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côté & c'eft celui dont il époufe la caufe. S'il confent enfin à quelque accommodement, c'est à des conditions accablantes pour fon adverfaire. On a beau lui représenter qu'il traite une affaire litigieufe, que les raifons qu'il fait valoir font combattues par d'autres également fortes, que les plus longues conteftations, loin de ramener la lumière, n'ont fait qu'augmenter les ténèbres, & 'il faut partager à proportion de l'incertitude ce qui ne peut être ou entièrement accordé ou entièrement refufé, il méprife des représentations fi juftes, réfolu à tout perdre ou à tout gagner.

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Ce défaut, qui eft diametralement oppofé à l'efprit des affaires, n'eft pas celui de la

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dévotion, telle au moins que je l'ai toûjours fuppofée, c'eftà-dire, fidèle à fes propres maximes. Il ne faut que jeter les yeux fur les caractères que faint Paul donne à la charité chrétienne, On verra qu'elle n'eft attachée ni à fes intérêts perfonnels, ni à fes fentimens particuliers; que pour ce qui la concerne elle-même, elle eft pluftôt prête à relâcher une partie de fes droits, qu'à exiger avec trop de vivacité ce qui ne lui eft pas incontestablement acquis; & que dans les affaires qui lui font étrangères, elle

* Charitas patiens eft, benigna eft. Charitas non amulatur, non agit perperam, non inflatur, non eft ambitiofa, non quarit qua fua funt, non irritatur, c. I. Cor. 13.

ne prétend pas dominer fur les efprits, ou rendre par fon opiniâtreté les divifions immortelles. Douce & modefte, elle travaille au contraire à réunir les cœurs & à concilier les différents. Ne trouve-t-elle pas après un examen impartial, des motifs qui puiffent fervir de fondement à une décifion rigoureufe, ce feroit alors une injuftice que de juger ou de voufoir être jugé ainfi. Des tempéramens qui rempliffent à l'égard de toutes les parties intéreffées l'étendue de leurs droits apparens, font feuls conformes à l'équité, & la devotion fe contrediroit elle-même, fi elle s'obstinoit à les rejeter.

Mais il n'eft point d'affaires où l'efprit liant & la dextérité foient plus néceffaires & plus

utiles que celles où les grandes difficultés naiffent de la difpofition de ceux qui les traitent. On a bien tôt appris par l'ufage des affaires, qu'elles font ordinairement moins difficiles en elles-mêmes, que par les circonftances qu'on y mêle. Si elles ont été précédées par l'union ou par l'indifférence, elles traînent à leur fuite l'aigreur, & même la haine. La contrariété des intérêts refroidit d'abord des amis, ou indifpofe des perfonnes qui ne fe connoiffoient pas. Il échappe des paroles piquantes qu'on ne manque jamais, ou par une malignité secrette, ou par un attachement mal entendu, de redire à ceux qui devroient les ignorer. Défigurées par d'infidèles rapports, ou par une imagination

échauffée, elles paroiffent encore plus injurieufes. Si l'on fe rencontre naturellement, ou fi l'on fe cherche pour s'éclaircir, la préfence réveille l'animofité, l'éclairciffement dégénère en querelle, & l'on fe fépare plus brouillés qu'on ne l'étoit avant que de fe voir. Les procédés fuivent de près les difcours. On ne se menage plus, & l'on trouve dans les difcuffions qu'on a ensemble des occafions continuelles de fe procurer des chagrins & des dégoûts réciproques.

Dans cette fituation, une, affaire fimple en elle-même, devient difficile & fouvent compliquée. Le fond fur lequel la difpute a commencé, n'eft plus l'unique ou même le principal objet les incidens fur

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