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leur perfection; & M. de Fontenelle dans la belle Preface qu'il a mise à la tête des Memoires de l'Académie, n'a pas répondu aux ignorans qui redifent fans ceffe, à quoi bon tout cela ?

Mais voici du plaisant. C'est nn portrait des genifs in, ventifs le plus joli du monde.

P. 101. developp. 7.

Tous ceux qui frottent leur front, qui difperfent un regard égaré, ou qui s'enluminent à force de mordre leurs lèvres ou de pincer leurs jouës, ne font pas pour cela dans le travail de l'enfantement. Les genies inventifs en petit nombre ont beau vouloir inftruire & parler pour autrui, fans ceße ils fe parlent à eux-mêmes, reviennent fur eux-mêmes, fe reflechiffent & fe replient en quelque forte für eux-mêmes, & cela avec un air de poffeffion & une abondance de vûës qui ne font pas fi methodiquement ajustées au niveau d'une raifon vulgaire.

Je ne fai, Mr. file P. C. auroit voulu peindre les genies inventifs d'après lui; mais il eft certain qu'il a l'air de poffellion au fuprême degré, pour l'abondance de vues on pourroit encore la lui accorder en s'expliquant. Ce ne font pas les plus fenfés qui voyent le plus : ils manquent pour cela d'une grande reffource: c'eft de voir ce qui n'eft pas. Cela arrive fouvent au P. C. & la reflexion fuivante qu'il fait fur la méthode géometrique en est une preuve.

P. 151. developp. 7.

On vante fort jufqu'ici la methode géometrique, mais il n'eft pas queftion de juger des chofes éternellement par des oüisdire. F'en juge par les faits. De toutes les methodes didactiques, je n'en vois pas de plus defectueufes que celle de la Géometrie. On la vante de fa rigide & fublime perfection, mais c'est par que je la trouve inferieure à toutes les autres.

Il eft permis au P. C. de trouver ce qu'il voudra: mais il

eft certain, Mr. que de la rigidité de cette methode naiffent deux grands avantages. L'un la certitude de la fcience à laquelle on l'applique, l'autre la juftefle de l'efprit.

On n'avance aucune propofition qu'on ne la démontre exactement ; cela accoutume l'efprit à penfer jufte & à ne point prendre des vraisemblances pour des verités, ce qui eft la fource de toutes nos erreurs.

On a appliqué la methode géometrique à d'autres fciences & on eft tombé dans l'erreur; ce n'eft pas la faute de la méthode, mais de ceux qui s'en font fervis. On peut 1°. fuppofer de faux principes, & alors plus la méthode fera géometrique, plus les erreurs feront confiderables: où 20. fuppofer demontré, ce qui ne l'eft pas, & cela parce qu'on abufera de termes équivoques & mal definis.

Il n'eft pas queftion (c'est l'Auteur qui continuë) de la perfection de la Géometrie ; Eft-ce une idole qu'il faille encenser? il eft question de perfectionner les hommes &de les inftruire. Or trouve-t'on la Géometrie fort communicative & fort instructive dans fa methode. Qu'on en juge par le petit nombre de Géometres habiles. On trouvera fans difficulté, cent Phificiens, cent Hiftoriens, cent Metaphificiens, pour un Géometre.

Le P. C. en auroit aifément trouvé une autre raison que le défaut de la méthode, pour peu qu'il l'eut voulu chercher. La voici. La Phifique, la Metaphifique & l'Hiftoire ont beaucoup plus d'attraits pour tout le monde en general que la Géometrie. Cela est tout naturel. Les phénomenes de la nature frappent la vûë, étonnent l'imagination & excitent par conféquent la curiofité. La Metaphifique tient de près à la Religion, & d'ailleurs on eft bien aise de se connoître, & de bien démêler les idées primitives ou les premiers principes de nos connoiffances. Pour l'Hiftoire, c'eft un recit de faits auffi amufans qu'inftructifs. Il n'en eft pas de même de la Géometrie dont l'entrée est seche, abstraite & épineuse. Ce n'eft qu'après un travail penible qu'on trouve à fe dédom

mager

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mager amplement de fes peines. La Géometrie convainc l'efprit, mais fans remuer l'imagination qu'elle tient en contrainte, & l'imagination eft la partie dominante dans prefque tous les hommes. Il n'est donc pas étonnant qu'il y ait plus de gens qui s'appliquent à ces trois sciences qu'à la Géometrie. Mais c'est à la matiere & non à la méthode qu'il s'en faut prendre. Encore doutai-je très fort qu'il y ait plus d'excellens Phificiens, Hiftoriens & Metaphificiens, que d'excellens Géometres. Le bon Phificien même ne peut fe paffer de la Géometrie.

Ce n'est pas au refte (poursuit-on) qu'on n'aime & qu'on n'eftime la Géometrie dans le monde, qu'on n'en connoisse l'utilité & la neceffité, &c.

Le P. C. p.51. comme je l'ai remarqué, pour vanter l'ordre & la liaison de fon ouvrage dit qu'il fervira aux efprits les plus embroüilles à faire connoitre les ufages & l'importance de ce qu'ils favent, chofe dont depuis long-temps on demande compte aux Géometres ; car à quoi bon tout cela, leur redit-on fans ceffe, apparemment parce qu'ils n'ont pas encore répondu.

