Imágenes de páginas
PDF
EPUB

ner ce morceau dans un Ouvrage qu'il méditoit fur la fcience de l'Infini.

M. Leibnis promettoit volontiers des Ouvrages. Il avoit affez de facilité de génie pour en concevoir l'idée, & pour en former même, comme d'un premier coup d'œil, tout le plan général dans sa tête. C'est dommage qu'il n'ait eû le tems d'en executer peut-être aucun hors fa Theodicée qui n'eft pas ce qu'il pouvoit faire de mieux. Mais, fans parler des autres projets de M. Leibnis, on peut douter fi celui dont il s'agit ici, étoit mûr pour le tems auquel il le promettoit, & où M. de l'Hôpital avoit voulu l'entreprendre.

Le Calcul differentiel étoit facile à éclaircir, ou même affez éclairci dès ce tems-là. Il ne contient en foi aucune vraye difficulté. Il eft comme lineaire & du premier ordre des Problémes, n'atteignant qu'aux premieres affections exterieures & lineaires des Courbes, aux tangentes, fous-tangentes, perpendiculaires, fousperpendiculaires, diametres, axes, afymptotes, dévelopées, points fimples ou doubles, de courbure, d'in flexion, de reflexion, en un mot, aux modifications des circonferences exterieures. Ce calcul même eft abfolument fini, les Infiniment Petits s'y détruifant à cause de l'expreffion relative & fractionnaire dx: dy qui eft une grandeur finie.

Le principe très-fimple de ce calcul va à tout, & fa regle unique n'a point d'exception, & n'est arrêtée dans la differentiation, ni par les fractions, ni par les complexes, ni par les radicaux. D'ailleurs divers Auteurs, particulierement MM. Bernoulli avoient

suffisament remanié cette partie, qui étoit à propre ment parler la partie de M. Leibnis, fans oublier M. de Fermat, premier calculateur des Infiniment Petits, la partie, en un mot, des François, des Allemands, & de tout le continent de l'Europe.

Mais le Calcul integral, dont la difficulté monte au Second dégré des Problêmes, aux quadratures, aux recti fications, aux cubacures, à caufe de fon expreffion radicalement infinitefimale ydx ou &c. étoit comme la partie propre de M. Newton, & de cette nation célebre qui femble former elle seule un continent à part dans le monde litteraire, comme dans le monde géographique, & peut-être auffi dans le civil & dans le politique.

Ce n'eft pas qu'il n'eut tranfpiré quelque lueur de ce calcul reciproque des fluxions. MM. Leibnis, Bernoulli, de l'Hôpital pouvoient bien, fans le fe cours d'aucun autre, en avoir faifi les premieres opérations, & pour le moins la regle inverse du retour d'une differentielle à fon integrale. Mais le grand Nevvton gardoit bien des chofes in petto, comme le difoit M. Leibnis à propos d'autre chofe. Ce que ce profond Géometre en avoit déja donné au public étoit peu acceffible. A peine avoit-on bien l'idée de ce qu'on qualifioit fans ceffe de nouvelles Methodes, de fcience de l'Infini, de Calcul infinitefimal, de Géome

trie interieure.

Ce ne furent guéres que les difputes élevées il y a environ 20 années entre MM. Leibnis & Nevvton, & prefqu'entre les deux continens Rivaux, qui nous valurent la notion précise & déformais immuable,

[ocr errors]

des nouveaux calculs. Il fallut que le grand Nevvton parlât lui-même pour nous dire que sa Méthode avoit inféparablement deux branches, dont la Méthode de M. Leibnis, qui en convint, étoit fous le nom d'Analyse des Infiniment Petits, la moins confiderable, & dont l'Analyfe des Series étoit l'autre grande moitié.

Et cela est tout d'un coup évident pour quiconque fçait que le calcul integral même ne va pas fans le fecours de ces Series, & que la plupart des quadratures & des Problêmes du fecond ordre, envelopant des radicaux complexes, il faut, avant que de leur appliquer aucune regle d'integration ou de refolution, les développer en Series infinies.

