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que Dieu approuve, & dont il ordonne l'ufage. Elle ne compte plus fur les infpirations qu'avoient les Apôtres, ni fur tous les prodiges qui confirmoient leurs prédications. Elle fe difpofe à exercer le même miniftère par des travaux qui puiffent remplacer, quoiqu'avec une extrême difproportion, des graces fi éminentes. Elle culti ve avec foin fes talens naturels. Elle ne néglige, pour se former à l'éloquence, aucune des reffources que la lecture, les réflexions, le commerce des habiles gens, l'expérience, peuvent lui fournir. Mais ce n'eft ni de la nature, ni de l'art, qu'elle fait dépendre le fruit de fes fermons. Elle fait que la voix d'un homme, quelque force ou quelque douceur qu'elle puiffe

avoir, ne frappe que les oreilles, & que la voix feule de Dieu fe fait entendre au fond des coeurs. Elle plante, elle arrofe, parce que fon devoir eft de travailler; mais elle n'efpère l'accroiffement que de celui qui eft affez puiffant pour le donner*. C'eft ainfi qu'en employant l'éloquence, quoique dédaignée par faint Paul, un Orateur chrétien peut être fon imitateur.

Si l'on demande à la dévotion pourquoi ne mettant point fa confiance dans le talent de la parole, elle ne fe contente d'une fimple expofition de la vérité, elle répondra que

* Neque qui plantat est aliquid, neque qui rigat, fed qui incrementum dat Deus, 1. Cor. 3. 7.

c'eft pour l'intérêt des hommes qu'elle prête à la vérité, des ornemens qui l'embelliffent fans la déguifer. Il faut prendre le chemin des fens & de l'imagination, pour arriver jufqu'à leur efprit; & plus les maximes qu'on doit leur enfeigner font oppofées à leurs penchans, plus il eft néceffaire de captiver leur attention, & de vaincre leur dégoût, par l'innocent attrait de l'éloquence. Je n'en dirai pas davantage fur une queftion qui a mis aux mains quelques Savans. On jugera fans peine, en lifant leurs différens ouvrages, & furtout les * lettres de M. de Sillery Evêque de Soiffons, au Père Lamy Béné

* Voyez le Livre intitulé Réflexions

fur l'Eloquence.

dictin,

dictin, que tout l'avantage dans cette difpute eft demeuré aux défenfeurs de l'éloquence, & qu'ils n'ont pas moins réuffi à la maintenir dans les chaires chrétiennes, que Dom Mabillon à conferver les études dans les cloîtres, où le Réformateur de la Trape avoit entrepris de les profcrire.

La poëfie eft une autre partie de la littérature, qui demande plus de génie que l'éloquence, mais qui n'exclut pas le travail. Il y a long-temps qu'on a dit que les Poëtes naiffent, & que les Orateurs fe forment; ce qui fignifie que la nature brille plus dans les uns, & que l'art éclate davantage dans les autres, quoique tous les efforts des Orateurs fuppofent des difpofitions, &

C

que les talens des Poëtes aient befoin d'être cultivés.

Quelle atteinte peut donner la dévotion au génie poëtique, & comment peut-elle en empêcher l'exercice? Eft-ce qu'un cœur animé des tendres & nobles fentimens que fait naître la piété, eft capable de retarder l'activité de l'efprit, & d'arrêter les élans du génie? On en peut juger par la poëfie lyrique, celle fans difficulté où il faut le plus de verve & d'enthoufiafme. L'antiquité profane n'a rien en ce genre qu'elle puiffe comparer à la pompe & à la fublimité des pfeaumes de David, & des cantiques répandus dans l'Ancien Teftament. Rouffeau, qui manquoit à la France pour difputer aux Grecs & aux Romains la gloire du

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