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me en repliant fes pensées? Qui a pû donner le plus, n'aura-t-il pû donner le moins?....

La fubftance étendue ne fut jamais créée pour elle-même, puisqu'elle n'a ni fentiment, ni connoiffance, ni conféquemment pour agir fur elle-même, ni fur aucune chofe qui foit hors d'elle puifque fa nature exclud toute action; donc elle a été créée pour une fubftance effentiellement diftinguée d'elle, & c'eft l'efprit... Donc elle eft foumise à l'action extrinféque de l'efprit; de l'efprit fuprême premiérement, &par la volonté & la toute-puiffance de cette intelligence fouveraine, pour l'action extrinféque des intelligences créées... Car de quelle utilité feroit la matiere quel feroit le but de cette économie qui régne dans l'Univers & dans les corps organifés, s'il n'y avoit point d'intelligences?... Et de quelle utilité toutes ces chofes peuvent-elles être aux intelligences, fi elles n'ont pas fur elles une action qui foit propre à leur nature, & qui foit un don du Créateur, auffibien que l'être qu'elles en ont reçu avec la faculté de vouloir & de fe détermi

ner?.... Mais venons à l'harmonie préétablie, & examinons-en les conféquences.

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Une ame dit M. Leibnitz, doit avoir par elle-même (c'eft-à-dire de fa nature) une certaine fuite de pensées, de défirs, & de volontés... Ce mot certaine ) commence par en fixer le nombre; & ce qui fuit, va en fixer la qualité .... Un corps, qui n'eft qu'une machine, doit avoir par luimême (c'eft-à-dire de fa nature) une certaine fuite de mouvemens qui feront déterminés par la combinaison de fa difpofition machinale, avec les impreffions des corps extérieurs.

Le nombre des opérations dont un corps eft capable par la difpofition de fon méchanifme, eft affez borné ; elles font, à peu de différence près, toujours les mêmes ; & avec la plus légére attention, il fera facile de s'en convaincre... Mais il n'en fçauroit être ainfi de l'ame. Les opérations dont elle eft capable par fa nature effentiellement active, tiennent de l'infini, nonfeulement par le nombre, mais encore par la diverfité... Avec un peu d'attention,

tention, il fera pareillement facile de s'en convaincre. L'ame eft libre de produire des idées à fa volonté. Le corps n'eft fait que pour exécuter certains mouvemens déterminés, en raison, de fon méchanifme... L'ame par la nature de fon être, modélé fur l'Etre fouverain, créera, pour ainfi parler plus d'idées en une heure, que le corps ne pourra exécuter de mouvemens en un fiécle (a).

Cependant voilà les opérations de l'ame fixées par M. Leibnitz pour le nombre & pour la quantité, aux mouvemens dont le corps fera capable par fon méchanisme. Conféquemment ce fera lui qui donnera la loi, ou nous ne concevons pas le fyftême... Il fera comme un clavecin automate, difpofé à jouer les airs que l'ame voudra, pourvû qu'elle ne choififfe que ceux qui font

(a) Nos idées vont beaucoup plus vite & beaucoup plus loin que la nature, c'eftà-dire , que celle du moins qui nous eft connue; c'eft ce dont chacun peut fe convaincre.

Tome I.

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notés fur le cylindre... Mais on peut demander ici à M. Leibnitz qu'il s'explique & qu'il dife, fi Dieu en créant l'ame a eu égard au corps, ou fi en créant le corps, il a eu égard à l'ame... Il nous femble (fauf meilleur avis) qu'il faut que l'une de ces deux fubftances ait été créée la premiere pour déterminer la difpofition de l'autre.

M. Leibnitz pofe encore pour principe, ce qu'il ne paroît pas qu'on doive lui accorder; fçavoir, que l'ame humaine, de fa nature ne peut avoir qu'une certaine fuite de penfées, de défirs, & de volontés... Il a pofé plus jufte, quand il a dit du corps, que c'est une machine montée pour exécuter une certaine fuite de mouvemens. Encore faudra-t-il qu'il convienne, qu'en bien des circonftances l'impreffion des objets extérieurs (qu'il a inférée comme une condition fans laquelle ) n'eft pas tellement néceffaire, pour que le méchanifme joue, qu'il ne puiffe s'en paffer... Un homme veut chanter, quoiqu'il ait les yeux & les oreilles bouchés; & il chante : il veut remuer la main ou le pied, & il les remue... Quelle im

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preffion des corps extérieurs M. Leibnitz fait-il intervenir-là ?

Les veftiges des corps extérieurs répond le Matérialiste, imprimés fur les fibres du cerveau, & l'action des efprits animaux fur les fibres, peuvent déterminer la langue à fe mouvoir, fans qu'elle ait besoin de l'impreffion actuelle des corps extérieurs.

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Mais cette explication entortillée n'eft rien moins qu'une folution; car il refte à demander par quelle caufe les efprits animaux font déterminés à agir fur les fibres du cerveau. Ont-ils une volonté ? Sans doute que non. Conféquemment la caufe qui les détermine n'étant pas & ne pouvant être en eux, il faut qu'elle foit dans l'ame: fi elle y eft, comme elle ne peut être ailleurs, l'ame a donc une force mouvante pro-* pre à fa nature, pour remuer fon corps en tout ou en partie; laquelle n'attend pas toujours l'impreffion actuelle des corps extérieurs pour opérer... Ainfi l'économie de M. Leibnitz devient inutile à cet égard... Voyons les au tres conféquences.

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