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credités, qui faififfoient les moindres pretextes, pour exciter les murmures des Peuples. Les Catholiques trompés par l'apparence du bien public, & par le defir de foûtenir les Privileges de leurs Villes ou de leurs Provinces, fuivoient aveuglément les Impreffions des Heretiques, qui n'avoient garde de fe faire connoître. Le Roi d'Efpagne avoit connu la veritable fource du mal: il ne recommandoit rien tant à la Gouvernante, que d'arrêter le progrès des nouvelles Herefies; il vouloit, qu'elle en fît comme fon unique affaire, & l'objet capital de tous fes foins. Il donna là-deffus à Armentier les Ordres les plus exprès & les plus précis: il fit plus, il entreprit de diriger luimême fa Sœur dans l'execution de ce Projet. Il avoit des Efpions répandus dans toutes les Provin

ces, c'étoient des Moines, & des Prêtres Espagnols, & autres Perfonnes obfcures, qui ne rendoient compte qu'au Roi feul de leurs dé couvertes, & fur leurs relations il envoyoit des Inftructions fecrettes à la Gouvernante. Il lui marquoit le nom de toutes les Perfonnes fufpectes d'Herefie, leur âge, leur profeffion, leur demeure, & jufqu'à l'air & la figure de leur vifage. Il l'avertiffoit de leurs démarches les plus cachées, & entroit là-deffus dans des détails furprenans. Il fe piquoit d'être mieux inftruit la Gouvernante qui étoit fur les Lieux, & qui avoit auffi des Efpions par tout. Strada affûre, qu'il avoit lû plus de cent Lettres écrites de la propre main du Roi d'Efpagne, qui ne contenoient que des Particularités de zette Nature.

que

La Gouvernante pour fe con

former aux intentions du Roi, s'appliqua plus que jamais à exterminer l'Herefie, Elle écrivit aux Evêques, aux Gouverneurs, & aux Magiftrats des Villes, de proceder contre les Heretiques, Telon la rigueur des Edits. En peu de tems les Prifons furent remplies de Religionnaires, & les Places publiques d'Echafauts & de Buchers.

On arrêta à Rupelmonde un Prêtre qui avoit embraffé la nouvelle Religion. On l'avoit enfermé dans une chambre du Château qui n'étoit pas éloignée de l'endroit où l'on gardoit les Archives de la Province. Il mit le feu à fa prifon, efperant que le tumulte de l'incendie lui donneroit occafion de s'échapper. Comme on fongeoit plus à fauver les Archives qu'à retenir les prifonniers, le Prêtre trouva moyen de s'éva

der; mais le feu ayant été prom ptement éteint par les foins de la Garnifon, ce malheureux fut repris & condamné à avoir la tête coupée. Avant que de mourir, il fit abjuration des erreurs de Calvin, &il exhorta le Peuple à s'en preferver, ou à y renoncer. La Gouvernante en donna avis au Aouft. Roi, qu'elle fçavoit être fort cu1564. rieux de ces fortes de nouvelles.

13:

Les Executions que l'on fit à Anvers n'eurent pas des fuites auffi heureuses.

Un Carme nommé Christophle Fabricius, étoit forti de fon Couvent, pour aller fe marier en Angleterre, d'où il étoit revenu pour prêcher le nouvel Evangile à Anvers; il fut pris & condamné à être brûlé vif. Déja l'Executeur l'avoit attaché au poteau, lorfque le Peuple commença à lui jetter des pierres le Bourreau vit bien

:

qu'on ne lui laifferoit pas le tems d'allumer le Bucher, & craignant que fon Criminel ne lui échappât, il tira promptement fon couteau de fa poche, lui coupa la gorge, & à l'inftant fe fauva dans la foule.

Le lendemain, on afficha un Placard dans la Place, écrit avec du fang, où l'on avertifloit le Peuple, que la mort de Fabricius feroit bien-tôt vangée: & quelques Proteftans ayant rencontré une femme que l'on accufoit d'avoir indiqué la demeure du Moine Heretique, ils fe jetterent fur elle & penferent l'affommer.

Le Roi d'Efpagne fut vivement piqué, de ce que pareils attentâts demeuroient impunis. Il en fit de grands reproches à la Gouvernante, qui fut obligée, pour le contenter, de faire pendre un de ceux qui avoient attaqué cette femme.

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