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Pendant la vacance de la dignité de GVERIN Chancelier, le Roy l'avoit nommé pour MONTA IGU en faire les fonctions. La Chancellerie vacante, dit l'Hiftorien du tems, ce fage Miniftre fit punir les principaux chefs de ces fanatiques:il y en eut plufieurs qui reconnurent leur erreur, & les plus opiniâtres allerent fe joindre aux Albigeois, efpece de Manichéens qui admettoient deux principes, un bon & un mauvais aufquels ils attribuoient toutes les actions des hommes. On les appelloit Aibigeois, de la ville d'Alby en Languedoc, dont la plupart des habitans étoient infeêtés de cette héréfie. Le Pape pour les extirper plus promptement, fit prêcher contr'eux une nouvelle Croifade, & y attacha les mêmes Indulgences qui étoient accordées pour la guerre de la Terre Sainte, fans exiger des Croifés qu'un fervice de quarante jours.

Cette facilité à gagner les Indulgences, attira en Languedoc un nombre infini de Croisés, & priva de leur fecours les Chrétiens de la Terre Sainte; ce qui fut caufe que Jean de Brienne étant prêt à partir pour Jerufalem, ne put jamais affembler que trois cens Chevaliers, au lieu de ces armées formidables qui devoient lui faciliter l'entrée

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MON TA IGU.

GUERIN de la Palestine. On fut bien furpris quand on vit débarquer au port d'Acre une fi petite troupe, fuffifante à la vérité pour le cortege d'un Roy, mais méprifable par rapport à ce qu'on en avoit fait efperer, & aux befoins de l'Etat.

Cependant ce Seigneur, après avoir époufé la jeune Reine, fe mit en campagne pour fignaler fon avenement à la Couronne par quelque action digne de fon courage. Il ravagea d'abord la frontiere du pays ennemi, & emporta quelques Châteaux de peu de confé quence; mais différens corps de Sarrazins s'étant avancés pour l'envelopper, il fut obligé de fe retirer, & il regarda comme un avantage d'avoir échappé à des ennemis fi puiffans.

Il écrivit auffi-tôt au Pape pour lui rendre compte de l'état où il avoit trouvé la Terre Sainte, & il ajoutoit que ce qu'on appelloit le Royaume de Jerufalem, ne confiftoit plus que dans deux ou trois places, qu'on ne conferveroit même, qu'autant que dureroient les guerres civiles, qui étoient entre le frere & les enfans de Saladin, & qu'à moins de faire paffer dans la Palestine une nouvelle Croifade, il étoit

à la veille de fe voir Roy fans royau- GUERIN me & fans fujets.

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Innocent fut fenfiblement touché de

ces triftes nouvelles. Ce Pontife, comme la plupart de fes prédéceffeurs, outre le zélé qui l'attachoit au recouvrement de la Terre Sainte, s'intéreffoit parti culierement dans ces guerres, dont les Papès fe regardoient comme les chefs, & où leurs Légats prétendoient commander avec une autorité fupérieure à celle des Généraux & desPrinces mêmes, qui s'engageoient dans ces pieufes expéditions; nouvelle efpece de fouveraineté inconnue dans les fiécles précedens, & qui fous prétexte de s'oppofer aux invafions des Infidéles, foumettoit aux ordres des Papes des armées nombreufes de Chrétiens, commandées fouvent par des Souverains.

Le Pape plein de ces grandes vûes, & dans le deffein de fecourir le nouveau Roy de Jerufalem, jugea bien qu'il n'y auroit qu'une nouvelle Croifade, qui pût produire ces nombreuses armées, la terreur des barbares. Pour tirer ces troupes de la plupart des Etats de la Chrétienté, il réfolut, à l'exemple d'Urbain II. le premier auteur des Croisades, de convoquer un Concile général : & outre les Bulles de convocation, il le

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MON TAIGU.

1210.

GUERIN fit annoncer par un grand nombre d'Eccléfiaftiques, & de Religieux qui fe répandirent dans toute l'Europe, & qui dans leurs fermons relevoient le mérite de pareils voyages, & exageroient peutêtre un peu trop les Indulgences générales qui y étoient attachées. Mais l'exécution de ce pieux deffein fut suspendue par une ligue formidable, qui s'étoit formée contre la France, & dans laquelle un grand nombre des Souverains de la Chrétienté étoient entrés. Ces Princes armoient de tous côtés, & dans un fi grand mouvement de troupes, le Pape jugea bien qu'il ne convenoit pas d'exiger des Evêques qu'ils fe miffent en chemin, d'autant plus que quand ils auroient été affemblés, on n'auroit pû tirer dans cette conjoncture aucun fecours de la France & de l'Allemagne, la reffource la plus affurée de toutes les Croisades.

Othon IV. Empereur d'Allemagne, étoit à la tête de la ligue contre la France dont nous parlons, & on com. ptoit parmi fes alliés Jean Roy d'Angleterre, les Comtes de Flandres, d'Hollande, de Boulogne, de Salisberi, frere naturel du Roy d'Angleterre, Henry Duc de Brabant, Frederic Duc de Lorraine, Thibault Comte de Luxembourg,

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& Philippe de Courtenay Marquis de GUERIN Namur, fils de Pierre de Courtenay MONTA ICU. Comte d'Auxerre. On fera peut-être furpris de voir parmi les ennemis de la France, le Duc de Brabant qui étoit gendre du Roy, le Comte de Bar fon fujet, & dont le fils fervoit dans l'armée de France, Ferrand de Portugal vassal de la Couronne, & auquel le Roy avoit fait époufer l'héritiere de Flandres, & le Marquis de Namur Prince du Sang Royal; & on ne pourroit guères excufer ces Princes du crime de félonie & de révolte, fi on ne fçavoit que quelquesuns tenoient leurs principaux Etats de l'Empire; qu'ils en étoient feudataires; & que s'ils ne s'étoient pas rendus dans l'armée de l'Empereur, ce Prince qui étoit entré dans les Pays-Bas à la tête d'une armée de cent mille hommes, auroit commencé par les dépouiller de leurs grands Fiefs. C'eft ainfi que le Comte de Bar, quoique vaffal de la Couronne, pour conferver le Comté de Luxembourg, fut obligé contre fon inclination à fournir à l'Empereur fon contingent de troupes, qu'il amena luimême au camp impérial.

Les principaux Chefs de cette ligue, étoient fi perfuadés que le Roy ne leur pourroit réfifter, qu'ils avoient d'a

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