Imágenes de páginas
PDF
EPUB

L

LES COSA QUES.

Es Cofaques qui font ainfi nommés du mot de Kap- Apr. J. C. tchac que l'on a corrompu, tirent leur origine de ces vaftes plaines qui font à l'Orient du Volga, & font par conféquent des reftes d'une infinité de Hordes Turques & Tartares qui font venues s'y établir en différens tems. Au com- Bergeron mencement du treizieme fiécle, quelques Religieux Dominicains de la Hongrie y prêcherent le Chriftianifme; ils faifoient parmi ces peuples de grands progrès, lorfque Genghizkhan vint en arrêter le cours. Les Kaptchacs, autrement nommés Kumans, vaincus par les Mogols, abandonnerent leur pays, & pafferent en partie en Hongrie, auprès du Roi Bela qui leur donna des habitations. Ceux-ci étoient au nombre de quarante mille; d'autres furent vendus comme prifonniers par les Mogols aux Princes de la famille de Aboulfedha Saladin. Ces efclaves s'emparerent dans la fuite de l'Egypte, & furent connus fous le nom de Mameluks. Nous parlerons de ces derniers dans le Volume fuivant, & nous allons nous arrêter fur ceux, qui difperfés fur les frontieres de l'Europe, y ont fait de grands ravages, & ne ceffent encore d'en faire tous les jours.

des Tatars,

La nation des Cofaques (a) eft très-étendue, & forme Hift. géné. un peuple fort nombreux, que les Rufes diftinguent en trois branches, dont chacune porte le nom des lieux qu'elle occupe. Comme ils appellent en leur langue Forovi fes cataractes des rivieres, ils ont donné aux Cofaques qui habitent auprès des cataractes du Boryfthene le nom de Saporovi. Ceux-ci s'étendent depuis le 48 deg. de lat. jufqu'au 51. La feconde Branche comprend les Cofaques habitués aux deux côtés du Don; ils portent le nom de Kosakki

(a) On trouve dans l'Hiftoire de Puffendorf quelques détails fur les Cofaques, qui font tirés des notes de l'Hiftoire généalogique des Tatars. On y a fait quelques additions. Je n'ai pas

cru devoir m'écarter de ces deux four-
ces, d'autant plus que l'Hiftoire des
Cofaques mérite peu que l'on entrepren
ne de grandes recherches.

Donski; enfin ceux qui vivent autour du Jaik, compo Apr. J. C fent la troisieme, & s'appellent Kofakki Jaickzi.

COSAQUES SAPOROVI.

Les Cofaques Saporovi, voifins du Borifthene, étoient répandus vers l'an 1500 dans les vaftes campagnes qui font aux environs de ce fleuve, où ils s'étoient réfugiés dans le tems de l'irruption des Mogols. Lorfque ceux-ci commencerent à s'affoiblir, les Cofaques qui avoient eu beaucoup à. fouffrir de leur part, ne manquerent point de les attaquer à leur tour. Ils eurent des fuccès affez heureux, & remporterent des avantages qui les encouragerent. Devenus hardis & entreprenans, ils attaquerent fouvent les Mogols, & les battirent en plufieurs rencontres. Les Ruffes & les Polonois voyoient avec plaifir leurs ennemis communs affoiblis par une Puiffance qui ne leur demandoit ni secours, ni subsides. Les Cofaques vivoient alors fans aucune liaison avec leurs voisins; libres & indépendans, ils n'avoient fait la aux Tartares que par un efprit de vengeance.

