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préfentent les premiers, & que P'ufage en eft ordinairement plus facile. Si la dévotion les rejette, ce n'eft pas par défaut de lumières. Elle peut les connoître, & lorfqu'elle eft jointe à l'intelligence, elle les connoît auffi-bien que ceux qui ne craignent pas de les employer; mais elle aime mieux, s'il le faut, faire un plus long circuit, que de marcher dans des voies que le crime a frayées. Elle s'ouvre des routes qu'un zèle moins ardent & moins éclairé que le fien jugeroit impraticables; & fi elle n'apperçoit enfin, pour atteindre le terme, que des fentiers qui lui foient interdits, elle fait gloire de s'arrêter, ou de reculer en arrière.

Tout ce que prouve le raifonnement de nos adverfaires,

c'eft qu'il faut favoir, en fe mêlant des affaires, difcerner avec exactitude ce qui eft réellement mauvais. S'embarraffer dans de vains fcrupules, s'effaroucher d'une fimple apparence, & fans vouloir aller plus avant, abandonner une affaire intéreffante c'eft un défaut oppofé à l'efprit des affaires; mais ce n'eft pas celui de la véritable dévotion. Des dévots foit parce peuvent l'avoir qu'ils manquent des connoiffances néceffaires, foit parce qu'ils font d'un efprit chancelant & irréfolu. Ceux-là doivent être exclus du maniement des affaires. Mais il en eft d'autres qui fans céder aux premiers en délicateffe de confcience font plus fermes & plus décififs. Ils appliquent avec jufteffe les

règles qu'ils ont parfaitement étudiées. Ils ne s'alarment pas fans fondement; ils creufent, ils approfondiffent une affaire, avant que de décider qu'elle eft mauvaise en elle-même, ou que les moyens qu'on propofe pour la terminer, font vicieux. S'ils la jugent bonne, ils la retournent en mille manières pour découvrir quelque voie légitime qui en procure le fuccès, & ils ne renoncent à un projet falutaire, que dans l'impuiffance & le défefpoir de l'exécuter fans donner atteinte à des loix inviolables.

Eft-ce donc là cette puérile timidité, cette indécifion dangereufe, cet attachement opiniâtre à fes fentimens, dont on accufe la dévotion? L'étendue & la fupériorité de l'efprit, la

droiture du jugement, la profondeur du favoir, préviennent ou corrigent ces défauts, & ce n'eft pas à la dévotion qu'il faut s'en prendre, fi toutes ces qualités ne fe rencontrent dans plufieurs dévots. Il fuffit à fa juftification, qu'elle ne les détruife pas, qu'elle n'en empêche pas l'ufage; & il ne manque rien à fa gloire, pourvû qu'en fuppofant les talens dont il ne lui appartient pas d'enrichir l'efprit, elle mette dans le coeur toutes les difpofitions qu'on peut defirer pour entreprendre, pour foûtenir, pour achever heureusement les plus grandes affaires.

L'ESPRIT

L'

L'ESPRIT

DE SOCIÉTÉ..

'ESPRIT de fociété n'eft pas comparable à tous les genres d'efprit dont nous avons parlé jufqu'à préfent. Quelle différence entre les talens d'exceller dans la littérature, dans les fciences, dans le gouvernement, dans les affaires, & le talent de plaire par la converfation! Celui-ci n'eft bon que pour quelques momens : il ne paffe pas les bornes des fociétés où l'on vit; hors de ce cercle, qui ne peut jamais être fort étendu, il ne fait qu'une médiocre fenfation; & fi l'on compte pour quelque chofe la B b

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