Imágenes de páginas
PDF
EPUB

& qu'il eft impoffible de la concevoir avec la pensée ?

comme

L'éternité de Dieu confond, il est vrai, l'imagination; mais elle ne la révolte pas; elle eft parfaitement d'accord avec la raifon & l'entendement qui en fentent la néceffité l'impoffibilité du contraire (a). L'imagination n'eft confondue que parce que dans notre façon d'exifter actuelle, nous ne pouvons avoir qu'une fucceffion d'idées déterminées (b); & ce qui n'a ni fin ni commencement n'admet point ces fortes d'idées. L'éternité de la matiere révolte l'imagination, & outrage l'entendement & la raison, parce qu'ils fentent l'abfurdité comme l'impoffibilité d'un tel principe.

(a) Cùm duratio major aut minor concipiatur, clarè fequitur Deo tribui non poffe durationem, fed tantummodo æternitatem. Cogit, Metaph. Append. Part. 2. Cap. 1. Eternitas non eft quid præter divinam effentiam. Ibid.

(b) Duratio fine rebus creatis, æternitas fine Deo concipi non poffunt. Idem. Ibid. Cap. 10.

Cependant, réplique le Matérialifte, je ne vois pas, & vous ne pouvez démontrer pourquoi il eft plus néceffaire que Dieu exifte de toute éternité que la matiere. L'un ne me paroît ni plus poffible, ni plus impoffible, ni plus concevable, ni plus inconcevable que l'autre ; & du moins la parité doit avoir lieu.

Nous répondons, que bien loin que la parité puiffe avoir lieu, il y a au contraire une immenfité de diftance; & pour en avoir une conviction entiere, que l'on faffe feulement un peu d'attention à la nature de ces deux fubftan

ces.

La matiere mérite à peine le nom d'être, puifqu'elle n'a ni action, ni, fentiment, ni intelligence quelconque. Dieu au contraire étant infiniment intelligent, fçait qu'il exifte néceffairement, & qu'il n'y a que cette feule néceffité; & il connoît fon existence dans toute l'infinité de fon étendue. L'existence des êtres penfans, qui ne fe font point faits eux-mêmes prouve la néceffité d'un principe intelligent & unique... La néceffité de ce principe uni

que prouve fa toute-puiffance; car il n'y a qu'une puiffance néceffaire & infinie, qui ait pu donner l'être à tout ce qui exifte.

Or en mettant Dieu d'un côté, & la substance étendue de l'autre, on deman-` de aux Matérialistes qu'ils avouent fincérement auquel de ces deux êtres une telle puiffance doit être plus juftement & plus raisonnablement attribuée, ou à celui qui de fon effence eft infiniment intelligent & infiniment actif, ou à celui qui de fa nature eft tellement ftupide, qu'il ignore même fon existence, & qu'il ne peut être mû que par une caufe externe (a).

Ici le Matérialiste nous arrête encore, & réplique qu'il accorde fi l'on veut, que la matiere eft également indifférente pour l'action ou pour le repos, & qu'elle ne connoît ni l'un ni l'autre ; mais que n'ayant pu exister fans l'un des deux. parce qu'il n'y a point de milieu donné

(a) La matiere eft le plus vil de tous les êtres, & celui que prefque tous les anciens Philofophes ont mis immédiatement au-desfus du rien.

res,

entre les deux, l'exclufion du repos a néceffairement produit l'action, & celle-ci l'ordre, qui n'eft ordre que relativement à notre façon de fentir, & rien au regard de la matiere confidérée en elle-même; la Nature n'ayant pas eu plus de deffein en nous produifant & en produifant toutes les chofes fingulietelles que le foleil, les planetes, les étoiles, qu'elle n'en a en produifant tous les jours, & tenant cachés dans les entrailles de la terre & dans le fond de la mer, l'or, les diamans, les minéraux de toute efpece, une infinité d'animaux particuliers & de raretés que nous ne connoîtrons jamais. Peut-on croire que ce foit avec intelligence qu'elle fait éclore fur la cime des rochers & fur le haut des édifices les plus élevés, hors de toute atteinte, des fimples. & des fleurs?... La neige en tombant,l'eau en fe glaçant, le fable & la pouffiere enlevés par des tourbillons, forment des figures, des compartimens, des combinaisons, des concrétions qui pour nous paroître finguliérement ingénieufes, n'admettent pas pour cela d'inten tion La mer, par l'agitation de fes

[ocr errors]

flots, forme des bancs, des caps, des golfes, des ifles... La terre, par fes. tremblemens & fes révolutions, forme des montagnes, des collines, des plaines; produit des volcans, des lacs, des étangs où l'on n'en avoit jamais vû; tranfporte le cours des fleuves & des rivieres, les fait quelquefois difparoître entiérement, ainfi que des villes entieres, dont il ne refte plus aujourd'hui que le nom... Or fi dans la production de toutes ces chofes, on ne peut raisonnablement admettre de l'intelligence; pourquoi vouloir en fuppofer dans l'arrangement univerfel du monde, ainfi que dans le méchanisme particulier des animaux & des végétaux Conféquemment il eft démontré que l'on peut fe difpenfer d'admettre deux caufes ou deux fubftances effentiellement dif tinguées, l'une defquelles foit, active & l'autre paffive; puifque la matiere une fois déterminée au mouvement peut fuffire à tout (a)... Que l'on me donne

(a) Sors illis pro Deo eft, qua Deus ipfe negatur. Plin. Lab, 2. Cap. 7%

« AnteriorContinuar »