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fupprimer en 1697, fans pour cela que le goût en paffât, en forte qu'on en fouhaitoit le rétablissement avec une espèce de paffion, furtout depuis que l'adoption de la mufique italienne a mis la langue de cette nation fi fort à la mode. Enfin on a eu fatisfaction : cette comédie fut rétablie le 18 de mai, par une ordonnance du Roi, & recommença le même jour (1). Les cinq ou fix premières représentations s'en firent fur le théâtre de l'Opéra, pendant qu'on accommodoit celui de l'hôtel de Bourgogne où avoient joué les anciens Italiens. Comme il n'avoit point été détruit, quoiqu'on eût été longtems fans efpérer qu'il en revînt d'autres, ceux-ci s'en font remis en poffeffion, &, voulant être regardés moins comme des nouveaux venus que comme les fucceffeurs de ceux qu'on y avoit vus autrefois, ils ont fait peindre fur la toile un Phénix qui renaît de fes cendres, &, afin qu'on ne s'y méprenne point, on lit audeffus fe renais. La première repréfentation qu'ils firent fur ce théâtre fut le premier de juin (2); ils n'y furent pas moins applaudis qu'au Palais-Royal, & ce fuccès n'a point di

(1) Par un à-propos intitulé l'Inganno fortunato ou Heureufe surprise.

(2) Ils inaugurèrent la falle par la Folle fuppofée, imitée des Folies amoureufes de Regnard & de l'Amour médecin. Le Régent afliftoit à cette repréfentation.

minué quoique le public foit fort partagé, deux fortes de perfonnes étant oppofées aux Italiens. Les plus raifonnables font celles qui, ne les entendant pas & ayant la bonne foi d'en convenir, avouent que cela feul les empêche de trouver du plaifir à la comédie italienne; mais comme c'eft un fentiment naturel de rapporter tout à foi, ces mêmes perfonnes, ne s'en tenant pas là, voudroient que leur ignorance fût une raifon d'exclufion pour ce fpectacle. Les autres font des critiques qui portent un jugement fondé fur la comparaifon de la comédie italienne avec la comédie françoise, comme fi deux fpectacles, qui n'ont peut-être de commun que le nom, pouvoient fe comparer l'un avec l'autre. Chez les Italiens, les perfonnages font toujours les mêmes, le dialogue n'est ni compofé ni préparé; ils fe paffent de mœurs, de caractère & ne font point affujettis aux règles dramatiques. Ils fe contentent de faire un plan pour former les rôles, & aux représentations chaque acteur doit trouver fur-le-champ ce qu'il lui convient de dire : en forte qu'à cet égard les comédies italiennes reffemblent plutôt à des converfations concertées. La vivacité de l'intrigue, les incidens & le jeu font le refte & foutiennent toute l'action; ainfi le degré de perfection de ces trois points fait celui de la comédie italienne : ce qui montre qu'elle n'eft comparable qu'avec elle-même, & que

fon genre eft fingulier & n'eft propre qu'à elle. Sur ce fondement on peut estimer la nouvelle comédie italienne de Paris parce qu'elle est peut-être une des meilleures de ce genre, foit par la conftitution des pièces, foit par le talent des acteurs qui font en général affez paffables; ceux qui jouent les principaux rôles font même excellens, & furtout celui qui fait les amans (1): chofe rare, attendu que tout perfonnage qui ne prête point au comique par fon action est toujours froid chez les Italiens. Ce n'eft pas qu'ils n'aient des pièces férieuses, & même des tragédies, dont les rôles font appris, mais on n'en dit rien parce qu'outre qu'elles leur paroiffent moins propres, les arlequinades, qu'ils mêlent dans celles-là, & leur manière de représenter celles-ci, rendent les unes & les autres trop difficiles à définir.

L'ordonnance du Roi, qui permet le rétabliffement des Italiens, les appelle la nouvelle troupe des comédiens italiens de Monfeigneur le duc d'Orléans, & c'est le nom qu'ils prennent dans leurs affiches. Ils font au nombre de onze, fept hommes & quatre

(1) La nouvelle troupe en comptoit deux : Louis-André Riccoboni, dit Lelio (c'eft celui-ci fans doute que veut défigner Dubois de Saint-Gelais), & Antoine-Jean-Jacques Balletti, dit Mario, qui étoit qualifié de deuxième amou

reux.

femmes (1), & peuvent être regardés comme un préfent du duc de Parme, qui les a fait choifir dans les meilleures troupes italiennes & les a envoyés à Monfeigneur le duc d'Orléans.

ARTICLE IX.

Toutes les villes de France ont leur gouvernement municipal qui diffère felon les ufages. Celui de Paris eft exercé par un prévôt des marchands & quatre échevins qui décident de toutes les affaires, & font à la tête de ce qu'on appelle le corps de ville. Ils font élus pour deux ans, mais le prévôt des marchands eft ordinairement continué pendant huit années. M. Bignon, conseiller d'État, l'ayant été ce tems-là, on mit à fa place M. Trudaine, auffi confeiller d'État. Ce

(1) Outre Riccoboni & Balletti, les acteurs de la nouvelle Comédie-Italienne étoient: Thomas-Antoine Vifentini, dit Thomaffin (Arlequin); Pierre Alborghetti (Pantalon); Jean Biffoni (Scapin); Francefco Materazzi (le docteur); Joseph Ragnizi (Scaramouche); HélèneVirginie Balletti, dite Flaminia, femme de L. Riccoboni, première amoureufe; Jeanne-Rose-Guyonne Benozzi, dite Silvia, mariée quatre ans plus tard à Balletti, deuxième amoureufe; Marguerite Rufca, dite Violette, femme de Thomas-Antoine Vifentini, fuivante; enfin Fabio Sticotti & Urfule Aftori, chargés des intermèdes du chant. Prefque tous ces artistes ont laiffé un renom qui eft venu jusqu'à

nous.

choix fe fit à l'ordinaire dans l'affemblée de l'Hôtel de ville qui fe tient tous les ans au mois d'août, pour élire deux nouveaux échevins, qui furent MM. de Serre & Huet, marchands (1).

Comme Paris eft divifé en feize quartiers, quelques jours avant la Saint-Roch (2) on adreffe des mandemens aux feize quarteniers pour faire une affemblée chacun dans fon quartier avec les dizainiers, leurs cinquanteniers, & huit perfonnes des plus apparentes du quartier. Ils y doivent appeler des officiers du Roi, s'il s'en trouve dans le même quartier, & des bourgeois ou marchands non mécaniques, pour procéder par ferment au choix de quatre notables bourgeois du même quartier qui font appelés les mandés pour l'élection. Ce choix fe fait de vive voix & l'on en dresse un procès-verbal qui eft figné de l'officier du

(1) Charles Trudaine, père de l'intendant des finances qui eut une si grande part à la création des routes royales & dont les fils périrent fur l'échafaud, le lendemain de l'exécution de leur ami André Chénier. Ch. Trudaine habitoit rue du Grand-Chantier. Antoine de Serre eft indiqué par l'Almanach Royal de 1717 comme demeurant rue Saint-Honoré, & Charles-Pierre Huet logeoit rue Bourg-l'Abbé. J'ignore quel étoit le genre de commerce du premier, mais Huet étoit probablement l'affocié de Lemaire, fabricant & marchand de porcelaines, dont il eft plufieurs fois queftion dans la Vie du comte d'Hoym (1, 100, 106; II, 318).

(2) Le 16 août.

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