France, mais il s'étend beaucoup plus de l'Eft à l'Ouest. La feule ville qui mérite quelque attention, eft celle de Chahan-fubarhanhotun (a), c'est-à-dire, la ville de la pyramide, à cause d'une pyramide à plufieurs étages qui fe voit dans ce lieu. C'est dans ce canton que l'Empereur de la Chine a de belles maifons de campagne, où il s'exerce fouvent à la chaffe, & où il paffe ordinairement les chaleurs de l'été qui font en cet endroit plus fupportables qu'à Pe-king.

n'eft

Kortchin eft divifé en dix étendarts qui comprennent les cantons de Turbeda & de Chaley ou Dgelaïr. Ces Tartares ont leur principale habitation fur la riviere de Kueyter, & leur pays, qui s'étend jufqu'à celle de Sira-mouran, compofé que de plaines ftériles. Ils brûlent au lieu de bois de la fiente de cheval & de vache, & faute de fources ils fe creufent des puits. Le principal point du canton de Turbeda eft la riviere de Haitahan-pira (6). Les Dgelaïrs habitent

(a) Hotun en langue Mogole fignifie une ville, & fubarlian, une pyramide.

(b) On a vû que mouren, mouran ou moran fignifioit en langue Mogo

le riviere. Pira fe dit d'une riviere moins confidérable. Oulá dans la langue des Mantcheous fignifie une grande riviere..

les bords du Nonni-oula. Ainfi du Nord au Sud il comprend environ quatre degrés, & s'étend fix lieues au Nord du Haitahan, mais il n'a pas plus de trois degrés vingt-cinq minutes de l'Eft à l'Ouest.

Naïman, ou comme quelques autres écrivent, Nagman, l'origine des anciens Naïmans, ne contient qu'une baniere, & commence à la rive méridionale du Siramouran. La latitude prise fur le lieu, eft de quarante-trois degrés, trentefept minutes, & la longitude, de cinq degrés à l'Eft de Peking. Topir-tala eft le principal point du Nord.

tun,

Ŏhan n'eft gueres habité que fur les bords du Narkonipira, dans les endroits où cette riviere reçoit quelques petits ruiffeaux, tels que Chaka-kol ou Chahan-kol, qui donne fon nom au village de Chakakol-kaïan. On voit de ce côté, à quarante-un degré, quinze minutes de latitude, les ruines d'une ville qui fe nommoit Orpan ou Kurban-subarhan-hofur la petite riviere de Nuchuku ou Nuchaka, qui se jette dans celle de Talin-ho. Les contrées de Naïman & d'Ohan ont beaucoup moins d'étendue que celle de Kortchin, quoique le terroir foit incomparablement meilleur. Il eft entremêlé de petites montagnes buiffonneufes qui fourniffent du bois pour le feu, & qui font remplies de gibier, fur-tout d'une incroyable quantité de cailles, qu'on eft furpris de voir voler fans crainte entre les jambes des paffans. Ces trois cantons & celui de Turnuda ou Turbeda, qu'ils ont à l'Eft, font extrêmement froids, le fond du terroir y eft fabloneux, fec & nitreux.

Tumet eft divifé en deux banieres fous autant de Princes. Sa partie la plus habitée eft au-delà du Subarhan, où l'on voit les ruines de la ville de Modun-hotun. Ce pays s'étend au Sud jufqu'à la grande muraille, & vers l'Eft jufqu'à la paliffade qui renferme le Leao-tong. Au Nord il a pour bornes Halba, ou Hatapai-chang.

En fortant par la porte de Kou-pe-keou, on entre fur des territoires qui faifoient autrefois partie de Kartchin & d'Onhiot, mais qui font couverts aujourd'hui de forêts, où l'Empereur de la Chine s'exerce à la chaffe. Plus loin on trouve

les contrées d'Onhiot, de Ketchikten, de Parin, de Charot, d'Utchumutchin, d'Aroukortchin & d'Abahanar.

Onhiot eft la horde des Mogols appellés Hunguts; elle eft aujourd'hui divifée en deux banieres fur la riviere d'Inkin. Parin divifé auffi en deux banieres, a fes principales habitations fur les bords du Hara-mouren, qui fe jette dans le Sira-mouren. Les territoires d'Onhiot & de Parin, font audelà des maisons de plaifance de l'Empereur de la Chine du côté du Nord. Leurs Princes ont été long-tems alliés à la Maifon Impériale, & font en grand nombre dans les deux cantons. Parin eft le plus étendu, mais d'ailleurs affez semblable à celui d'Onhiot, dont le territoire eft d'une bonté médiocre. Ketchicten ou Keficton eft divifé comme les Cantons précédens en deux banieres. Ses principales habitations sont fur une petite riviere qui va fe rendre au Sud-Oueft dans le Sira-mouran. Utchumutchin, ou Urfimufin a deux banieres fur la riviere d'Halakor ou Hulgur-pira. Son Prince porte le titre de Tcing-vang, & commande une baniere de vingtdeux Nurus, c'est-à-dire, de vingt-deux Compagnies. Charot divifé en deux banieres eft principalement habité vers la jonction du Labau-pira & du Sira-mouren. Aroukortchin n'a qu'une baniere fur les bords de l'Arukondulen. Abahanar a deux banieres, & fes meilleurs habitations font fur le lac de Taolnor.

Après avoir paffé la porte de Chang-kia-keou, qui est à l'Oueft de Koupe-keou, on entre dans un pays dont la propriété appartient à l'Empereur par droit de conquête. Ces terres, comme celles qui bordent la grande muraille, depuis Koupe-keou jusqu'à Hifong-keou, font occupées par des Fermiers de l'Empereur, des Princes, & de plufieurs Seigneurs Tartares. On y voit auffi des Mogols de divers Cantons, foit prifonniers de guerre, ou volontairement foumis. Ils font rangés fous trois banieres, & commandés par des Officiers Impériaux; auffi ne font-ils pas comptés dans les quarante-une banieres ou Ki des Mogols. Plus loin au Nord de Chang-kia-keou, font les pays des Princes Mogols de Hoachit, de Sonhiot, d'Abahai & de Touinchuz. Hoachit