Imágenes de páginas
PDF
EPUB

CHAPITRE X.

De l'origine des divers usages que l'on fait à préfent de la Baguette. Qui eftce qui a pu faire naître la penfee' de s'en fervir pour chercher les fources, les métaux, les bornes des champs, les chemins perdus, les voleurs, les meurtriers, &c.

[merged small][ocr errors]
[ocr errors]

I.

de la plupart

L'origine

des fuperftitions paroît

peu de défenfeurs, & n'auroit ofé le montrer en public. C'eft le fort des pratiques dans lesquelles l'impiété, bonne. ou l'extravagance paroiffent à découvert elles ne font reçues que de peu de perfonnes, & ne font en ufage qu'en des lieux fecrets. Mais lorfque certaines pratiques, quelques fuperftitieufes qu'elles foient, ont l'apparence de quelque miracle que nous trouvons dans l'Ecriture, ou des dons que Dieu a quelquefois communiqués aux hommes, ou des effets furprenans de la nature, elles trouvent aifément créance dans les efprits, & deviennent bientôt communes. Com

bien des gens ne fe font-ils pas laiffés éblouir par les fuperftitions inférées dans la Mischna,& dans tout le Thalmud,à caufe des rapports qu'elies ont avec ce que Moïle avoit appris au Peuple de la part de Dieu! Combien de perfonnes d'efprit & de piété, qui ont été féduites par les épreuves fuperftitieufes de l'eau froide, de l'eau bouillante, & du ter chaud ; parcequ'on s'imaginoit qu'il falloit en raifonner de la même maniere que des eaux de jaloufie dont Dieu avoit prefcrit l'ufage! Quelques-uns prétendoient même que l'eau froide devoit naturellement faire difcerner l'innocent du coupable, un vrai Magicien d'avec celui qui ne l'étoit pas. C'eft affurément s'y bien prendre, pour autorifer un ufage, que de le faire paffer pour un vrai miracle, ou pour un fecret dont les Savans peuvent découvrir la raison physique.

L'ufage de la Baguette n'a pas dû manquer de ces beaux dehors. Un rapport à quelque chofe de divin a pû le faire introduire; & des raisons phyfiques, bonnes pour quelques perlonnes, ont mis l'ufage dans l'état qu'il eft à préfent.

2

II.

la Baguette de

né lieu à ce

Moïfe s'eft fervi d'une Baguette, en faisant fortir de l'eau d'un Ro- Ce que l'Echer. C'en eft affez pour faire croire criture dit de à plufieurs perfonnes qu'une Baguet- Moile a donte de même bois doit avoir quelque qu'on fait auvertu finguliere pour faire trouver de jourd'hui, l'eau. On n'eft en peine que de favoir de quel bois étoit la Baguette de Moïfe. On confulte les Interpretes de l'Ecriture. Prefque tous les Rabins & autres difent qu'elle étoit d'amandier, & prouvent leurs fentimens par le dix-huitieme Chapitre des Nombres, où l'on voit que Moïse se fervit de la Baguette d'Aaron, & que cette Verge ayant fleuri, elle avoit pouffé des am andes. Après cette découverte on prit fans héfiter une Baguette d'amandier pour trouver les fources; & on s'en eft tenu à ce choix, tant que l'on n'a eu en vûe que la Baguette de Moïfe.

D'autres enfuite, moins occupés de l'action de Moïfe que du rapport phyfique que la Baguette devoit avoir avec l'eau, fe font perfuadés qu'il falloit choisir du bois qui fe nourric dans les lieux aqueux. On pouvoit prendre du faule,ou du frêne a: mais, a Fluminibus pour ne pas s'éloigner fi fort de l'a- Salices craffif

tur. Virg.

Georg. 2.

que paludibus mandier, on prit du noisettier, dont alni nafcun le fruit eft affez femblable aux amandes. Ce choix a paru de bon fens, & il a été d'autant plus fuivi qu'il paroît fondé fur la Phyfique, & fur un rapport à la Baguette de Moïfe, que quelques-uns croient avoir été de coudrier. Comme néanmoins, felon la plus commune opinion, elle etoit d'amandier, on s'eft tenu en plusieurs endroits à l'alternative de l'amandier, ou du coudrier. Utuntur, dit Fontib. nat, le P. Dechales, virga amygdalina, aut corylina.

b L. z. de

Prup. 26.

Mais lorsqu'on a fait réflexion qu'il falloit tenir la Baguette à la main, & qu'elle ne tournoit qu'à quelques perfonnes, on en a conclu que la vertu d'indiquer les fources ne venoit que du tempérament ; que le mouvement de la Baguette n'étoit qu'un figne d'une certaine impreffion qui fe faifoit dans la maffe du fang;& qu'on pouvoit fe fervir indifféremment de toute efpece de bois. Voilà comment on a railonné dans les endroits où la Baguette fert à trouver les fources. L'origine de l'ufage de la Baguette pour trouver les métaux & les minécherché l'or raux n'est pas la même. Ce n'est pas

III. Les Alle

mans ont

port à la Ba

un rapport à la Baguette de Moïfe par un rapqui a introduit cet ufage en Allema- guette de gne; mais le rapport à celle d'un au- Mercure. tre Moïfe, je veux dire, de Mercure, à qui les anciens Allemans & les Gaulois rendoient un culte plus fingulier qu'à aucune autre Divinité.

ximè Mercu

* J'appelle Mercure un Moïfe fabu-Deum ma leux, ou un autre Moife, parcequ'il rium colunt. eft affez vifible que plufieurs Nations Tacit. Mor. Ger. Cefar. ont donné à Mercure ce qu'ils avoient Bel. Gal. l. 6. entendu dire de grand de Moïfe. Au moins eft il affez clair que le Caducée de Mercure eft la Baguette de Moïfe, avec l'explication du premier prodige qu'elle opéra. Cette Baguette fe changea en ferpent, reprit fa premiere forme, & dévora les Baguettes des Magiciens d'Egypte changées en ferpent. Comment pouvoit - on mieux exprimer ce prodige qu'en liant deux ferpens à une Baguette pour en former ce qu'on appelle le Caducée

de Mercure?

Si l'on fait réflexion que la Baguette de Mercure eft une Baguette d'or , on pourra s'apercevoir aifément qu'un vieux refte du culte fuperftitieux que les Allemans rendoient à Mercure a pû leur faire ef

« AnteriorContinuar »