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certain nombre d'Arpenteurs, que ce Gouverneur y avoit envoyés quelques mois auparavant, & les conduire dans les différentes parties de Kentucke, qui attiroit alors l'attention de plufieurs voyageurs. Nous accédâmes fans balancer à la demande du Gouverneur, & nous exécutâmes notre miffion en foixante-deux jours, pendant lefquels nous fîmes huit cent milles avec des peines & des fatigues infinies.

Auffi-tôt après cette expédition, je retournai chez moi, & je reçus ordre de prendre le commandement de trois Garnifons pendant la campagne (1) que le Gouverneur Dunmore fit contre les Shawanèfes. Après qu'elle fut terminée, la Milice fut congédiée de chaque Garnison, & ayant été relevé de mon pofte, je fus follicité par plufieurs perfonnes de la Caroline feptentrionale, qui fongeoient à acheter des : Cherokees les terres fituées au fud de la rivière Kentucke, d'attendre leur traité à Wataga, en Mars 1775, pour négocier

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(1) Le fujet de cette guerre eft rapporté dans l'Introduction, à l'occafion de la harangue de Logan.

avec les Sauvages, & fixer les limites du pays acheté. J'acceptai leurs offres, & à leur prière, je me chargeai de tracer une route dans le lieu le plus favorable, depuis les parties habitées de la Virginie jufqu'à Kentucke, à travers les déferts, avec tous les fecours que je jugerois néceffaires d'employer pour une entreprise auffi impor

tante.

Ayant tout de fuite raffemblé un certain nombre d'hommes entreprenans & bien armés, je me difpofai à exécuter mon plan. Nous avançâmes avec toute la diligence poffible, jufqu'à ce que nous arrivâmes à quinze milles du lieu où est maintenant Boonsboroug, où nous fûmes. attaqués par un parti de Sauvages, qui nous tua deux hommes, & en bleffa autant: cependant, quoique furpris, & inférieurs en nombre, nous ne lâchâmes pas le pied: c'étoit le 20 Mars 1775. Trois jours après nous fumes attaqués de nouveau, & nous eûmes deux hommes tués, & trois bleffés. Après cela nous avançâmes vers la rivière Kentucke fans opposition, & le premier Mai nous commençâmes à conftruire le fort de Boonsborough fur une

Saline, environ foixante verges au fud de la rivière.

Le quatrième jour les Sauvages nous tuèrent un homme. Nous travaillâmes avec ardeur à la conftruction du fort, jufqu'au 14 de Juin, fans être plus inquiétés par les Sauvages, & après avoir achevé l'ouvrage, je retournai dans ma famille fur la Clench.

Quelque temps après, je conduifis ma famille de Clench, dans le Fort de Boonsborough, où nous arrivâmes fans accidens & fans autres difficultés, que celles inféparables d'une route pareille, mon épouse & ma fille étant les premières femmes blanches qui euffent jamais mis le pied fur les bords de la rivière Kentucke.

Le 24 Décembre fuivant nous eûmes un homme tué, & un bleffé par les Sauvages, qui fembloient déterminés à nous perfécuter, à caufe du Fort que nous venions d'élever.

Le 14 Juillet 1776, deux filles du Colonel Calaway, & la mienne, furent prises par les Sauvages près du Fort. Je me mis auffi-tôt à la pourfuite des Sauvages, avec huit hommes feulement; & le 16 les ayant

atteints, j'en tuai deux, & repris nos trois jeunes prifonnières. Le même jour de cette expédition, les Sauvages fe partagèrent en plufieurs bandes, & attaquèrent divers Forts, depuis peu conftruits, où ils firent beaucoup de dégât.. C'étoit un grand malheur pour des gens nouvellement établis. Le foible cultivateur étoit tué, pendant que de fes mains il remuoit le fol qui devoit fournir aux befoins de fa famille. La plus grande partie du bétail aux environs des habitations fut détruite. Les Sauvages continuèrent leurs hoftilités de cette manière, jufqu'au 15 Avril 1777, qu'ils vinrent attaquer Boons boroug, an nombre d'environ cent; ils nous tuèrent un homme, & en blefsèrent quatre. Leur perte dans cette attaque ne nous fut point connue.

Le 4 Juin fuivant, un parti d'environ cent Sauvages, attaqua Boonsborough, tua un homme, & en bleffa deux. Ils nous affiégèrent pendant quarante-huit heures ; & voyant qu'il n'y avoit rien à gagner pour eux, ils levèrent le fiège, & s'en allèrent. Cette attaque leur coûta sept hommes, qui furent tués.

Alors les Sauvages divifèrent leurs guerriers en plufieurs partis, & attaquèrent tous les Forts dans le même temps, afin de prévenir les fecours qu'ils auroient pu fe donner mutuellement, & firent mille maux aux malheureux Colons.

Le 19 du même mois, le Fort du Colonel Logan fut affiégé par un parti d'environ deux cent Sauvages: pendant ce terrible fiége, ils firent les plus grands ravages, réduifirent à l'extrémité la garnison, compofée feulement de quinze hommes, dont ils tuèrent & blefsèrent un. Leur perte ne fut pas connue, par l'ufage où font ces Nations d'enlever leurs morts au milieu du combat. Le Fort du Colonel Harrod fut alors défendu par foixante-fix hommes feulement, & celui de Boonsborough par vingt-deux, n'y ayant pas d'autres Forts, ni d'autres hommes blancs dans le pays, jufqu'aux Chûtes de l'Ohio, dont la distance eft confidérable, & tous ensemble n'étoient qu'une poignée d'hommes, en comparaifon de l'ennemi, dont les nombreux guerriers étoient difperfés par-tout, & occupés à faire tout le mal que la barbarie fauvage peut inventer. Ainfi nous

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