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& elle l'envoya à tous les Gouver neurs des Provinces. Quelquesuns, avant que de le publier, manderent à la Gouvernante, qu'ils n'ofoient lui promettre l'entiere execution de l'Edit, parce que les Peuples ne paroiffoient pas difpofés à le fouffrir, & que les Catholiques même fe réuniroient avec les Proteftans pour s'y oppofer. D'autres écrivirent, qu'ils n'entreprendroient pas même de le faire executer, & qu'ils ne pou voient fe refoudre à faire perir des milliers d'hommes par le feu. La Gouvernante donna avis au Roy de ces réponses au commencement de l'année 1566. & lui ajoûta, qu'elle prévoyoit une af freufe tempête.

L'orage commença dans la Province de Brabant. Comme elle n'avoit point de Gouverneur Particulier, le Chancelier y publia

l'Edit. Alors les Villes de Louvain, Bruxelles, d'Anvers & de Bolduc, affemblerent leurs Magiftrats, qui prefenterent une requête au Chancelier, où ils fe plaignoient de la précipitation avec laquelle il avoit publié l'Edit fans le leur avoir communiqué auparavant, felon l'ufage, ce qui étoit directement contraire aux privileges de leur Province. La Gouvernante fe fit apporter cette requête, & elle fut lûë dans le Confeil, on examina les privileges particuliers de la Province de Brabant, & on résolut de furfeoir l'exécution de l'Edit, jusques à ce que le Roy en eût ordonné autrement. Cette décifion ne fatisfit point les Peuples de cette Provin ce, qui vouloient une exception en leur faveur. La Province de Flandre, voyant que la Cour molliffoit, demanda auffi de n'être

point foumife à l'Edit, prétendant qu'elle pouvoit produire des priviléges auffi-bien fondés que ceux de la Province de Brabant.

Mais la Gouvernante apprit bien-tôt des nouvelles encore plus fâcheufes.

Un inconnu vint lui diré, que la Nobleffe de Brabant s'étoit engagée par une ligue, à prendre les armes, fi le Roy vouloir forcer cette Province à recevoir le Tribunal de l'Inquifition ; & que l'Amiral de Coligni & tous les Proteftans de France, avoient fait dire aux Confederés, qu'ils les foutiendroient de toutes leurs for: ces. Cet avis fut confirmé par le Prince d'Orange, qui écrivit. la même chose de Leyde, où il étoit alors. Le Comte d'Egmont & le. Comte de Megue, affurerent auffi la Gouvernante, que les Confederés avoient déja delivré fecre

tement des commiffions à des Of ficiers qu'ils avoient nommés, pour lever des Troupes, & qu'au premier fignal ils mettroient fur pied vingt mille hommes de Troupes reglées.

Un Gentilhomme Calvinifte, nommé Sainte Aldegonde, fut le premier auteur de cette confederation. Il affembla d'abord chez lui neuf Gentilshommes tous Calviniftes comme lui, & leur ayant reprefenté le peril où étoient leurs freres, que l'on vouloit abandonner à la rigueur d'un Tribunal qui n'avoit pu s'établir à Rome même, fans de grandes contradictions, il leur propofa de figner un acté, par lequel ils s'engageroient à mourir plûtôt que de fouffrir en Flandre le Tribu→ nal de l'Inquifition, leur faifant efperer que leur exemple feroit bien-tôt fuivi par les principaux

Seigneurs des Païs-Bas, & qu'ils auroient la gloire d'avoir été les premiers auteurs d'une entrepri Te qui mettroit leur Religion & leur Patrie à couvert de la tirannie des Inquifiteurs. Il n'eut pas de peine à les y déterminer, & comme il avoit eu foin de tenir l'acte tout prêt, il leur en fit la lecture, & ils le fignerent fans dif ficulté. Dans cet acte, ils difoient d'abord que le Roy d'Espagne trompé, fous pretexte de zele pour la Religion, par des perfonnes fur qui l'ambition, l'avarice, & la perfidie avoient plus de

pou

voir que la vertu, la juftice & l'amour de la Patrie, vouloit à quelque prix que ce fût, établir l'Inquifition d'Efpagne dans les Pais-Bas. Ils faifoient enfuite une peinture affreufe de ce tribunal; ajoûtant, que c'étoit particulie rement à la Nobleffe à prevenir.

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