Lorfqu'un efprit accoûtumé à la certitude & à la clarté des mathématiques, paffe à l'étude de la religion chrétienne, il trouve un pays tout différent de celui qu'il vient de quitter. Ici on ne fait aucun pas que guidé par une lumière éclatante, là au contraire on marche dans les ténèbres; ici on ne rencontre point de contradictions, là on eft fouvent arrêté par les difficultés inféparables des myftères, & par celles que fuggère l'incrédulité. Dans les mathématiques on ne propofe de recevoir que ce qui eft évident par foi-même, ou évidemment prouvé; dans la religion on oblige de croire ce qu'on ne peut concevoir. Comment accorder des méthodes fi oppofées? Comment une fcience qui

donne tout au fraifonnement, peut-elle n'être pas fufpecte à la dévotion, dont la règle inviolable eft de fe foûmettre à l'autorité ?

eft

La dévotion feroit fans doute alarmée d'une méthode qui youdroit traiter les dogmes de la foi comme les théorèmes de géometrie, qui n'admettroit d'autre certitude que celle des mathématiques, & qui rejetteroit fans autre examen tout ce qui incompréhenfible à la raison. Mais qu'on diftingue les objets, & qu'on faffe de chaque méthode l'usage qui convient féparément à l'une & à l'autre, la religion & les mathématiques fe réuniront aifément, & la dévotion n'aura plus d'ombrages fur cette fcience. Il y auroit de la folie à vouloir douter

de tout ce qui n'eft pas géometriquement démontré. La fociété fe détruiroit, fi l'on ne fe contentoit pas en mille occafions de l'évidence morale auffi perfuafive dans fon genre, auffi éloignée du faux, que l'évidence géométrique. Un Mathématicien judicieux fait en quoi ces deux évidences different, les met chacune dans leur place naturelle, & ne se tient pas plus affuré que les trois angles d'un triangle font égaux à deux droits, que de l'existence de Rome, quoique ces deux vérités ne foient pas appuyées fur la même efpèce de preuves.

Ce Mathématicien ne fera point furpris de ne pas trouver dans l'étude de la religion la certitude & la clarté des ma-. thématiques. Il ne l'y cherche

pas,

& parce qu'elle y manque, il n'en a pas moins de refpect & d'attachement pour la foi. S'il a toûjours été conduit, en étudiant la fcience qu'il aimoit, par une lumière éclatante, il marche fans inquiétude à la clarté fombre, mais infaillible, du flambeau de la révélation; & des ténèbres qui doivent être diffipées par la lumière de l'ef fence divine, lui font plus précieuses que l'évidence de quelques vérités naturelles qui ne peuvent le rendre heureux. Il n'avoit point dans les mathématiques d'objection à réfoudre; mais les difficultés des mystères, & celles que forment les incrédules, ne l'abattent pas. Il voit clairement la fource de ces difficultés dans les bornes de la raison, dans le dérèglement

du cœur, & il ne conclut rien contre une religion auffi fublime dans fes dogmes, auffi rigide dans fa morale que le chriftianifme, de l'acquiefcement univerfel qu'on donne à des vérités proportionnées à notre intelligence, & que perfonne n'a intérêt de combattre. Il a d'ailleurs une réponse générale à toutes ces difficultés dans l'autorité de Dieu, qui a parlé. Il ne lui en faut pas davantage pour méprifer les objections des incrédules, quoiqu'il ne puiffe pas toûjours en démontrer pofitivement la foibleffe.

Il n'eft pas plus rebuté de l'obligation que lui impofe la foi chrétienne de croire ce qu'il ne conçoit pas. Il eût fans doute rejeté avec dédain cette loi impérieuse, fi elle fût éma