C'étoit donc aux Anglois d'executer la feconde Partie de l'Ouvrage de M. de l'Hôpital, & c'est précifément ce que vient de faire le merveilleux M. Stone, dans l'Ouvrage dont on donne ici la traduction. Cet Auteur, l'admiration de l'Angleterre même, commence d'être connu en France par l'Extrait que les Mémoires de Trevoux donnerent de fon Livre en 1732, Janvier, page 103, & par la Lettte de M. le Chevalier de R. au P. C. inferée à la page 109 de ces Mémoires à la fuite de l'Extrait.

Comme c'est cette Lettre & cet Extrait qui ont fait fouhaiter au public la Traduction de l'Ouvrage Anglois, & que l'Hiftoire de M. Stone eft finguliere, on rapportera ici la Lettre de M. de R. telle qu'elle a paru dans les Mémoires cités.

Lettre de M. le Chev. de Ramfay Membre de la Societé Royale d'Angleterre, au P. Caftel Membre de la

[ocr errors]
[ocr errors]

même Societé.

» Le véritable genie furmonte tous les defavantage de la fortune, de la naiffance, de l'éduca» tion; M. Stone en eft un rare exemple : né fils du Jardinier du Duc d'Argyle,il parvint à l'âge de i 8 » ans, fans fçavoir lire; fon pere ne fçavoit pas lui apprendre fon métier de cette maniere élevée qui rend le jardinage & l'agriculture une partie très-utile & très-noble de la Cosmographie & de la Phyfique.

دو

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

» Par hazard, un domeftique ayant appris au jeune Stone les lettres de l'Alphabet, il n'en falluc pas davantage pour faire éclore fon génie & pour le developper. Il s'appliqua lui-même, il étudia, il parvint aux connoiffances de la plus fublime Géometrie, & du calcul, fans maître, fans con» ducteur, fans autre guide que le pur génie.

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

A l'âge de 28 ans il avoit fait tous ces progrès fans être connû, & fans connoître lui-même les prodiges qui fe paffoient en lui.

"

Mylord Duc d'Argyle, qui joint à toutes les " vertus militaires, & à tous les fentimens d'un He»ros, une connoiffance universelle de tout ce qui " peut orner & perfectionner l'efprit d'un homme de fon rang, fe promenant un jour dans son jardin, vit fur l'herbe le fameux Livre du Chevalier Nevv» ton en Latin. Il appella quelqu'un pour le ramaf

39

"

fer & le reporter dans fa Bibliotheque.

[ocr errors]

Le jeune Jardinier lui dit que ce Livre lui appartenoit: A vous, répondit le Mylord: Entendez» vous la Géometrie, le Latin, M. Newton ? J'entends » un peu de tout cela, repliqua Stone avec un air de fimplicité fondé sur l'ignorance profonde de ses ? propres talens, & de l'excès de fon fçavoir.

[ocr errors]
[ocr errors]

Mylord Duc fut très-furpris: mais comme il a » te goût des sciences, il daigna entrer en conver» fation avec le nouveau Géometre: il lui fit plufieurs questions, & demeura étonné de la force, de la jufteffe, & de la candeur de fes réponses.

[ocr errors]
[ocr errors]

"

Mais comment, dit le Mylord, és tu parvenu à » toutes ces connoissances? L'autre répond : Un domemestique m'apprit, il y a dix ans, à lire : At-on befoin de fçavoir autre chofe que les 2 4 letttres pour apprendre » tout ce que l'on veut ? La curiofité du Duc redouble; il foupçonne que les démarches de ce genie merveilleux étoient encore plus furprenantes que fes progrès; il s'affeoit fur un banc, & lui demande le détail de tout ce qu'il a fait pour devenir ha» bile.

[ocr errors]

"

[ocr errors]
[ocr errors]

J'appris d'abord à lire, dit Stone, les Maffons travailloient alors à votre maison: je m'approchai d'eux un jour, & je vis que l'Architecte ufoit d'une regle, d'un » compas, & qu'il calculoit. Je demandai ce qu'il faifoit» là, & à quoi tout cela étoit bons & je compris qu'il » y avoit une fcience que l'on appelloit Arithmetique : j'a» chetai un Livre d'Arithmetique, & je l'appris.

دو

On m'avoit dit qu'il y en avoit une autre appellée Géometrie: jachetai des Livres, & j'appris la Géometrie.

» Je

« AnteriorContinuar »