guerre

La Ruffie commença à fon tour à devenir redoutable à fes voisins. Le Czar Ivan Vafilovitz, que la plûpart de nos Hiftoriens ont appellé Bafilides, avoit un courage féroce & une vaste ambition; les Polonois qui le craignoient autant qu'ils appréhendoient les Tartares, fongerent à s'attacher les Cofaques comme des amis qui pouvoient leur être utiles dans le befoin. Ils leur offrirent leur alliance, & les prirent folemnellement fous leur protection dans une diete tenue en 1562. Les conditions de la confédération furent que la Pologne payeroit aux Cofaques un fubfide pour tenir toujours fur pied un bon corps d'armée prêt à la défendre: on leur affigna même tout le pays qui eft entre le Boristhene & le Niefter, vers les frontieres des Tartares, avec la ville de Tretimirow qui eft fur la rive droite du Boryfthene, à dix ou douze lieues de Kiow, pour places d'armes. Cette province étoit alors déferte & inculte, à caufe des fréquentes incurfions des Tartares. Les Cofaques s'appliquerent à cultiver un terroir dont ils eurent bientôt éprouvé la bonté. En fort peu

de

de tems tout ce pays changea de face, & fut orné de grandes villes & de beaux villages; la province d'Ukraine de- Apr. J. C. vint une des plus belles de la Pologne.

Les Cofaques furent regardés pendant près d'un fiécle comme un des plus fûrs boulevarts de la Pologne. Ni les Ruffes, ni les Tartares ne pouvoient faire aucun mouvement, qu'ils ne trouvaffent les Cofaques. Ces derniers alloient même braver les Turcs jufqu'au voifinage de Conftantinople, en pillant & ravageant les côtes de la Mer Noire. Ils fe fervoient avantageufement des petites ifles que forme le Boryfthene au-deffous des cataractes. Il y en a quelques-unes vers le milieu qui font tellement cachées parmi le grand nombre de celles dont elles font environnées qu'il n'eft pas poflible d'y aborder, à moins que d'avoir une exacte connoiffance des détours qu'il faut fuivre, & il est très-facile de s'égarer. C'eft dans les plus reculées d'entre ces ifles qu'ils avoient leurs chantiers & leurs magafins. Ils y équipoient de tems en tems de petites flottes, compofées d'une efpece de bâtiment qui eft une demigalere. Ils couroient toute la Mer Noire, pillant le long des côtes les villages & les bourgs où ils pouvoient aborder. Ils ne reconnoiffoient pour Officier général que leur Hetman qui commandoit en chef tant dans la province que dans l'armée. Ce Chef, indépendant du grand Général de la Couronne de Pologne, agiffoit prefque toujours féparément avec les Cofaques, mais rarement fans avoir confulté les Polonois. Ce n'étoit point un fujet ni un fubalterne, à qui on envoyât des ordres, c'étoit un allié que l'on employoit utilement, & que l'on ménageoit. Ce Général choisi par la nation, ne pouvoit être qu'un national parvenu à cette dignité, en paffant par les principaux emplois de la Milice; & fi les Polonois avoient ufé avec modération des fecours qu'ils tiroient de ce peuple, ils auroient confervé un appui fi important. Mais ces campagnes incultes qu'on lui avoit données autrefois, étoient devenues par la culture l'objet de la convoitife des Seigneurs Polonois. Ils acquirent peu à peu dans l'Ukraine des biens dont ils formerent des terres confidérables; & comme leurs acquifitions en ce paysTom. III. V v v

Apr. J. C.

là leur rapportoient des revenus plus grands que
celles qu'ils
poffédoient ailleurs, ils s'appliquerent de plus en plus à ti-
rer de la fertilité du terroir tous les avantages qu'ils en pou-
voient recueillir.

Accoutumés à traiter en efclaves les paysans établis dans leurs terres de Pologne, ils voulurent mettre les Cofaques fur le même pied, & exigerent de ceux qui étoient habitués dans le reffort de leurs acquifitions des corvées & d'autres travaux attachés à la fervitude. Les Cofaques pasfionnés pour leur liberté ne purent fe foumettre à un joug fi contraire à leur humeur indépendante. Les Polonois voulurent les y réduire avec hauteur. Ce peuple prit les armes, & implora la protection des Turcs & de la Ruffie. Ce fut la femence d'une guerre qui dura plus de vingt ans, & qui fut d'autant plus funefte à la Pologne, que ceux qui avoient coutume de lui fervir de rempart contre les Turcs, combattoient en faveur de ces derniers, & leur ouvroient les portes du Royaume. La Ruffie trouva moyen de fe les attacher; & comme l'Ukraine Polonoife avoit été faccagée pendant cette guerre, les Cofaques allerent s'établir dans I'Ukraine Ruffienne.

