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comme tu étois quand je t'époufai. Auffi, dame! je t'aimois bien ; auffi je t'ai donné bien de la satisfaction.

Me. MICHAUT.

Ne parlons pas de cela, Julienne; ça ne fait rien à notre affaire, &...

JULIENNE.

Mais, mais, je crois que tu t'avifes de vouloir me faire des reproches, pendant que tout le monde eft pour me rendre juftice, & que j'ai toujours été d'une patience..... Ça n'eft pas vrai, n'est-ce pas ? Me, MICHAUT.

Ne t'échauffe pas, ma petite femme.

JULIENNE.

Si fait, je veux m'échauffer, moi : ose me démentir.

Me. MICHAUT.

Diantre nenni: mets ta main là, & fur-tout ne gronde pas. De la patience, de la patience.

JULIENNE.

Je ne demande pas mieux; car je fais tout ce qui te plaît: mais pour en revenir à notre fille, pourquoi ne la pas donner à Colin qu'elle aime? c'eft jeune, ça aura du bien ; v'là ce qu'il faut

un bon ménage.

pour

faire

AIR.

La jeuneffe

Suit le defir

Qui la preffe,

De chercher fans ceffe

Le plaisir.

Pour

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moyens nouveaux,
Parure, cadeaux ;

Qu'une ardeur fidelle,
Qui fe renouvelle,
Réponde à ses vœux,
Écarte la gêne,
Et toujours amène

Des momens heureux.

Me. MICHAUT.

17

Oh! oui, v'là qu'eft bon pour faire une femme volage, diffipée, qui ne fonge qu'à danser, à chanter, à fe réjouir, & puis le ménage va comme il peut; mais ça ne fait rien: Madame s'amuse, tout le monde doit être content: ça fuffit.

JULIENNE.

Enfin elle est ma fille, ni plus ni moins que la tienne; je l'ai élevée,je fais ce qu'il lui faut. Je ne fouffrirai pas qu'elle ait un vieux mari comme Monfieur Berrique: Monfieur Bernique !... Monfieur Bernique, autant rien.

Me. MICHAUT,

En vérité, ma femme, tu n'es pas raisonnable. Enfin tant y a que j'ai donné ma parole à Monfieur Bernique.... Il faut d'abord qu'elle l'épouse, & puis après nous verrons.

JULIENNE.

Je ne t'ai jamais contredit, tu le fais bien. Mais prends bien garde, fi tu t'y obftines, je ne réponds pas de moi.

B

Me. MICHAUT.

....

Allons, paix, ma femme, paix.. J'apperçois Juftine.... ne fais femblant de rien; tout ça s'ar

rangera..

SCENE VI.

Me. MICHAUT, JUSTINE,

A

JULIENNE..

Me. MICHAUT.

H! te voilà, Juftine ? D'où viens-tu donc ? que je ne t'ai pas vue de toute la matinée.

JUSTINE.

J'étois là, mon pere, dans notre chambre, à travailler.

Me. MICHAUT.

A travailler à travailler ! c'est bien, c'eft bien. Voyez pourtant comme on eft injufte ! je croyois que tu n'étois feulement pas levée.

JUSTINE.

Moi! mon pere. Comment pouvez-vous dire cela, pendant que vous fçavez que je fuis à l'ouvrage dès le matin,

Me. MICHAUT.

Dès le matin! voyez-vous. Eh bien, c'est ce que me difoit tout à l'heure Monfieur Bernique. II fort d'ici dans l'inftant: ne l'as-tu pas vû?

JUSTINE.

Ça fe peut bien, mon pere ; car il y vient à toutes les heures du jour.

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JULIENNE.

C'étoit bien la peine qu'il vînt ce matin,pour caffer tout, & pour faire peur à tout le monde.

JUSTINE. ·

V'là comme il fait toujours: il me fait peur auffi toutes les fois que je le vois.

Me. MICHAUT.

Son fils n'est pas comme lui : il ne te fait pas peur, n'eft-il pas vrai? JULIENNE.

Affurément: Colin eft un joli garçon qui fçait ce que c'eft que le monde & la politeffe, & qui...

Me. MICHAUT.

Tais-toi donc, ma femme; elle est affez grande pour me répondre toute feule. Oh ! çà, Juftine, on m'a dit que tu t'ennuyois d'être fille : c'eft-il vrai ? JUSTINE.

Mais, mon pere...

Me. MICHAUT.

Là, parle moi naturellement.

JULIENNE.

Sûrement, on eft bien aife d'être fille jufqu'à un certain point; mais enfin il vient un tems où on fent bien qu'on n'eft pas faite pour refter comme ça toute

fa vie.

Me. MICHAUT.

Oh! je fçais qu'on fent bien des chofes quand on

a une fois quinze ans. Tiens, Juftine, je veux t'apprendre une chanfon; tu me diras s'il eft vrai que ça Le paffe comme ça.

A IR : noté à la fin N°. 4.

A quinze ans, une fillette
Dabord foupire en cachette
Sans en fçavoir le sujet.
Un amant s'offre à sa vue,
Auffitôt elle eft émue,
Son petit cœur est au fait.
C'eft la nature qui crie,
Promptement qu'on la marie
Sans y perdre un feul inftant.
Pour peu qu'on la contrarie,
Le feu dont elle eft remplie,

La confume en un moment.

Oh! c'eft une chose terrible que cet état-là. Si bien donc, Juftine, que, fi je te mariois, cela te feroit plaifir?

JUSTIN E.

Pourquoi donc, mon pere, cela me feroit-il de la peine? Car je penfe bien que vous ne voudriez pas me rendre malheureuse.

Me. MICHAUT.

Sans doute : eft-ce que tu crois que je ne fçais pas ce qu'il te faut? Conviens que je fuis un bon papa de fonger à te pourvoir ainfi. Il y en a beaucoup qui ne feroient pas fi attentifs. On a une fille, eh! bien, c'eft bon, elle attendra. Moi, je fais autrement; avant qu'elle defire, je vois ce qu'il lui faut, & c'eft fait tout de fuite.

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