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nos vœux & de nos recherches, dès qu'elle auroit ceffé de mériter notre eftime; & puifqu'il faut l'acquérir par de pénibles travaux, qui voudroit acheter à ce prix l'opprobre & l'aviliffement?

Les hommes dégradent ce qu'ils méprifent, jufque dans les noms qu'ils lui donnent. La fcience eft pédanterie, pour les partifans de l'ignorance; la philofophie qui aime le loifir d'une vie folitaire, eft mifanthropie, pour les perfonnes livrées fans réferve aux plaifirs, aux affaires, au commerce du monde; & la piété, pour les ennemis, n'eft que dévotion. Qu'entendent-ils par ce terme, & quelle idée fe forment-ils des Dévots? Ils leur reprochent des vices dans le cœur, & des

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défauts dans l'efprit. J'abandonne aux Prédicateurs l'examen du premier de ces reproches, & la réfutation des vaines conféquences qu'on tire contre la piété chrétienne des foibleffes, vraies ou prétendues, de ceux qui portent le nom de Dévots. Je me renferme dans les défauts de l'efprit; & en adoptant le langage du monde, j'entreprens de venger la dévotion de l'injufte mépris de fes cenfeurs.

L'efprit tient le premier rang parmi les dons de la nature. Il n'en eft point dont la poffeffion flatte plus agréablement l'amour propre, ni dont la privation fût plus humiliante pour lui. L'amour propre pouvoit renoncer de bonne foi à toute

prétention fur les avantages de

l'efprit. C'est par une fuite de cette admiration pour l'efprit, dans laquelle il y a fans doute beaucoup d'excès, que les ennemis de la dévotion ont crû la rendre fouverainement méprifable, en l'accufant de rétrécir, d'abaiffer & d'éteindre même l'efprit. Pour juger de cette accufation, & pour traiter auffi cette matière avec ordre, il faut parcourir fucceffivement les différentes efpèces d'efprit. Il n'en eft aucune où la dévotion, fi l'on écoute nos adverfaires, n'ait des torts effentiels. Quand on voudroit les leur avouer, leur dégoût pour elle en feroit-il mieux fondé ? Il fuffit à la dévotion de marquer à l'homme fes devoirs, de le rapprocher de Dieu, de lui frayer le chemin du véritable

bonheur. Avec de telles prérogatives elle peut fe paffer de toutes les autres. Mais il eft difficile de fe perfuader que des talens émanés de Dieu foient incompatibles avec le plus précieux de tous fes bienfaits. Examinons donc fi la dévotion est

oppofée à l'efprit des belles lettres, à l'efprit des fciences, à l'efprit de gouvernement, à l'efprit des affaires, à l'efprit de fociété. Juftifier la dévotion fur tous ces points, c'eft, fi je ne me trompe, la réconcilier parfaitement avec l'efprit.

L'ESPRIT

DES BELLES LETTRES.

L

Es cenfeurs les plus outrés de la dévotion ne refusent pas apparemment à tous les Dévots des talens naturels pour les belles lettres. Ils ne leur conteftent que l'ufage & l'application de ces talens. Ils foûtiennent que la dévotion, dans un homme qui s'affujétit fcrupuleufement à fes loix, amortit le feu du génie, émouffe la pointe de l'efprit, enchaîne l'imagination. Et de cet état d'engourdiffement, où ils fuppofent qu'un Dévot fe réduit lui-même, ils concluent que les talens qu'il peut avoir pour les

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