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il eft certain que cette démarche du Souverain Pontife, étoit une foible reffource pour la Religion, contre les entreprises d'un des plus dangereux ennemis qu'elle ait jamais eu.

Le Roi d'Espagne, dont les defleins échouerent prefque toujours par la lenteur extraordinai re de fes déliberations, écrivoit à la Gouvernante des lettres pleines de douceur & de moderation, & promettoit toûjours une partie de ce qu'on lui demandoit: cette inaction donna lieu au Hetetiques, de fe porter à de plus grands excès.

Les Miniftres accoururent dans les Païs-Bas d'Allemagne, de France & d'Angleterre ; ils prê cherent publiquement dans les Villes & dans les Campagnes une multitude inombrable de Peuple s'empreffoit d'aller à leurs

Sermons, & ils eurent à Anvers jufques à feize mille auditeurs. Déja on commençoit à faire la Cène publiquement, & à baptifer lesenfans felon la liturgie de Calvin. La Gouvernante fit de nouveaux Edits, pour obliger les Etrangers de fortir des Provinces, & pour défendre d'affifter aux Prédications des Miniftres; clle envoya le Comte de Megue à Anvers, pour y publier ces Edits & pour les faire executer. Ce Seigneur y fut mal reçû, & fa vie n'y étant pas en fûreté, la Gouvernante fut obligée de le rappeller. Le Magiftrat de cette Ville écrivit à cette Princeffe, qu'il n'y avoit que le Prince d'Orange qui eût affez d'autorité pour contenir le Peuple: Elle fe trouva dans la neceffité de l'y envoyer, & de témoigner la plus grande confiance, à l'homme du monde

de qui elle avoit le plus de fujet de fe défier,

Le Prince d'Orange fut reçû à Anvers comme en triomphe, le Peuple accourut en foule au devant de lui, & fe mit fous les armes pour le recevoir. On le falua par plufieurs décharges, & comme les uns commençoient à entonner les Pleaumes de Marot, & les autres à crier, vivent les Gueux : ce Prince leur fit figne de la main que ces acclamations ne lui plaifoient pas; & voyant qu'elles ne ceffoient point, il s'emporta & leur dit, qu'ils priffent garde à ce qu'ils faifoient, & que ceux qui continuëroient, auroient sujet de s'en repentir.

Quand il parut dans la Ville, la joye du Peuple fut extrême: Nous n'avons plus befoin du fecours des Conféderés, difoient les Proteftans, le Prince d'Orange

nous fuffit; nous n'avons qu'à nous adreffer à lui, il nous accordera le libre exercice de notre Religion. Ce Prince parut s'offenfer de ce difcours, & le témoi. gna à Brederode ; il affembla enfuite les Magiftrats, & prit avec eux des mefures pour appaifer le Peuple, & pour empêcher les affemblées tumultueufes des Proteftans. La Gouvernante lui écrivoit tous les jours, pour l'exhorter à fe fouvenir des paroles qu'il lui avoit données en partant, & pour le conjurer de détruire par la conduite, les foupçons qu'on avoit donnés au Roi de fa fidelité.

Mais bien-tôt les Conféderés s'étant affemblés à San-Truden dans l'Evêché de Liege, la Gouvernante fut obligée d'y envoyer le Prince d'Orange & le Comte d'Egmont, pour empêcher qu'ils ne priffent quelque refolution ex

traordinaire, & qu'ils ne fe portaffent à une rebellion ouverte. Dès que le Prince d'Orange eut quitté la Ville d'Anvers, les troubles y recommencerent avec de plus grands défordres qu'auparavant; les Proteftans entroient dans les Eglifes des Catholiques, & fe mêlant parmi eux, ils afliftoient à leurs Proceffions, & lorfque les Catholiques avoient ceffé de chanter, les Proteftans fe mettoient à crier vivent les Gueux. La licence croiffant tous les jours, ils en vinrent jusques à piller lesEglifes, brifer les Images, & à commettre les plus indignes propha

nations. Les Proteftans commirent de femblables excès dans toutes les Villes de la Province de Flandre, & la Gouvernante eut à ce fujet une prife fort vive avec le Comte d'Egmont, qui étoit de retour de San-Truden.

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