Imágenes de páginas
PDF
EPUB

il tienne, en parlant des perfonnes, la balance fi droite, que la vérité feule la faffe pencher, & jamais l'intérêt de fon parti. Malgré cette modération il n'évitera pas la cenfure des lecteurs prévenus, qui ne pourront lui pardonner ni fon averfion pour leur doctrine, ni la fincérité avec laquelle il en aura peint les inventeurs & les principaux partifans. Il déplaira peut-être par le même côté à des Catholiques vainement fcrupuleux, qui ne connoiffent ni les loix de l'histoire, ni les véritables intérêts de la religion. Les fuffrages qu'il obtiendra le dédommageront d'une approbation qu'il n'eût pû mériter qu'aux dépens de la foi qu'il profeffe comme catholique, ou de l'intégrité qu'on lui demande

comme hiftorien. Il aura du moins pour lui le témoignage de fa confcience, fupérieur à tous les jugemens des hommes, & la fatisfaction de n'avoir employé que la vérité en faveur d'une religion implacable ennemie du menfonge.

Il ne faut pas quitter le genre hiftorique fans dire un mot des romans, qui racontent comme l'hiftoire, mais qui ne racontent que des fictions. Le feul défaut de vérité dans les faits ne rendroit pas ces ouvrages odieux à la dévotion. Rien de plus innocent que de fuppofer; pour l'inftruction des hommes, des perfonnages qui n'ont jamais exifté, ou de prêter, dans la même vûe, des avantures imaginaires à des perfonnages réels. Je ne dirai pas, comme

quelques-uns l'ont crû, que Moïfe a donné un exemple de ce genre d'inftruction dans le livre de Job, dont il n'a inventé le nom & décrit les fouffrances que pour confoler les Ifraëlites errans dans le défert. C'est une opinion condamnable par fa témérité, & manifeftement contraire à différens textes de l'Écriture. Mais l'on fait d'ailleurs

que les fictions & les paraboles

étoient familières aux Orientaux, qu'elles étoient furtout en ufage chez le peuple Juif, & c'eft fans doute une des raifons qui engagea Jefus-Chrift à fe fervir de cette voie pour enfeigner fes plus importantes vérités. Les exemples inftruifent mieux que les préceptes; & comme l'hiftoire ne fournit pas toûjours les modelles qu'on

voudroit représenter, il eft permis, il est même très-utile de faire des portraits d'imagination lorfqu'on ne peut pas peindre d'après nature.

Des fictions qui ne peuvent tromper perfonne, font exemptes de menfonge, & ce n'eft pas auffi le reproche que la dévotion fait aux romans. Elle cenfure dans ce ouvrages des vices plus réels & plus pernicieux. Elle ne peut fouffrir qu'on s'attache à des lectures qui n'apprennent rien de folide, & qui ne fervent qu'à infpirer de criminelles paffions, ou à remplir dans une vie oifive les vuides que laiffent les plaifirs. L'amour eft pour elle un objet d'horreur dans la tragédie; elle n'a garde de l'approuver dans les romans, qui fans avoir les

beautés de quelques-uns des poëmes tragiques où regne la tendreffe, font encore plus dangereux pour les mœurs.

Mais en profcrivant les romans la dévotion fait-elle quelque tort à la république des lettres? Elle lui rendroit au contraire un service effentiel, fi elle avoit affez de pouvoir fur les hommes pour les défabufer de ces méprifables ouvrages. Le bon goût y gagneroit autant que la pureté des mœurs. Les vrais amateurs des lettres verroient avec plaifir tomber de frivoles productions qui ne fuppofent dans leurs auteurs ni génie ni favoir, & qui tiennent lieu, pour plufieurs de ceux qui les lifent, de lectures plus intéreffantes. On fait le jugement févère que Boileau, par les feuls principes de la criti

« AnteriorContinuar »