Imágenes de páginas
PDF
EPUB

M. Leibnis, l'enfance n'étant en aucun genre l'âge de rien enfanter, & ne pouvant jamais, quelque nourriture qu'elle prenne, s'élever au-deffus de fa fubftance. Mais à ce témoignage clair & propre bien prononcé de M. Leibnis, nous ajoûterons le procedé précis & géometrique de M. Nevvton. Il faut croire que les deux Auteurs prochains & immédiats de la nouvelle géometrie, auront connu la vraye bafe fur laquelle elle s'eft élevée, la vraye fource d'où elle a découlé.

C'est cette base, c'est cette source que ce celebre Geometre Anglois établit & constate lui-même en 11. lemmes generaux, dès la premiere section de fon premier livre des Principes Mathematiques de la Philofophie naturelle, où, fans presqu'aucun calcul, il se sert conftament de la nouvelle Geometrie pour la découverte & la démonstration de la belle & profonde fcience Phyfico-Mathematique dont il est comme le Createur.

Il donne ces lemmes fous le titre de Methode des premieres & dernieres raisons propres à démontrer toute la fuite de fon Ouvrage, de methodo rationum primarum & ultimarum, cujus ope fequentia demonftrantur. Comme cette section est toute parallele à ce que Gregoire appelle la troifiéme partie des ductus, on remarquera ce titre, tertia pars univerfales quafdam continet Propofitiones, reliquis planè fundamentales, quibus corpora ex ductibus orta inter fe comparantur. On va voir le grand rapport de ces deux titres, & qu'ils annoncent le même deffein, & le même but Géometriquement immédiat : Car Nevvton va enfuite

plus

plus loin, à un but Phyfico-Mathematique, qui eft fon unique but dans ce bel ouvrage.

Gregoire termine cette troifiéme Partie par une Scholie où il dit que fon principe ou sa théorie est très-univerfelle, & que pour éviter les répetitions & l'ennui, il a voulu y renfermer en peu de mots toute l'affaire de l'exhauftion. Theorema jam demonftratum univerfaliffimum eft... ne igitur idem difcurfus in fingulis propofitionibus labore inutili, & cum molestiá lectoris repetendus effet, placuit totum exhaustionis negotium, &c.

M. Nevvton termine de même la fection lemmatique par une fcholie, où il dit qu'il a mieux aimé donner ces lemmes pour éviter l'ennui des démonftrations ad abfurdum des Anciens : Pramifi verò bec lemmata ut effugerem tadium deducendi perplexas demonftrationes, more veterum Geometrarum, ad abfurdum. Or quelles font les démonftrations que les Anciens réduifoient à l'abfurde, fi ce n'eft celles qui regardent l'affaire de l'exhaustion? Le but préfent des deux Auteurs, eft donc d'ériger en théorie directe & génerale l'exhaustion ancienne, & ils font parfaitement paralleles dans leur titre initial, & dans leur fcholie finale. Il s'agit fur-tout de la théorie mitoyenne.

M. Nevvton déclare lui-même que la méthode qu'il a fait regner n'eft point celle des indivisibles ; parce que cette méthode eft trop dure & une pure hypothese philofophique, durior eft indivifibilium hy pothefis, & qu'elle n'eft pas affez Géometrique, & propterea methodus illa minus Geometrica cenfetur : ce qui l'a obligé de recourir aux premieres & aux dernieres

raifons des quantités naiffantes & évanoüissantes : malui demonstrationes rerum fequentium ad ultimas evanefcentium fummas & rationes, &c. Il n'eft donc plus question que de voir ce qu'il entend par ces premieres & dernieres fommes & raisons.

La méthode d'Archimede étoit une infcription & une circonscription de Poligones à l'infini, qui se confondoient enfin en derniere raifon avec la courbe. La méthode de Gregoire procede auffi par les Poligones infcrits & circonfcrits, mais par les derniers qui fe confondent avec la courbe: & M. Nevvton ne parle non plus dans fes lemmes que d'infcriptions & de circonfcriptions indefinies de Polygones confondus, ultimò, in ultimâ ratione avec la courbe. Eftil question de rien de pareil dans la méthode de Ca vallieri?

