Imágenes de páginas
PDF
EPUB

déchet près; parce que dans tous les fluides, & furtout dans les fubtils, il fe fait toujours une transpiration ou évapo ration infenfible que l'on ne peut empêcher..... Or je demande à l'Immatérialife, pourquoi une formalité auffi frivole que celle d'un bouchon, cause deux fenfations diamétralement oppofées?... Je demande fi ces deux circonftances font totalement étrangeres au corps ? ... Je demande fi en cas d'altération dans une fubftance, aucune circonftance peut lui être étrangere? Je demande pourquoi les caufes n'étant qu'idéales, les effets néanmoins font fi réels?... Cela prouve-t-il que le corps n'eft qu'une illufion, & que les circonftances dans lesquelles il fouffre ou ne fouffre point d'altération, lui font totalement étrangeres ?

[ocr errors]

On objecte encore que le même corps ne donne pas les mêmes phénomenes à toutes fortes de diftances, non plus qu'à travers toutes fortes de milieux; qu'indépendamment defdites distances & des milieux, il n'est pas vu fous les mêmes apparences par tous les spectateurs... Rien n'eft plus vrai; mais

s'enfuit-il de-là que les circonftances, c'eft-à-dire, les différentes pofitions, comme les différens milieux, foient des chofes étrangeres à ce corps, pour être apperçues de telle ou de telle maniere s'enfuit-il qu'elles foient étrangeres à l'organe vifuel des spectateurs?... Dès lors que les pofitions, que les diftances, que les milieux, préfentent le corps autrement qu'il n'eft, c'est une preuve bien claire que fon existence n'eft pas idéale, mais réelle ; c'est une preuve que l'organe vifuel a la même réalité ... À la diftance d'une lieue plus ou moins, j'observe une tour, & je la vois ronde; ceux qui fe trouvent avec moi, me difent qu'elle eft carrée, parce qu'ils l'ont vûe de plus près que moi... J'approche, & je reconnois la vérité... Si les diftances & les milieux n'exiftent pas, pourquoi la pofition qui n'exifte pas davantage, pourquoi l'oeil dont l'existence est également chimérique, donnent-ils des fenfations, c'eft-à-dire des idées fi différentes à tout le monde?

Et pourquoi fe rapportent-elles précifé- ment dans le même point, après avoir été différentes dans un point différent ?

Je jette une piece dans le fond d'un baffin...Ni moi, ni aucuns de ceux qui font avec moi, n'apperçoivent cette piece à une certaine diftance.

On verfe de l'eau dans le baffin; tout le monde auffi-tôt apperçoit la pièce, précifément à la même distance & dans la même pofition où perfonne ne l'appercevoit auparavant l'infufion de l'eau... Or fi, ni la distance, ni l'eau, nile baffin, ni la piece, ni l'œil, n'exiftent pas quelle peut être la cause de cette fucceffion d'idées oppofées, & qui pourtant fe rapportent dans la même circonftance?

Que réfulte-t-il de toutes ces obfervations fi fimples? Que les corps n'existent point? Au contraire; mais que les altérations, toujours caufées par les circonftances; que les pofitions, que les distances, les milieux donnent des phénomenes différens; c'est-à-dire influent, quant aux accidens, fur les corps & fur les organes, mais nullement fur la réalité de leur fubftance.

Le fond de notre question ne roule, ni fur la qualité, ni fur la quantité, ni fur la forme, ni fur la couleur des

corps, mais uniquement fur leur effence qui eft l'extenfion. Il m'importe peu, pour le moment préfent, que vous conveniez avec moi qu'un tel corps eft rond ou carré, rouge ou noir pourvû que vous m'accordiez qu'indépendamment de la fenfation qu'il m'occafionne, il eft réellement & par lui-même, ce que nous concevons par un

corps (a)... A l'égard des accidens, comme la couleur, la qualité, la quantité, la forme, on prononcera à la pluralité , parce que c'est le confentement unanime qui doit faire régle; mais on fera toujours attention aux circonftances, parce qu'elles influent fur l'accidentel, qui feul peut être arbi

traire.

(a) De ce que le même corps nous paroît petit ou grand, felon que nous le regardons avec des lunettes ou fans lunettes, eft-on pour cela en droit de conclure, que les dimenfions n'exiftent point, & que les fubftances étendues n'exiftent pas davantage?

CHA

CHAPITRE XV. Suite des obfervations fur le fyf téme des Ímmatérialiftes; & réponses aux objections.

L eft de foi, répond l'Immatéria

I life en

qui frappe l'organe n'admet pas la matiere, c'eft-à-dire, que nos yeux apperçoivent une fubftance qui n'exifte pas (a)...Donc pour que nous éprouvions les fenfations des corps, telles que l'extenfion,la couleur, & la forme; la réalité de leur existence n'eft pas néceffaire. Nous répondons que cette circonftance qui eft unique, & qui conféquemment ne peut être prife pour régle, ne prouve rien en faveur du fyftême ; car puisqu'il eft de foi, que dans une circonftance unique, l'extenfion & la forme qui frappent l'organe, n'admettent pas la réalité de l'existence du fujet, il s'enfuit par une conféquence infaillible, que hors cette circonftance

(a) Sacrem. Eucharist.
Tome I.

G

« AnteriorContinuar »