Un autre motif déterminoit encore les Cofaques à fe révolter. Accoutumés à faire des courfes chez les Turcs, ils en rapportoient fouvent un riche butin. Les Turcs s'en plaignirent à Etienne Battori, Roi de Pologne, & menacerent de faire la guerre à la Pologne, fi on ne leur en faifoit fatisfaction. Ce Monarque fit mourir le Chef des Cofaques pour avoir rompu la paix, & expofé le Royaume à une guerre. On fit enfuite des réglemens pour retenir ce peuple dans une difcipline exacte, & l'empêcher d'aller voler les Marchands fur la frontiere; mais les Cofaques ne voulant point exécuter ces ordres, il fut réfolu de les exterminer. Cependant dans la guerre que les Polonois eurent contre les Suédois, on eut befoin d'eux. Ils rendirent de grands fervices, & rentrerent en grace l'an 1601. Mais comme ils ne pouvoient être tranquilles, on fut obligé de renouveller les loix qui avoient été faites pour les retenir. Le Roi Sigifmond & la Diete de 1611. ordonnerent que les Cofaques,

à caufe de leur infupportable licence, ne feroient point employés à la guerre, finon dans le cas où la République fe- Apr. J. C. roit dans un extrême danger. En 1613 on commanda aux Généraux de l'armée Polonoife de marcher contre eux, & de les traiter en ennemis de l'Etat. Il paroît qu'ils fe modérerent, puifqu'en 1618 on fe contenta d'ordonner que les Cofaques n'infefteroient point les Etats voifins. Après avoir obfervé pendant quelques années ces ordres, les Cofaques recommencerent leurs courfes, & allerent en 1626 avec une flotte dans le Bofphore, entrerent dans le canal de la Mer Noire, brûlerent les villages, & répandirent l'allarme dans Conftantinople. Les Turcs leur oppoferent une petite flotte. Les deux armées navales demeurerent en préfence jufqu'au coucher du foleil; alors les Cofaques s'en retournerent chargés de butin. Ils firent plufieurs fois de femblables incurfions, profitant de la foibleffe où étoit alors l'Empire Turc, & d'Amurat IV. qui encore jeune vivoit sous la tutelle de fa mere. Peut-être n'étoit-on pas faché qu'ils rendiffent aux Turcs les maux que les Tartares de Crimée faifoient à la Pologne par leurs courfes. Celles des Cofaques inquiétoient Amurat jufques dans fon férail. On fe plaignit d'eux à l'Ambassadeur de Pologne qui répondit affez fiérement que les Cofaques ne faifoient rien que de jufte, puifque la derniere irruption des Tartares dans la Pologne avoit été autorifée par une commiffion du Grand-Seigneur. Peu après les Cofaques recommencerent une autre course avec deux cents de leurs galeres, & quoique la flotte Ottomane fût dans le port, ils avancerent jufqu'à la colomne de Pompée. Par-là ils fermoient le paffage des vivres qui viennent journellement de la Mer Noire. En même tenis les Polonois avoient un corps de trente mille hommes fur la frontiere. La Porte fit partir un Chiaoux chargé de faire des propofitions avantageufes, à condition qu'on réprimeroit les courfes des Cofaques. Le Chiaoux fut d'abord affez favorablement reçu, & on étoit près de conclure le traité, lorfqu'on apprit que dix mille Tartares étoient entrés en Podolie on le renvoya auffi-tôt en lui reprochant la perfidie des Turcs. La rupture paroiffoit inévitable, mais un nouveau

V v v ij

« AnteriorContinuar »