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de ce jeune seigneur, et je la vois prête à faire une autre expédition. Elle s'arrête sur un couvent: elle descend dans unecellule, fond sur un bon religieux, et coupe le fil de la vie pénitente et mortifiée qu'il mène depuis quarante ans. La Mort, toute terrible qu'elle est, ne l'a point épouvanté; mais, en récompense, elle entre dans un hôtel qu'elle va remplir d'effroi. Elle s'approche d'un licencié de condition, nommé depuis peu à l'évêché d'Albarazin. Ce prélat n'est occupé que des préparatifs qu'il fait pour se rendre à son diocèse avec toute la pompe qui accompagne aujourd'hui les princes de l'église. Il ne songe à rien moins qu'à mourir; néanmoins, il va tout-à-l'heure partir pour l'autre monde, où il arrivera sans suite comme le religieux; et je ne sais s'il y sera reçu aussi favorablement que lui.

O ciel! s'écria Zambullo, la Mort va passer par-dessus le palais du roi! Je crains que d'un coup de faux la barbare ne jette toute l'Espagne dans la consternation. Vous avez raison de trembler, dit le boiteux, car elle n'a pas plus de considération pour les rois que pour leurs valets-de-pied; mais rassurez-vous, ajouta-til un moment après, elle n'en veut point encore au monarque; elle va tomber sur un de

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ses courtisans, sur un de ces seigneurs dont l'unique occupation est de le suivre et de faire leur cour: ce ne sont pas les hommes de l'état les plus difficiles à remplacer.

Mais il me semble, répliqua l'écolier, que la Mort ne se contente pas d'avoir enlevé ce courtisan; elle fait encore une pause sur le palais, du côté de l'appartement de la reine. Cela est vrai, repartit le Diable, et c'est pour faire une très-bonne œuvre: elle va couper le sifflet à une mauvaise femme qui se plaît à semer la division dans la cour de la reine, et qui est tombée malade de chagrin de voir deux dames qu'elle avait brouillées se réconcilier de bonne foi.

Vous allez entendre des cris perçants, continua le démon: la Mort vient d'entrer dans ce bel hôtel à main gauche. Il va s'y passer la plus triste scène que l'on puisse voir sur le théâtre du monde: arrêtez vos yeux sur ce déplorable spectacle. Effectivement, dit don Cleophas, j'aperçois une dame qui s'arrache les cheveux, et se débat entre les bras de ses femmes. Pourquoi parait-elle si affligée ? Regardez dans l'appartement qui est vis-à-vis de celui-là, répondit le Diable, vous en découvrirez la cause. Remarquez un homme étendu sur un lit magnifique; c'est son mari qui expire: elle est inconsolable. Leur histoire est touchante, et mériterait d'être écrite : il me prend envie de vous la conter.

Vous me ferez plaisir, répliqua Leandro ; le pitoyable ne m'attendrit pas moins que le ridicule me réjouit. Elle est un peu longue, reprit Asmodée; mais elle est trop intéressante pour vous ennuyer. D'ailleurs, je vous l'avouerai, tout démon que je suis, je me lasse de suivre la Mort; laissons-la chercher de nouvelles victimes. Je le veux bien, dit Zambullo: je suis plus curieux d'entendre l'histoire dont vous me faites fête, que de voir périr tous les humains l'un après l'autre. Alors le boiteux en commença le récit dans ces termes, après avoir transporté l'écolier sur une des plus hautes maisons de la rue d'Alcala.

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Un jeune cavalier de Tolède, suivi de son valet-de-chambre, s'éloignait à grandes journées du lieu de sa naissance, pour éviter les

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suites d'une tragique aventure. Il était à deux petites lieues de la ville de Valence, lorsqu'à l'entrée d'un bois il rencontra une dame qui descendait d'un carrosse avec précipitation : aucun voile ne couvrait son visage, qui était d'une éclatante beauté; et cette charmante personne paraissait si troublée, que le 'cavalier, jugeant qu'elle avait besoin de secours, ne manqua pas de lui offrir celui de sa valeur.

Généreux inconnu, lui dit la dame, je ne refuserai point l'offre que vous me faites: il semble que le ciel vous ait envoyé ici pour détourner le malheur que je crains. Deux cavaliers se sont donné rendez-vous dans ce bois; je viens de les y voir entrer tout-à-l'heure; ils vont se battre: suivez-moi, s'il vous plaît, venez m'aider à les séparer. En achevant ces mots, elle s'avança dans le bois; et le Tolédan, après avoir laissé son cheval à son valet, se hâta de la joindre.

A peine eurent-ils fait cent pas, qu'ils entendirent un bruit d'épées, et bientôt ils découvrirent entre les arbres deux hommes qui se battaient avec fureur. Le Tolédan courut à eux pour les séparer ; et, en étant venu à bout par ses prières et par ses efforts, il leur demanda le sujet de leur différend.

Brave inconnu, lui dit un des deux cavalier, je m'appelle don Fadrique de Mendoce, et mon ennemi se nomme don Alvaro Ponce. Nous aimons dona Theodora, cette dame que vous accompagnez: elle a toujours fait peu d'attention à nos soins, et quelques galanteries que nous ayons pu imaginer pour lui plaire, la cruelle ne nous en a pas mieux traités. Pour moi, j'avais dessein de continuer à la servir, malgré son indifférence, mais mon rival, au lieu de prendre le même parti, s'est avisé de me faire un appel.

Il est vrai, interrompit don Alvaro, que j'ai jugé à propos d'en user ainsi : je crois que si je n'avais pas de rival, dona Theodora pourrait m'écouter: je veux donc tâcher d'ôter la vie à don Fadrique, pour me défaire d'un homme qui s'oppose à mon bonheur.

Seigneur cavalier, dit alers le Tolédan, je n'approuve point votre combat; il offense dona Theodora: on saura bientôt dans le royaume de Valence que vous vous serez battus pour elle; l'honneur de votre dame vous doit être plus cher que votre repos et votre vie. D'ailleurs, quel fruit le vainqueur peut-il attendre de sa victoire ? Après avoir exposé la réputation de sa maîtresse, pense-t-il qu'elle le verra d'un

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