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PRÉFACE

DU TRADUCTEUR.

IL n'y a perfonne, je penfe, qui ne fente l'importance de la révolution qui vient de s'opérer en Amérique. Notre fiecle, célebre en découvertes, sera à jamais mémorable par un événement unique dans l'Hiftoire, l'établissement d'une grande République, dans un Pays, qui, par fon heureuse position, la richeffe & la variété de les productions, l'industrie & la fageffe de ses habitans, & plus que tout cela encore, par le systême de tolérance qui y regne, & la liberté dont l'homme y jouit, ne peut manquer de tenir un rang diftingué parmi les États politiques de l'Europe, & d'intéreffer tous les amis de l'humanité.

Il n'en eft pas de cette République

a

naiffante, comme de ces anciennes Républiques, de Carthage & de Rome, les plus célebres que l'Hiftoire nous faffe connoître, qui ne parvinrent à ce degré de puiffance & de grandeur, où on les vit s'élever, que fucceffivement & en envahiffant les terres de leurs voifins, & dont les Citoyens, à cette époque même, n'étoient encore que des guerriers à demi barbares, presque fans connoiffance des Beaux-Arts & des Lettres. Les Anglo-Américains n'ont pris les armes, que pour fe foutenir dans leur Patrie adoptive, & en fondant leur République, ils ont mis à contribution leurs propres lumieres & celles des autres Nations, l'expérience de tous les âges, & celle de leur fiecle. Tout à coup on a vu s'élever parmi eux, ou, pour mieux dire, on y voyoit déjà régner les arts & les fciences, l'industrie & les talens, les Manufactures & le Commerce. Que ne doit-on pas espérer d'un Peuple qui dès fon enfance, pour

ainfi dire, montre déjà la vigueur & l'énergie de la virilité ?

Tout ce qui a rapport à cette naiffante République, mérite fans doute l'attention du Philofophe obfervateur: hommes, animaux, plantes, les êtres même inanimés, tout eft curieux & intéreffant dans ce nouvel hémisphere, où la nature eft dans toute fa force & comme dans fa fleur, malgré les affertions de quelques Auteurs célebres, qui ont prétendu que le regne animal, fans en excepter l'homme, ainfi que le végétal, y étoient dans une efpece de dégénération, & fort inférieurs à ceux de l'ancien Continent.

Sous ce point de vue, j'ai cru qu'on verroit avec plaifir la traduction d'un Ouvrage fur une des Contrées les plus favorifées de ce nouveau Continent für un Pays qui n'avoit été habité jufqu'à préfent que par les Sauvages, ou les bêtes féroces, & qui, au milieu des.

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fureurs de la derniere guerre, dont l'iffue a été fi heureuse pour l'Amérique, fe peuploit d'hommes fages & laborieux; fur Kentucke, en un mot, dont le nom est à peine connu en Europe, mais qui ne tardera pas à exciter la curiofité des Voyageurs, & qui fera bientôt compté 'parmi les États de l'Amérique.

à

Kentucke est un vafte territoire, l'ouest de la Virginie, borné en grande partie par l'Ohio, qu'on appelle autrement la belle Riviere, & qui lui apporte le tribut de fes eaux, dont le principal avantage eft une communication facile avec toutes les parties de l'Amérique feptentrionale. Son nom lui vient d'une des principales Rivieres qui l'arrosent & qui eft auffi connue fous le nom de Kuttawa. Peu de Voyageurs font parvenus jufques-là; ceux qui ont remonté ou defcendu l'Ohio, n'ont gueres vu que les parties arrofées par cette Riviere.

Notre Auteur a voulu connoître ce beau territoire; il s'eft transporté fur les lieux; il les a parcourus en détail, & d'après les propres obfervations, & celles de quelques Habitans, il a compofé l'Ouvrage que j'annonce.

Il commence par la description topographique de Kentucke: il fait connoître les productions naturelles, le climat, le fol, le commerce, & autres objets relatifs : quoique cette partie laisse à defirer en plufieurs points; quoiqu'elle ne foit proprement qu'un effai fur la Topographie, & l'Hiftoire Naturelle de ce Pays, elle est néanmoins précieuse & intéreffante. De-là, l'Auteur paffe aux aventures du Colonel Boon, contenant une relation historique des guerres que les États-Unis ont eu à foutenir contre les Sauvages, dans ce même territoire que ces derniers avoient vendu, & dont ils avoient promis de fe retirer. Car telle eft la beauté, la fertilité, la douce

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