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voir tous les refforts qui ébranlent l'imagination fans révolter la raifon. Dans ce fyftème la dévotion n'eft pas un obftacle à la compofition d'un poëme épique. Elle peut traiter des fujets tels qu'ils font indiqués dans cette differtation, Clovis, les Croifades, la Pucelle d'Orléans; & pour en faire des poëmes comparables à l'Iliade & à l'Énéide, il ne lui faut les talens d'Homère & de

que

Virgile.

Que dirons-nous du poëme dramatique, qui tient un rang fi diftingué parmi les productions de l'efprit? Faudra-t-il auffi le réconcilier avec la dévotion? Et pour ne pas enlever à un Auteur chrétien l'avantage de pouvoir exceller dans la tragédie ou dans la comédie,

révoquera-t-on tous les anathèmes prononcés contre le théatre? Non; ces anathèmes fubfifteront toûjours. Les vrais Chrétiens ne cefferont de les refpecter, & la morale de l'Évangile réclamera éternellement contre la poffeffion dont le théatre cherche à fe prévaloir. Mais fi la dévotion détefte les abus des affemblées & des représentations théatrales, elle n'a pas la même horreur pour le poëme dramatique, qui peut être, à le confidérer en luimême, de quelque utilité pour

les mœurs.

Ce que la tragédie a de plus effentiel, c'eft d'exciter la terreur & la pitié. Ces deux fentimens n'ont rien de vicieux. Ils font même louables lorsqu'un Auteur tragique a soin de n'in

téreffer les efprits qu'en faveur de la vertu, & de les effrayer par le châtiment du crime. Mais il faut que l'amour ne paroiffe pas dans fon poëme, & que l'ambition & la vengeance n'y foient pas repréfentées comme les paffions des grandes ames. Nos plus fameux Poëtes, & Corneille luimême ont échoué contre le premier de ces deux écueils, & s'ils ont donné lieu aux Prédicateurs de l'Évangile de s'élever avec plus de force contre un théatre où des maximes fi funeftes étoient débitées, & où l'on offroit aux yeux des peintures fi dangereuses, ils fe font écartés en même temps de l'exemple des Grecs, qui ont fait d'admirables tragédies, fans y mêler de l'amour. Il eft certain néanmoins qu'à n'envisager que le

but de la tragédie, l'amour exempt des foibleffes que Racine s'eft trop plû à décrire, pourroit y entrer quelquefois. Mais c'eft ici véritablement que la dévotion n'eft pas d'accord avec les règles du poëme dramatique. Elles admettent l'amour, lorfqu'il peut produire les effets qu'on attend de la tragédie, je veux dire, la terreur & la pitié. La dévotion, dont la première règle eft de mettre les mœurs en sûreté, retranche abfolument l'amour des pièces dramatiques, quand même il ne feroit ni fade ni doucereux.

Il n'en eft

pas de cette paffion comme de toutes les autres qui peuvent être guéries par un tableau fidèle des fureurs qui les accompagnent, & des maux

dont elles font fuivies. Ainfi la faine morale permet d'introduire fur la fcène des perfonnages orgueilleux, perfides, cruels, pourvû qu'ils foient d'abord repréfentés avec des traits qui les faffent haïr, que cette haine, foûtenue jufqu'à la fin de l'action, ferve toûjours de correctifaux maximes perverfes qu'on eft obligé de mettre dans leur bouche pour conferver leur caractère, qu'on y joigne encore un correctif plus puiffant dans le contraste des perfonnes vertueufes qui attirent feules tous les vœux & toute l'admiration, & que la catastrophe, favorable à l'innocence, malheureuse pour le vice, confole enfin les efprits des inquiétudes qu'ils ont eues fur le fort de l'une, & de l'indignation qu'ils avoient con

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