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quel mépris & quelle indignation ne conçoivent-ils pas contre l'impofteur, & combien lui font-ils payer chèrement le triomphe paffager qu'il a remporté fur leur bonne foi ? La vérité, qui eft le lien du commerce que les hommes ont ensemble, doit regner dans les affaires, plus encore que dans les autres fujets de leurs converfations. C'eft fouvent l'unique moyen d'achever heureufement une bonne affaire, ou de fe tirer d'une mauvaife. On n'a vû perfonne fe repentir d'avoir dit la vérité, quand il a dû la dire. On a vû bien des gens fe perdre par la diffimufation & le menfonge.

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Il n'eft pas moins faux qu'en entrant dans les affaires il faille s'endurcir contre les remords

mords d'une confcience trop délicate fur les règles de la juftice. Voudroit-on fe perfuader à foi-même que l'univers n'eft qu'une vafte forêt peuplée de brigands, & que dans l'espèce des hommes le plus fage eft celui qui vole avec plus d'habileté, & qui fait mieux mettre fes larcins à couvert? Trifte peinture que font quelques efprits dangereux de ce monde qu'ils habitent, de l'humanité dont ils font partie, & qui décèle en eux les difpofitions dont ils croient tous les autres hommes coupables. Ne leur envions pas une politique fondée fur de tels principes. Elle réuffit fouvent, je l'avoue, & Dieu le permet ainfi pour nous détacher de ce monde, où la vertu ni le vice ne font pas A a

toûjours dans leur place naturelle, & pour nous rappeler par la vue de ce défordre à la pensée d'une autre vie, où les droits de la justice font exercés dans toute leur étendue. Toutefois c'eût été pour les juftes même une tentation trop forte que la profpérité continuelle des méchans: Dieu les humilie quelquefois & les écrafe aux yeux de l'univers. Il confond leurs deffeins ambitieux, il déconcerte les mefures de la politique la plus rafinée pour un Cromwel auffi heureux qu'habile fcélérat, on en compte une infinité d'autres, ou renversés au milieu de leur course, ou précipités avec ignominie du faîte des gran

deurs.

&

La vraie prudence eft celle

qui ne forme d'abord que des projets légitimes, & n'adopte enfuite pour leur exécution que des moyens qui ne faffent pas rougir la vertu. Le mal ne ceffe pas d'être ce qu'il eft, parce qu'il conduit au bien; & il faut avoir l'efprit très-refferré, ou l'ame fort corrompue, pour s'applaudir d'un fuccès qu'on ne doit qu'à l'injustice ou à d'autres voies également criminelles. Il y a, dit-on, des. affaires qu'il eft impoffible de terminer, fi l'on s'attache littéralement à la loi. Elles font juftes néanmoins. Une délicateffe qui fait renoncer à de fi grands avantages, n'est-elle pas exceffive?

Ainfi raisonnent des hommes qui n'ont que des vûes courtes & de fauffes idées fur la pureté

de la morale. Mais un cœur folidement vertueux met à la tête de toutes fes démarches la réfolution invariable de refpecter, non feulement la loi, mais encore les bienféances. Tout ce

qui eft mauvais par foi-même, tout ce qui eft bas, indécent & honteux, n'eft plus un moyen pour lui. Il ne connoît d'autres expédiens que ceux qui puiffent être avoués par l'honneur & par la confcience. Un efprit fupérieur trouve plus aifément qu'on ne fe l'imagine de pareils expédiens. Ils ne ne font pas fi rares quand on fait les chercher, ni fi foibles quand on fait s'en fervir. C'est l'ignorance, comme je l'ai déjà remarqué, c'eft auffi la pareffe, qui fait choifir dans les affaires les moyens illicites, parce qu'ils fe

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