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Et pour être bien convaincu que telle eft fa volonté, c'eft que cela eft ainsi .. Il y a dans la nature une loi générale à laquelle tout ce qui eft corps eft foumis néceffairement ; c'eft cette action & cette réaction continuelle par laquelle tous les compofés fe maintiennent & fe détruifent réciproquement, felon les vûes du premier Moteur.

Les défenfeurs de l'hypothese répondent que la végétation fuffit pour rendre un corps vivant, & l'entretenir dans cet état, tant que le jeu des pieces qui le compofent, & la circulation des liqueurs auront lieu, & ils ajoutent que l'on en voit un exemple fenfible dans les plantes qui vivent de même par la circulation de la féve, & qui meurent pareillement par le défaut de cette même circulation.

Voici ce que nous répliquons. Par la conféquence qui réfulte naturellement de ce principe, un corps pourroit vivre fans ame, par la feule vertu de l'organifation & du jeu des liqueurs ; & cela eft du moins très-poffible, felon tous ceux qui croyent que l'ame humaine n'a point d'action fur fon méchanifine,

& que fon commerce avec lui n'eft qu'apparent... Un corps humain, fans être afforti à une ame qui lui eft affez inutile, pourroit marcher, s'arrêter, parler, chanter, répondre aux questions, boire, manger, dormir pour réparer le déchet de fa fubftance, fe rendre utile à la fociété par la propagation, & par d'autres fervices (a)... Un tel corps feroit un automate au-deffus du merveilleux; & fi fa réalité étoit poffible les Matérialistes n'auroient plus rien défirer.Car voilà ce que c'eft que l'homme felon eux. Selon Defcartes, les bêtes font des automates de cette efpece; mais quand il auroit rendu fon fyftême plus probable qu'il n'a fait, il ne s'enfuivroit nullement que cette probabilité eût lieu dans l'efpece humaine, d'autant que nous avons une conviction invincible & 'infinie de notre existence & que nous ne fçavons pas avec la mê

(a) Il réfulte de cette hypothefe que fes partifans font bien fondés à douter fi les autres hommes font effectivement ce qu'ils leur paroiffent.

me certitude, fi les bêtes ne paroiffent pas plutôt fentir leur exiftence, qu'elles ne la fentent en effet.

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Les défenfeurs de l'harmonie auront en vain recours pour fauver le ridicule de cette fuppofition d'un corps vivant fans ame à l'action univerfelle de Dieu... Će ne fera rien dire, puifque Dieu agit également fur toute la matiere, & que pour cela elle n'eft pas animée, c'eft-à-dire vivante, felon l'hypothefe.. D'ailleurs files corps qui font vivans ne font tels qu'en vertu de l'organisation, & fi Dieu n'agit fur eux de cette action particuliere qui donne la vie, que pour cette raifon; il s'enfuivra conféquemment que c'eft Dieu qui anime le corps humain & tous les autres corps vivans; ce qui revient au fyftême de l'ame universelle & unique, qui ne se peut digérer, ni en Métaphyfique, ni en Phyfique, ni en Morale, parce qu'il eft contraire & directement oppofé au fens le plus commun.

Nous difons pour nous, qu'il n'eft point de véritable vie fans ame (a). Les

(a) In materia nihil præter mechanicas

végétaux fe confervent à la vérité par une espece d'organisation qui eft le principe de cette forte de vie qui leur eft propre; mais outre qu'elle n'a que très-peu ou point de rapport avec celle des corps animés, c'eft que ne leur occafionnant point le fentiment, leur existence conféquemment, ou leur deftruction leur font inconnues & moins qu'indifférentes ... Et voilà cette ignorance qui conftitue l'effence de la matiere... Tout le myftere qui fe trouve dans les plantes ou autres végétaux en ce qui concerne leur vie, n'eft autre, peu de différence près, que celui des liqueurs dans les Thermometres, lefquelles ne croiffent, ou ne décroiffent que par la condensation ou la raréfaction de l'air voifin... Nous voyons même des phénomenes finguliers dans nos fermentations ou végétations artificielles ... Les mêmes impreffions fe font auffi fur la fubftance du corps humain, & à-peu-près de la même maniere;

à

texturas datur. Spin. Cogit, Metaph. App. Part. 2. Cap. 6.

mais elles occafionnent dans celui-ci des fenfations qu'elles n'occafionnent point dans ceux-là, parce que celui-ci a quelque chofe que ceux-là n'ont pas, c'eft-à-dire une fubftance qui n'a le fentiment de la matiere & de toutes fes différentes modifications, que parce fa nature en eft effentiellement dif

que tinguée.

On objectera en vain que les Naturaliftes obfervent une grande conformité à bien des égards entre la vie des animaux & celle des plantes, dont les racines s'étendent pour chercher de la nourriture, & évitent ce qui leur est nuifible; on apportera en vain l'exemple de la vigne, des légumes, du lierre, dont les tiges cherchent à s'accrocher; on obfervera que dans toute plante, il y a néceffairement circulation & refpiration; on remarquera encore que le po lype d'eau douce tient prefque également au genre animal & au végétal.

Toutes ces chofes, quelque fingulieres, quelque admirables qu'elles foient, le fuffent-elles même encore plus, n'établiffent point le fentiment... La Phyfique expérimentale, & la Chymie ont

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