Imágenes de páginas
PDF
EPUB

prudence feront auffi les fiennes dans les démarches qu'elle fera contre les abus, lorfque cette prudence ennemie du vice & protectrice de la vertu, s'appliquera toute entière à choifir les moyens les plus efficaces pour abattre l'un, & faire triompher l'autre.

La dévotion commence par diftinguer les abus contraires aux loix divines & naturelles, de ceux qui ne font oppofés qu'à des loix humaines. Les premiers ne peuvent être couverts par la plus longue & la plus ancienne poffeffion. Car les droits de l'éternelle vérité, & ceux de la puiffance divine font imprefcriptibles. La dévotion n'admet aucune compofition fur des loix fi facrées. Elle ne peut fouffrir des ufages qui les bleffent

fent ouvertement. A-t-elle tort? & parce qu'elle eft inflexible fur cette matière, la déclarerat-on incapable de gouverner? Qui ne voit au contraire qu'un gouvernement qui ordonne ou qui approuve ce que Dieu condamne, eft, non seulement injufte, mais pernicieux ? Qui ne méprifera ces vaines fpéculations fur l'efprit des loix, où fous prétexte d'étudier leurs différens rapports, on combat indirectement la loi divine? Cette loi dictée par une fageffe fupérieure à tous les raifonnemens humains, cette loi qui fait l'admiration des coeurs droits & des efprits judicieux, fe foûtiendra toute feule contre une critique auffi maligne qu'elle est téméraire. Il fera toûjours vrai que tout ce qu'elle prefcrit,

O

convient à tous les lieux, à tous les tems, à toutes les perfonnes, & que ce qu'elle défend, comme le divorce, la poligamie, l'ufure, eft un vice fous quelque gouvernement que ce foit.

Mais la dévotion, inexorable à l'égard des abus réprouvés par la loi naturelle ou par la loi divine, n'a pas la même ardeur contre les abus qui ne dérogent qu'à des loix humaines. Ces loix n'ont pas un caractère de ftabilité, qui les affranchiffe du fort qu'éprouvent tous les ouvrages des hommes. Elles font d'ailleurs fufceptibles de difpenfe; & dans le cas même où ces loix fubfif tent, & où elles obligent, comme on doit le fuppofer, pour l'inobfervation en foit abufive, il s'en faut beaucoup que

que

cet abus ne foit auffi criant

que

la trangreffion de la loi naturelle ou divine.

La dévotion eft à la vérité fortement attachée aux règles; & loin de blâmer en elle cet attachement, on doit le regarder comme une vertu néceffaire pour bien gouverner. Car qu'eft-ce qu'un gouvernement où. l'on fe fait un jeu de violer les règles, où les abus ont un libre cours? & que fait un homme en place de fon autorité, s'il ne s'en fert pour conferver ou pour rétablir le bon ordre? La dévotion pénétrée de ces fentimens, n'ignore pas néanmoins la foibleffe & la corruption des hommes. Elle fait que leur pente naturelle les porte à fecouer le joug de la loi, & qu'il eft auffi difficile de les y

qu'il

foûmettre de nouveau leur a été aifé de s'y fouftraire. Cette connoiffance la rend extrêmement vigilante pour le maintien des loix qui font encore en vigueur. Elle s'oppose avec force aux premières contraventions, perfuadée qu'un abus peut être fans peine étouffé dans fa naiffance, mais que fi on lui permet de s'affermir, il en coûtera pour le détruire des travaux infinis, qui peut-être feront encore infructueux.

Ce qui augmente fon attention & fon zèle à l'égard des abus naiffans, c'eft la conduite qu'elle eft obligée de tenir à l'égard des abus qu'elle trouve établis. Car elle n'eft pas fur ce fujet auffi vive & auffi emportée que le prétendent fes adverfaires, & le portrait qu'ils

« AnteriorContinuar »