Mais les Poligones du Géometre de Syracuse font des Poligones ordinaires, infcrits par leurs angles & circonfcrits par leurs côtés, des Poligones concaves en dedans, convexes en dehors, ou dont tous les angles font faillans. Difference effentielle par où la méthode Flamande s'éleve au-deffus de la Sicilienne, ou de la Grecque qui lui fert de bafe. Les Poligones de Gregoire, tant les infcrits que les circonfcrits, ont leurs angles alternativement faillans & rentrans en forme d'échelons ou de marches d'efcalier. Trouve-t-on rien de pareil dans la méthode Italienne des indivisibles ? Mais on le trouve & précilément le même dans la méthode Angloife, & en géneral dans toute la méthode, moderne, Françoile, Allemande, Européenne en un mot.

L'œil même ne peut s'y méprendre. Qu'on envifage les figures des lemmes Nevvtoniens, fur-rout des quatre ou cinq premiers, on les verra précitément les mêmes que celles de la troifiéme partie du Ductus Gregorien. Or les Propofitions font les mêmes, les conclufions les mêmes, le raifonnement le même : Les figures infcrites & circonfcrites differant entr'elles par une fomme de plufieurs petits rectangles dans l'une & l'autre méthode, & les deux Auteurs s'attachant également à prouver que cette fomme est égale à un rectangle qui a été fait, dans la conftruction, moindre qu'une grandeur donnée, dato minus, dit l'un & l'autre Auteur.

Et de-là l'un & l'autre, multipliant les petits rectangles à l'infini, concluënt que le rectangle qui leur eft égal, & qui eft l'excès de la figure circonfcrite fur l'inferite, eft infiniment petit, nul, ou minus quam datum quodvis, dit Nevvton, ou minus quocumque dato, dit Gregoire. Et de là encore ils concluënt enfin que les trois figures, l'infcrite la circonfcrite & la courbe mitoyenne font égales, dit le Géometre Flamand, in ratione ultima @qualitatis, dit le Géometre Anglois, ou ultimo æquales.

Remarquons au refte, que quiconque liroit M. Nevvton d'un œil diftrait, ou ignorant, ou malin, & le verroit tranché par tout de rectangles infiniment minces qui rempliffent les figures infcrites & les circonfcrites, s'imagineroit facilement qu'il fuit la méthode des indivisibles, tandis qu'il nous avertit lui-même qu'il ne la fuit pas à cause de son cara&tere dur, hypothetique & peu géometrique. Mer

fenne n'a point eu d'autre raison pour croire que Gregoire avoit fuivi cette méthode. C'est ainfi que nous avons vû qu'on avoit crû le Livre des Princide M. Nevvton tout plein de calcul. Qu'il y a → pes peu de Lecteurs qui lisent dans un Livre ce qu'ils y lifent en effet : & qu'en Géometrie, fur-tout, il eft rare qu'on ait les idées précises de ce qu'on croit fçavoir le mieux, & dont on fe mêle fouvent de décider même en Auteur dogmatique!

Une remarque plus importante & plus inftructive que celle-là, c'eft que la feule forme des Poligones infcrits & circonfcrits de Gregoire de S. Vincent, cette forme d'échelons qui ne paroît rien, a été décifive pour la naiffance des nouveaux calculs, le differentiel & l'integral, & pour toutes les méthodes analytiques des tangentes, de maximis minimis, des perpendiculaires, des quadratures, des rectifications qui en dependent. Peut-être tout cela feroitil à naître encore fi la méthode en étoit reftée aux Poligones paralleles d'Archimede, qui ne different de la courbe que par des fegmens mixtilignes, ou aux fimples indivisibles de Cavallieri, dont pour cette raison précise la méthode étoit infeconde, & une pure méthode de doctrine.

Mais dès que les Polygones infcrits furent à échelons, la figure même presenta d'un côté un rectangle qui étoit l'élement de la quadrature de la courbe, ce qui donna le calcul integral, & de l'autre côté un petit triangle dont les deux côtez interieurs étoient la décompofition naturelle des côtez infiniment petits de la courbe; exprimant leur position

« AnteriorContinuar »