Ici il veut blâmer la méthode géometrique. C'est à elle qu'on doit s'en prendre, s'il n'y a pas plus de Géometres. Car ce n'eft pas qu'on n'aime & qu'on n'eftime la Géometrie, qu'on n'en connoiffe l'utilité & la neceflité.

Si on en connoît l'utilité & la necessité, on ne redit donc pas fans ceffe aux Géometres, à quoi bon tout cela? Que le P. C. s'accorde avec lui-même. Mais Mr. c'eft peut-être trop exiger de lui, une imagination, comme la fienne, eft faite pour se contredire. Peut-être auffi lui doit-on paffer ce petit défaut en faveur des gentilleffes qu'elle produit, & pardonner le fonds à cause de la maniere. Elle eft tout-à-fait finguliere: où trouveroit.on, Mr. par exemple, des comparaifons comme celle qui fuit, p. 143. Develop. 7. fur l'acceleration de la chute des corps. Un corps qui tombe eft comme un foldat qu'on paffe par les bagnettes. Quelque foible que foit chaque coup, le total des coups

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ajoutés l'un à l'autre, le réduit en un état pitoyable.

Après cette belle comparaifon, le P. C. n'auroit-il pas dû placer la reflexion fuivante qu'il fait p. 67. Ily a des gens qui n'aiment point les comparaifons, & ils ont raifon de n'aimer pas celles qui font mal faites, triviales ou fimplement poëtiques. Mais en general il eft certain que la comparaifon eft la clé des découvertes & des fciences. La comparaifon précedente auroit fervi de preuve.

Voici à prefent, Mr. de folides reflexions fur la mode, qui font bien de l'Auteur.

P. 159. Developp. 7.

On accufe les François de legereté en ce point (il parle de la mode) mais la nature eft-elle legere, lorfqu'elle varie encore plus que les François. Nous voilà bien dignes des reproches de toute l'Europe, parce que nos tabatieres font tantôt arrondies, tantôt quarrées, & tantôt ovales. Qu'on s'en prenne à la Géometrie dont l'efprit nous anime, & qui nous fournit l'idée de toutes ces figures.

Hé bien, Mr. les François ne font ils pas bien obligés au P.C.Le changement de mode eft infpiré par la Géometrie. Voilà les femmes Géometres, & plus Géometres que les hommes. Quelle furprise pour elles ! Mais écoutons l'Auteur : il continuë,

Si dans les figures fur quoi roulent nos modes, on remarquoit des défauts d'irregularité & des défauts de continuité & de proportion, je conviendrois fans peine de la justice de ces reproches ; mais file cercle, Povale & le quarré font des figures proportionnées géometriques & regulieres, de quoi nous blamet'on? Des figures fans doute mal dessinées fur le rivage firent dire à un ancien que la tempête avoit jetté fur ce rivage, qu'il voyoit des pas d'hommes. En fommes-nous plus inconftant & moins hommes, pour donner à nos habits & à tout ce qui nous environne, tout ce que la Géometrie a de figures les plus recherchées & les plus profondes.

N'allés pas croire, Mr. que tout ceci foit une méchan te plaifanterie, ce n'eft point du tout plaifanterie, non plus que ce qui fuit ; l'Auteur parle très-férieufement.

Ce n'eft pas en France au moins (pourfuit- il) qu'on a befoin de tracer des figures fur le papier & de fe guinder à des idées fort abftraites & fort éloignées de nos ufages pour rendre les gens Géometres. Nous avons l'œil géométrique dès le berceau. Que fera-ce, fil'efprit le devient une fois.

Le P. C. pouffe encore plus loin fes belles & judicieuses reflexions fur la mode; mais je vous fais grace du reste, auffi-bien que de cent autres traits à peu-près de la même force, répandus dans les fept premiers développemens. Tel eft, par exemple, celui-ci, qui eft page 191, & qui se presente à moi,

Pour ce qui eft du difcours par le moyen duquel fe fait la communication des efprits, il fe rapporte naturellement à l'acouftique. Les efprits ont leur fphere d'activité, comme les corps fonores; le difciple eft communément au - deßous du maître, & les penfées s'affoiblißent comme les fons en s'éloignant de leur fource. Je ne dis rien des Echos qui font bien en aussi grand nombre dans le fiftème des efprits que dans celui des corps. Enfin, c'est un fait que ce qu'un grand homme dit eft fujet à être réellement redit plufieurs fois.

Je paffe au Traité de Géometrie. Il eft bon, Mr. de vous avertir qu'il y regne d'un bout à l'autre un air de confiance & de bonne opinion qu'on ne peut pas bien rendre; il faudroit copier tout le Traité.

Le P. C. divife la Géometrie en fimple, compofée & tranfcendante; ce qui compofe 55 Traités. Mais il ne faut pas être la dupe de ce terme; ces Traités ne font gue res que les titres des chapitres que devroient contenir les Traités réels qu'il n'a point faits. Par exemple, il a divifé dans le developpement précedent la méthode d'invention en quatre parties, collection, combinaison, generalisation, retour. Dans celui-ci il fubdivife ces quatre branches en neuf

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