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vous m'honorés, en vous le montrant tel qu'il fe montre lui-même dans fes Ouvrages. C'eft un fervice effentiel que je vous rends, & qu'il feroit à fouhaiter que quelqu'un voulût bien rendre au Public. Vous favés, Mr. combien on doit être délicat dans le choix des Maîtres. Quelles impreffions ne font-ils pas fur l'efprit de leurs Eleves? En general les défauts des jeunes gens font plus les défauts mêmes des Maîtres qu'ils ont eu que les leurs propres. Rien de plus important pour eux que de les accoutumer à faire ufage de leur raifon & à penfer juste : rien en même tems de plus neceflaire que de les former à la modeftie, & de reprimer en eux une présomption ridicule qui ne leur eft que trop naturelle. Quel tort ne leur fait donc pas un Maître, lorfqu'en s'accommodant à leur pareffe, & en flattant leur amour propre, il leur perfuade qu'ils favent beaucoup, lorfqu'ils ne favent rien. Je ne prétends pas dire ici Mr. que cela foit à craindre du P. C. vous en jugeres. Pour moi je veux croire qu'il a autant de modef. tie & de jufteffe d'efprit qu'il en paroît peu dans fes Livres.

Le P. C. eft connu dans le monde par differens Ouvrages plus finguliers les uns que les autres; finguliers par les idées qui font de lui; encore plus finguliers par le ton. Tel eft le Traité de Mathematique qu'il vient de donner au Public. C'est une confufion fistematique, un cahos mal débrouillé, de définitions, de divifions, de fubdivifions capable de rebuter le lecteur le plus patient. Cela tient 200 pages in 4°, & eft fuivi d'un Traité de Géométrie,où il parle de tout, fans rien approfondir. Il n'y fait qu'effleurer les matieresdont fon Livre n'eft gueres qu'une Table. Il faut voir l'air de fatisfaction dont il debite les chofes les plus communes, & qu'il gâte fouvent en les entremêlant d'erreurs. A l'entendre, il donne toujours la clé & l'esprit. On doit cependant convenir que la maniere de traiter les chofes eft neuve & toute à lui. Perfonne ne s'étoit encore avisé de vouloir répandre des agrémens fur une science

qu'on n'avoit crû fufceptible que de clarté & de méthode. Le P. C. l'a fait, il a prétendu traiter la Géometrie en bel efprit. Je ne vous dirai pas fi le bel efprit a nui au Géomerre, ou le Géometre au bel efprit, ou s'ils fe font nui tous deux, mais on ne trouve dans le Livre, ni le bel efprit, ni le Géometre.

L'eftime que font de ce Livre plufieurs de vos amis, ne doit pas vous en impofer ; je n'en fuis point furpris, je ne le ferois pas même qu'il eut fait quelque réputation à

l'Auteur.

Ce n'eft point toujours au merite qu'elle fe mefure; c'en eft la marque du monde la plus équivoque. Un peu d'efprit avec beaucoup de hardieffe: voilà de quoi réüffir dans le monde. Parlés en maître des matieres les plus relevées fans trop les entendre, repetés fouvent que vous leur donnés un nouveau jour, que perfonne avant vous n'en a poffedé la clé, jugés cavalierement ceux qui s'y font diftingué le plus, & mettés les hardiment au-deffous de vous ; vous êtes un grand homme, un rare genie, à force de vous l'entendre dire, on s'accoutume à le croire. Rien n'eft fi commun que ces réputations ufurpées.

Après tout, Mr. ne vous en rapportés ni à vos amis ni à moi fur l'ouvrage du P. C. mais à l'Ouvrage même; ne vous en fiés ni à leur jugement ni au mien, mais au vôtre. Une courte analyse du Livre va vous mettre en état d'en juger par vous-même.

A la tête eft un Avertiffement au Lecteur, où on lui recommande bien de lire fans beaucoup d'attention, fans fe piquer d'entendre, avertiffement repeté avec grand soin dans les endroits les plus obfcurs du Livre. Point de méditation, point d'étude: entendra-t'on? tant mieux : n'entendra-t'on pas ? tant mieux encore.

Il faut lire tout ceci ( c'est l'Auteur qui parle) fans contention, fans effort d'efprit, avec une attention médiocre, & fans fe piquer d'entendre les chofes, ni les retenir. Le lire en un tmo plutôt que l'étudier.

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Cela n'eft pas mal adroit; les autres Auteurs vous 'difent, la matiere eft abftraite, elle demande de l'atten. tion, on ne s'en rend maître qu'avec peine, & ils ne font lûs que de ceux qui ont bien envie de s'inftruire. Le P. C. s'y prend mieux, il veut être lû de tout le monde; peutêtre le fera-t'il, L'ignorant, il eft vrai, reftera ignorant; mais qu'importe, il fera lû. Et puis ne dit-il pas qu'il a fait fon Livre avec cette attention,qu'un Lecteur fuperficiel au bous de deux lectures crût tout favoir, & qu'un profond au bout de vingt y trouvat encore à apprendre.

Venons à l'Ouvrage. Il eft divifé en huit Developpemens. Imaginés-vous, Mr. un arbre genealogique dont Mathematique eft le trone. Trois branches en fortent, Géometrie, Mechanique, Cofmographie. Voilà un premier developpement. Ces trois branches fe divifent en neuf & for. ment un second developpement. De la division de ces neuf en naît un troifiéme, & ainfi des autres.

