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courte opération que celle d'un clin d'œil, nous répondrons que' de tous ceux qui fe font procuré de telles morts, aucun n'a rendu compte de ce qu'il a fouffert en mourant; ainfi ce n'eft rien dire...

Conféquemment, nous difons que Dieu ne donnne point à l'ame un méchanisme à animer, qu'il ne lui donne en même tems la faculté de l'exercer; en forte qu'elle eft conftituée maîtreffe de lui faire exécuter toutes les opérations qu'elle veut, mais à un dégré proportionné aux combinaifons de la machine; car c'eft une loi impofée par le Créateur, qu'un Agent ne puiffe opérer, qu'en raifon du fujet. Ainfi on ne remuera pas une maffe de plufieurs quintaux avec une paille, mais avec des leviers proportionnés... Par la même raison, c'eft à l'intelligence propriétaire du corps à confulter, non pas avec ce corps, qui ne fçait, ni ce qu'il peut, ni ce qu'il ne peut pas ; mais avec fon jugement, fi les opérations qu'elle exige du corps, font en raifon de fon méchanifme: & dans cette confultation, elle ne doit écouter, ni fes défirs, ni fes Dy

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paffions, ni fes caprices, mais uniquement la poffibilité de l'exécution. Veutelle, par exemple, que le corps faffe un faut périlleux ? Il faut qu'elle exámine d'abord, s'il y eft habitué par l'exercice; enfuite qu'elle confulte l'élafticité des jambes, des vertebres & des bras, de même que le poids du volume de ce même corps... Veut-elle qu'il leve un fardeau péfant, ou qu'il faffe un tour de force? Il faut de même qu'elle confulte la vigueur des mufcles, des nerfs & des reins de cette même machine, faute de quoi la machine fe brife, & l'ame paffe pour une mal-avisée... C'eft ce que nous voyons arriver tous les jours, & perfonne ne s'avife d'imaginer que ce foit la faute du corps, tant la perfuafion de l'autorité & de l'action de l'ame fur fon corps eft familiere & naturelle à tous les hommes; & c'eft ce qui a donné lieu au proverbe trivial, mais jufte; qu'une tête folle fait fouvent bien du mal au refte du corps... Non qu'à parler ftrictement, la tête y ait plus de part que les pieds; mais feulement parce que les impreffions qui donnent occafion à l'ame d'opérer par

la volonté, fe font premiérement fur les organes de cette partie principale... Suivons nos obfervations.

CHAPITRE X.

Suite des obfervations fur l'harmonie préétablie, de M. Leibnitz.

N ST

Ous demandons, comment malgré toute fon économie, M. Leibnitz s'y prendra pour ajuster la liberté naturelle avec cette fuite de penfées, de défirs & de volontés, dont le nombre & la qualité paroiffent déterminés dans fon fyftême... Quel peut • Quel peut être le but des loix? Pourquoi punit-on un voleur ou un homicide? Eft-ce pour punir le corps d'avoir été par fes mouvemens en correspondance avec la volonté de l'ame? Ou eft-ce pour punir l'ame d'avoir eu cette volonté ? ... Mais dans le fyftême, ni l'un ni l'autre ne font coupables Car premiérement, le

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corps n'a rien fait qu'en raifon de la fuite des mouvemens qui ont été néceffairement déterminés en lui par la combinaifon de fa difpofition machinale avec les impreffions des corp extérieurs. Mauvaise excufe, dont un Juge criminel ne fe payeroit point. On fe pique dans les Tribunaux de connoître toute l'étendue de la liberté de l'homme, du moins de celle qui lui refte pour violer ou ne pas violer les loix civiles, & pour opérer le bien moral.

Mais enfin, ce n'eft donc pas pour punir le corps que l'on condamne un brigand ou un meurtrier; c'eft pour punir l'ame d'avoir eu la volonté de commettre un larcin. Mais pourquoi l'ame a-t-elle eu cette volonté ? Le bien être phyfique que le larcin procure, ne regarde que le corps, & eft étranger à l'ame, felon le fyftême... Ainfi c'eft donc le corps feul qui a commis le larcin, mais pourquoi le punit-on ? On conçoit fort bien qu'une pendule par fes propriétés peut marquer les heures, les jours, & fi l'on veut les mois ; mais on conçoit auffi qu'elle ne marquera jamais feulement une feconde, fi une

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intelligence ne lui imprime le mouvement, par le reffort ou le poids... Or dans l'harmonie préétablie, ce n'est point l'ame qui imprime le mouvement au corps, c'eft donc Dieu... Les conféquences dures & indécentes qui réfultent de cette économie font faciles à tirer.

Les uns répondent que Dieu n'a d'action fur le méchanisme que pour le matériel du crime; d'autres difent qu'il n'a d'action fur l'ame que pour la déterminer. . . Mais tout ce raifonnement

(fauf meilleur avis) ne nous paroît qu'une pétition de principe ... Car il faut prouver auparavant que l'intelligence, du moins dans l'ordre moral naturel, ne peut fe déterminer qu'en vertu de cette premiere action; & quand on l'aura prouvé, il reftera encore à demander, fi l'intelligence n'eft pas le principe de l'acte par lequel elle fe détermine, c'eft-à-dire, fi ce n'est pas elle qui veut & qui fait le mal plutôt que le bien ? Il faut répondre que oui... Conféquemment il a donc été donné à la fubftance fpirituelle créée une force mouvante, c'eft-à-dire, une

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