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te d'Egmont & le Comte de Horn; mais le fecret du Gouvernement leur étoit caché; & comme Granvelle avoit une capacité fort fuperieure à celle de Viglius & de Barlaimont, il eut bien-tôt pris l'afcendant dans le Confeil, & il devint comme l'ame du Gouver

nement.

Ce Prelat étoit fils de Nicolas Perennot, fieur de Granvelle, qui d'une condition affés bafle, s'étoit élevé jufqu'à la Charge de Secretaire du Cabinet auprès de l'Empereur Charles-Quint.

L'Ecole de fon Pere, & le Cabinet de Charles-Quint, où il eut le même Emploi, l'avoient rendu un des plus habiles Miniftres de l'Europe; on dit qu'il fatiguoit jufqu'à cinq Secretaires à la fois, à qui il dictoit des Lettres en differentes Langues. L'Empereur CharlesQuint avoit une fi haute idée de

fon mérite, qu'il ne recommanda rien tant à Philippe, que de fe fervir des Confeils de ce Miniftre; & ce qui montre combien Gran velle étoit habile Courtifan, & à quel point il poffedoit l'art de s'infinuer dans l'efprit de fes Maîtres, c'est que cette recommandation ne lui fit aucun tort dans l'efprit de Philippe ; auffi avoit-il une éloquence & une infinuation dont il étoit difficile de fe défendre: parler & perfuader, n'étoit pour lui qu'une même chofe.

Ce Ministre étoit trop éclairé, pour ne pas appercevoir combien fon autorité feroit odieufe aux Seigneurs qui entroient dans le Confeil d'Etat, ainfi il évitoit avec foin de faire paroître fon credit; il parloit rarement à la Gouvernante, & quoiqu'il fût dans la même Ville, & fouvent dans le même Palais que cette Princeffe 2

il traitoit prefque toujours avec el le par écrit,& lui envoyoit des Memoires & des Inftructions quelquefois d'heure en heure felon les

Occurrences.

Mais il eft difficile de tromper la vigilance des Courtisans ; ceux dont les confeils prévalent dans l'efprit des Princes, ne peuvent échapper long-tems à la penetration de leurs concurrents; quand on eft offenfé, on connoît bien-tôt la main d'où partent les coups.

Les Seigneurs demandoient des graces, & ils étoient refufés; le Comte de Horn ne put obtenir le Gouvernement de Gueldres ; le Comte d'Egmont demandoit l'Abbaye de Tulles pour un de fes parens, & Granvelle l'obtint pour lui même.

Le mariage du Prince d'Orange avec la Princeffe de Lorraine fut traverfé; le détail des affaires

fourniffoit tous les jours mille fujets de mécontentement, & on s'en prenoit toujours à Granvelle. Les Seigneurs tâchoient de fe dédommager dans le Confeil ; il fuffifoit que ce Miniftre fût d'un avis, pour que le Prince d'Orange, le Comte d'Egmont & le Comte de Horn foutinffent l'avis contraire, avec une hauteur qui faifoit affés comprendre combien ils étoient aigris. La Gouvernante allarmée de ces premieres étincelles de difcorde,s'employoit vivement pour réünir les efprits; mais plus elle témoignoit d'empreffement pour appaifer les ennemis de Granvelle, plus elle leur faifoit connoître fon attachement pour lui, & en voulant les réconcilier, elle les rendoit irreconciliables.

Cependant les quatre mois que le Roi avoit demandé pour retirer des Païs-Bas, les Troupes Elpas

gnoles, étoient expirés, & elles étoient encore dans les Provinces: la Gouvernante reculoit leur départ, fous divers pretextes, & comme les Provinces refuferent de les payer, elle les entretint quelque tems à fes dépens ; mais s'appercevant que ces retardemens donnoient de grands ombrages aux Peuples, dont le Prince d'Orange, le Comte d'Egmont & le Com te de Horn appuïoient les murmures, la Gouvernante pour prevenir de plus grands troubles, envoya ordre aux troupes de fe ren dre dans la Zelande pour s'embarquer inceffamment au Port de Fleffingue: Granvelle n'approuva pas fa conduite, & il en écrivit au Roi, qui manda à la Gouvernante de fufpendre le départ des Troupes, & même de les retirer de la Province de Zelande, pour les remettre en garnison

dans

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