Les fept premiers Developpemens ne contiennent que des divifions & des definitions de mots. Ils tiennent 200 pages in 4o, comme je l'ai déja remarqué.

Je crois, Mr. que vous fentés combien il est ennuyeux & fatiguant pour un lecteur de ne trouver pendant 200 pages que divifions & definitions. Il en pourroit bien arriver que le P. C. ne fut pas lû, malgré toutes les précautions qu'il a prifes pour l'être, promeffes magnifiques, reflexions fingulieres, comparaisons originales; l'ennui fera plus fort que tout cela.

C'eft dans le huitiéme Developpement qu'est traitée la Geometrie. Comme il eft le plus propre à vous faire connoître le P. C. c'est le feul où je m'arrêterai, & j'y passerai inceflamment, après avoir remarqué quelques endroits detachés des fept premiers qui font auffi propres à ce deffein. Les voici.

P. 27. developp. 4.

La Géometrie, mefure, la Mechanique, pefe, & la Colmographie, compte.

C'est ainsi que le P. C. caracterife ces trois Sciences. Cette grande découverte eft le fruit de beaucoup de peine. Il le dit lui-même.

L'Ecriture (ce font les paroles de l'Auteur ) nous apprend que Dieu a fait ce monde avec mefure, poids & nombre... l'Univers n'eft que cela en effet..

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fuivons cette ouverture ; la Géometrie roule bien précifement fur la mesure de l'Univers, la Mechanique roule auli fur le poids des corps de l'Univers.

Voilà donc la mesure & le poids affectés à la Géometrie & à la Mechanique. Mais comment le nombre peut-il caracteriser la Cofmographie.

L'Ecriture nous apprend que Dieu a fait ce monde avec mefure, poids & nombre. Le P. C. devine d'abord que cela veut dire que la Géometrie mefure, que la Mechanique pefe, & que la Cofmographie compte. Il faut bien deviner pour cela; mais ce n'eft pas tout; la Cofmographie compte, oui, voilà la chofe prouvée par l'Ecriture, mais la difficulté, eft de le prouver par le raisonnement. Car comment le nombre peut-il caracterifer la Cofmographie?

C'est-là (ajoute-t'il) une des grandes difficultés que j'aye rencontré dans la formation de mon plan ; mais je puis dire auffi que hors du point de vue où elle s'eft prefentée, & à ne juger de ce detail qu'en detail, je ne fuffe peut-être jamais venu à bout de la refoudre, quoique cependant la refolution en foit d'une confequence infinie pour avoir des idées juftes & précises des fciences Mathematiques.

Apprenés donc, Mr. comment le P. C. eft venu à bout de refoudre une difficulté fi importante. Il va vous en inf truire. Lifés & admirés.

F'ouvre un cours entiers de Mathematique, j'ouvre des livres d' Arithmetique, d'Algebre, de calcul. F'ouvre des livres de Cofmographie, d'Aftronomie & de Geographie. Et tout d'un coup je remarque que ces derniers font pleins de nombres & de calculs, tandis que les premiers en ont aßés peu &

de fort petits.

M'élevant même à l'idée des chofes, je vois que toute defcription ne peut jamais étre qu'une énumeration de parties en detail de la chofe qu'on décrit, &c.

Voilà donc l'idée caracteristique de la chofe, la Géometrie, l'Arithmetique, l'Algebre & toutes les fciences du calcul apprennent à compter ; mais il n'y a que la Cofmographie qui compte en effet réellement.

Enfin, Mr. le Problême eft refolu; la Cofmographie compte: Quelle fuperiorité de genie: Quelle force d'invention! Des gens de mauvaise humeur ou envieux de la gloire du P. C. trouveront peut-être & la difficulté & la folution puerile. Peut-être auffi ne fe rendront-ils pas aux excellentes raifons de ce P. C'est, comme il dit autre part, c'eft que le droit de l'envie eft de poursuivre à feu & à fang tout ce qui lui fait ombrage; mais leurs efforts feront vains; il ne s'en élevera que plus haut. C'est bien pour quelques grenouilles qui croacent à fon lever que le Soleil doit renrer fous l'horifon. Paffons à un autre endroit.

Après avoir beaucoup vanté l'ordre & la liaison de fon Ouvrage, le P. C. ajoute.

P. 51. developp. 5.

Fene dis rien de la facilité que cet ordre & cette liaison donnent aux moins éloquens & à ceux même qui ont l'efprit le plus embrouillé pour parler de ce qu'ils favent & en faire connoître l'ufage & l'importance. Chofe dont depuis long-temps on demande compte aux Géometres : car à quoi bon tout cela, leur redit-on fans ceffe, apparemment parce qu'ils n'ont pas encore répondu fur ce point.

C'étoit au P. C. Mr.qu'il étoit refervé d'apprendre aux Géometres l'utilité de la Géometrie. Avant lui ils ignoroient ou n'avoient pas fû dire que l'Aftronomie, la Navigation, la Mechanique, l'Architecture, &c. enfin que prefque toutes les Sciences & tous les Arts tiroient d'elle

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