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berie, mais la prévention, de quelque efpèce qu'elle foit, la baffe adulation, l'aigreur envenimée, la négligence à s'inftruire des faits, la précipitation dans les jugemens. Si un Hiftorien peut fe préserver de tous ces défauts, c'eft par les principes de la piété. Elle le met au deffus de tous les motifs qui pourroient affoiblir en lui l'amour de la vérité. Sans efpérance, comme fans crainte, il ne fait point prodiguer fes louanges à des perfonnes ou à des actions qui ne les méritent pas. Sans partialité, il rend une égale juftice à tous ceux dont il fait mention. Sans oftentation, il préfere un récit fimple, mais vrai, à une narration plus vive & plus intéreffante, mais fauffe ou même douteuse. Sans amer

tume, il ne diffimule pas les vices & les crimes publics, mais il n'en parle que lorfque la néceffité l'exige, & il n'ajoûte ni conjectures hardies, ni réflexions malignes, ni déclamations emportées, à ce que racontent des Auteurs contemporains & dignes de foi. Quelle histoire plus fincère & plus véritable que celle qui eft écrite dans des vûes fi pures & avec des difpofitions fi chrétiennes !

On dira fans doute que la dévotion fait commettre des fautes très-importantes contre l'exactitude & la fidélité de l'hiftoire. La dévotion eft crédule, & adopte fans beaucoup d'examen les faits miraculeux.

Son attachement pour l'Églife catholique, groffit à fes yeux le mérite & les vertus de tous

ceux qui l'ont défendue; & fa haine pour l'héréfie ne lui laiffe appercevoir que des défauts, fans aucune qualité eftimable, dans les hérétiques & dans leurs adhérans. Trompée la première, elle travaille à féduire fes lecteurs, & fe flatte de rendre un fervice à Dieu, en perpétuant dans la postérité les erreurs dont elle eft préoccupée.

Nier ces erreurs, ou s'opiniâtrer à les foûtenir, ce feroit mériter le reproche qu'on fait à la dévotion. Il n'eft que trop vrai qu'un zèle dépourvû de fcience ou de jugement, mêlé des imperfections que la piété ne détruit pas toûjours, a rempli plufieurs de nos hiftoires de fables abfurdes, d'imputations hafardées, d'éloges faux ou exagerés. Mais les Écrivains

qui font tombés dans ces défauts, n'ont pas moins péché contre les loix de la dévotion que contre celles de l'hiftoire.

La vraie piété, pleine de respect pour les miracles, ne les raconte qu'après s'en être affurée par d'exactes recherches, de crainte que le mélange des prodiges faux ou incertains ne faffe douter des véritables. Elle garde un jufte milieu entre la crédulité outrée & la critique téméraire, ne voulant point éblouir des lecteurs ignorans par un merveilleux où la vrai-femblance & la vérité manquent, ni s'attirer l'eftime des prétendus efprits forts par fa hardieffe à révoquer en doute les miracles les mieux atteftés.

Nos Hiftoriens auroient la même équité dans les portraits E uj

qu'ils tracent des ennemis & des défenfeurs de l'Églife, fila véritable piété conduifoit toûjours leur pinceau. Ils comprendroient alors qu'une partialité manifefte bleffe la justice, contredit la vérité, nuit à leur caufe auprès des lecteurs judicieux. Il faut favoir avouer les torts de ceux qui ont fervi l'Églife. Il faut auffi reconnoître les vertus morales & les talens diftingués de ceux qui ont eu le malheur de la combattre ; non qu'un Hiftorien, pour acquérir la confiance du public, doive affecter une coupable neutralité entre l'Églife & les fectes fchifmatiques, entre l'erreur & la foi. Qu'il déclare d'abord fa créance; il y obligé. Mais qu'après cette déclaration précise fur le dogme,

eft

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