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Médiateur & notre vie, n'attendoit que le moment marqué dans les décrets éternels, pour s'incarner. Alors la plus pure de tou tes les Vierges devint fa Mere, par l'opération de l'Efprit-Saint; & Jefus, pour être notre Chef & notre Peré, devint l'humble Fils de Marie.

Que de miracles au moment, & après l'accompliffement de ce divin Mystere ! Les prodiges couvrirent la face de la terre; & l'Incarnation confondit les Juifs, atterra les Païens, pour faire le bonheur & la gloire des Chrétiens.

Jérufalem, Jérufalem, as tu donc oublié les prophéties qui t'annoncerent tant de fois la venue d'un Libérateur, & feras-tu affez malheureufe pour méconnoître celui qui ne paroîtra au milieu de tes murs, que pour annoncer l'Evangile aux pauvres, guérir les malades, & reffufciter les morts?

Hélas! mes Freres, hélas! cette Ville infortunée confommera fa réprobation; elle mettra à mort celui qui venoit lui donner la vie; & en punition de fes, crimes il ne reftera plus d'elle qu'une vaine pouffiere, & fa Synagogue s'anéantira, pour faire place à une Eglife qui ne périra jamais. Tel fera votre fort, lâches Chrétiens, qui méconnoiffez le Meffie, ou qui négligez d'obferver fa Loi. Les langes que, vous voyez maintenant autour de lui, fe changeront en flammes de feu pour vous dévorer; la crêche où il eft, couché, fe transformera en un trône formidable, dont

vous ne pourrez foutenir l'aspect; & fes foibles mains qui peuvent à peine s'ouvrir, lanceront la foudre de toutes parts pour vous exterminer. Ce ne fera plus le temps de la miféricorde, mais celui de la vengeance.

Grand Dieu! quel malheur pour le pécheur, qui n'aura pas fu profiter du myftere ineffable de votre Incarnation; qui n'aura point trouvé dans toute l'effufion de votre fang, dont une feule goutte suffic pour fauver l'Univers entier, de quoi obtenir fon pardon; qui n'aura paru à la crêche où notre divin Sauveur eft né, que pour y recevoir des anathemes & des malédictions!

Que la Foi nous transporte maintenant dans ce faint lieu; qu'elle fupplée à tout ce que les fens ne peuvent appercevoir. O! lieu de délices, lieu mille fois plus admirable que tous les palais des Rois, faififfez-moi d'un faint tranfport; faites que je treffaille d'alegreffe en vous voyant, & que mon cœur ne veuille plus vous quitter.

C'eft là, mes Freres, que vous devez être tous les jours en efprit, & non dans les palais des Grands, où l'on ne trouve que des injuftices, que de l'inflexibilité, que de l'orgueil; & non dans ces lieux de malédiction, où vous déshonorez les membres de Jefus-Chrift; & non dans ces maifons criminelles, ou vous jouez le bien des pauvres le falaire des ouvriers, la fubftance même de ugos enfants; & non

dans ces écoles de perdition, où l'on n'apprend qu'une philofophie toute païenne, felon les éléments du monde, & fuivant la tradition des hommes: Secundùm elementa mundi, & traditionem hominum.

Je vous avoue, Chrétiens Auditeurs, qu'on ne peut s'empêcher de répandre des torrents de larmes, quand on fait réflexion au petit nombre de ceux qui profitent de la venue du Sauveur. Les uns, rougiffent de l'imiter, les autres de le reconnoître; & il n'y a prefque perfonne qui ne trouve un prétexte en lui-même pour ne pas l'adorer.

Mais quel fera donc ce Meffie, s'il n'est pás Tout-Puiffant, Eternel, Infini? Quelle créature: pourra faire fa fonction ? Quel autre être qu'un Dieu pourra effacer la. faute d'Adam, & fatisfaire à la juftice divine griévement offenfee?

Mon ame m'échappe malgré moi, paffant d'un fujet à l'autre avec une étonnante rapidité: mais comment contenir fon efprit dans de juftes bornes, quand l'univers entier s'abforbe à la vue d'un fi grand Myftere! Comment, au fouvenir d'un Dieu fait homme, pouvoir fe modérer! Ah! fi David fit éclater les plus vifs tranfports devant l'Arche fainte, qui n'étoit que la figure du Meffie, quels doivent être nos raviffements! Tout nous invite à bénir le Saint d'Ifraël, & à le bénir d'une maniere qui annonce toute notre alégreffe, & tout notre bonheur.dot

Voûtes facrées, retentiffez de la joie qui nous anime; Miniftres des autels, entonnez cet Alleluia éternel, que les Vieillards de l'Apocalypfe ne ceffent de chanter autour du trône de l'Agneau; imitez les Anges dans l'expreffion de vos Cantiques & de vos fentiments! Fleuves, fontaines, cedres du Liban, béniffez le Seigneur qui vient de naître. Il ne veut que l'indigence pour orner fon berceau, afin que tout réponde à la croix fur laquelle il doit un jour expirer. Quel contraste entre l'étable de Bethléem, & les palais des Grands! Ne croiroit-on pas voir d'un côté des Dieux, & de l'autre, abandonné & fouffrant, le plus vil des efclaves? Mais que de vertus dans cet augufte réduit, que la foi regarde comme le plus faint des Ta bernacles! Toutes les perfections de l'Eternel y font raffemblées; c'eft-à-dire comme s'exprime S. Chryfoftôme, que le fini y contient l'infini.

O Myftere incompréhensible! tout y paroît au-deffous de l'homme même, & tout y eft digne de Dieu. Abjurons nos honneurs, foulons aux pieds nos richeffes, courons à Bethléem facrifier notre orgueil, notre molleffe, & nous immoler avec Jefus-Chrift qui voile tout l'éclat de fa majefté, pour que le dernier des hom. mes puiffe l'approcher.

Eft-ce là votre conduite, vous qui, dirigés par la vanité, n'avez que des yeux de mépris pour l'orphelin & pour l'indi

!

gent; vous qui ne voulez paroître que fous des dehors brillants, & qui croiriez dégénérer fi vous defcendiez par hazard dans la foule des malheureux, qui font vos freres, malgré tout ce que vous faites pour en douter?

O fainte humilité de l'Homme-Dieu ! venez faifir en ce jour ces pécheurs orgueilleux, qui, fe croyant d'une autre origine que le genre humain, ne veulent pas reconnoître leurs égaux; venez diffiper les preftiges qui les aveuglent, le criminel encens qui les offufque, & placez-les aux pieds de ceux qu'ils ne daignent pas envifager; venez leur dire que leur fin approche, & que bientôt leurs cendres, mêlées avec celles des plus miférables, demeureront dans un éternel oubli! Venez leur préfenter vous même le Fils du TrèsHaut fans autre compagnie que celle des' pauvres & des animaux, & n'ayant pas où repofer fa tête; venez confondre par ce fpectacle, & leur raison, & leur orgueil.

Il n'y a que cette précieufe humilité, mes Freres, qui puiffe nous faire profiter du myftere de l'Incarnation, d'autant plus qu'elle eft la bafe de toutes vertus. C'est parce qu'on n'eft pas humble, qu'on fe fcandalife de l'abjection apparente du Mel fie. Les hérétiques & les incrédules combattirent ce myftere ineffable, parce qu'ils ne purent fe perfuader qu'un Dieu s'étoit abaiffé, jufqu'à paroître fous la forme d'un

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