Imágenes de páginas
PDF
EPUB

que depuis huit jours que j'ay le bonheur de la connoître ; fon pere a toûjours été depuis & j'attendois fon retour pour

à la campagne, faire la démarche que je vais faire aujours dhuy.

CLARINE.

Соп

Mais Hortenfe devoit bien vous avertit que fa mere étoit la maîtreffe, & que pere ne fuivoit en tout que fes volontez..

LISIMON.

Comme nous n'avons pû encore nous voir qu'en fecret & rarement, les momens m'ont paru trop précieux pour les employer à autre chofe qu'à luy parler de mon amour; & de puis quatre jours que je n'ay pû jouir de cet avantage, je fuis dans des inquietudes mor telles.

CLARIN E..

Et c'eft apparemment ce qui vous a oblige aujourd'huy, Hortenfe & vous, de vous: adreffer à moy: Vous en aviez befoin, entre nous car depuis quatre jours, les chofes ont bien changé de face. Hortenfe qui n'avoit qu'un bien mediocre, a tout d'un coup reçû. une augmentation de dot de cent mille écus de la part d'un Oncle qui a fait fortune aux Indes.

LISIMON.

J'en avois déja entendu parler,

CLARINE.

Ouy, mais vous ne fçavez pas que fur

cette nouvelle, il fe prefente aujourd'huy des Epoufeurs en foule; & qu'il ne vous fera plus fi aifé à prefent d'obtenir Hortenfe, que lorfque vous étiez plus riche qu'elle.

LISIMON.

Mais Clarine, on m'a affûré que Philandre fon pere, arrivoit ce matin de la campagne. Si je prévenois mes rivaux en m'offrant à luy à fon arrivée ?

CLARINE

Et de quoy cela vous avanceroit-il? Il vous accepteroit d'abord pour gendre, comme il feroit cent autres qui fe prefenteroient. Oh je vois bien que vous ne connoiffez pas le caractere de mon maître. Sa Philofophie, ou plûtôt fa folie eft de vouloir ne fe chagriner de rien, & d'éviter toutes les occafions de chagriner les autres; & ce n'eft pas fans raifon qu'on l'appelle l'Amy de tout le monde LISIMON.

Ce n'eft pas un grand défaut que cette bond té d'ame.

CLARINE

Ouy, s'il n'outroit pas les chofes, & fi dans la crainte qu'il a de déplaire aux hommes il n'excufoit pas fouvent en eux des défauts, & même des vices condamnez par tou te la terre ; car enfin, fon trop d'indulgence ne laiffe pas de luy donner un grand ridicule. dans le monde; mais le plaifant qu'il y a, c'eft que nous luy voyons en même tems ap

prouver deux excez contraires. Ce qui fait dire à bien des gens que c'eft une espece de fou, qui par fes paradoxes continuels, femble vouloir combattre & détruire toutes les opi

nions communes.

LISIMON.

Mais fi on luy faifoit un veritable affront le fouffriroit-il tranquillement ?

CLARIN E.:

,

Jep enfe bien que non, & je le crois fenfi ble au point d'honneur autant qu'un autre ; mais il ne le place pas où la plupart des gens le veulent placer. Par exemple; un jour fa Femme voulant pouffer fa patience à bout, feignit d'en aimer un autre & s'efforça de luy donner les plus cruels foupçons de fa vertu. Elle me détacha vers luy pour fçavoir de quelle maniere il prenoit la chofe ; comme je m'efforçois de mon côté de luy perfuader qu'il étoit dans le cas des maris infortunez, & qu'il devoit vanger fon honneur outragé, il me répondit tranquillement qu'il ne fe fertoit pas d'humeur à fe chagriner d'un mal qu'il n'avoit pas fait, & qu'il ne trouvoit pas plus de honte pour un honnefte homme à avoir une femme infidelle, qu'une montre qui n'iroit pas jufte.

[ocr errors]

LISIMON.

C'eft prendre affez bien les choses.

CLARIN E.

Bon, il pouffa l'extravagance bien plus loin

voyant que je le plaignois: Il me foûtint qu'en ces occafions les galans étoient plus à plaindre que les maris; que les foins & les peines qu'ils fe donnoient pour ravir le bien d'autrui, prouvoient que ce bien là leur manquoit pour être heureux; & que les maris au contraire avoient fouvent de trop de ce que les autres n'avoient pas affez.

LISIMON.

Tu me donnes-là une plaifante idée de fon caractere. Mais parles-moy d'Hortenfe. Croy-tu que fon changement de fortune n'aura pas changé fes fentimens pour moy

CLARIN E.

Oh pour cela non, je vous affure ; & lors que ce matin elle m'a parlé de vous pour la premiere fois, c'étoit avec toutes les marques d'eftime & de tendreffe.... Mais la voici qui vous les exprimera mieux que je ne pourrois faire.

SCENE II

LISIMON, HORTENSE,

A

CLARIN E.

HORTENSE.

de

H Lifimon, quel plaifir pour moy vous trouver icy. Clarine vous a-t-elle appris le bonheur qui m'eft arrivé depuis que je ne vous ay vû ?

LISIMON.

Ah Madame ! appellez-vous cette augmen tation de fortune un bonheur, lorfqu'elle me fait naître un nombre de rivaux des plus re doutables?

HORTENSE.

N'êtes-vous pas fûr de mon coeur

LISIMON.

Ouy; mais fi j'en crois Clarine, vous n'ê tes pas maîtreffe de vôtre main ; & d'ailleurs. je perds le plaifir que je concevois de vous facrifier le peu de bien que je poffede, & de vous voir tenir tout de moy.

HORTENSE.

Et vous m'enviez cet avantage à moy ? Qui ne fouhaitois cette fortune confiderable que pour vous en faire part..

CLARIN E..

Voilà de part & d'autre les plus beaux fentimens du monde ; mais venons au fait. Je ne confeille pas à Monfieur de vous deman der en mariage, que tous fes rivaux n'ayent été refufez; il n'eft point connu icy; ilfedonnera auprès de Madame vôtre mere, quel caractere il voudra, & prendra un chemin tout oppofé à celui que les autres auront pris pour le faire congedier. J'ay déja une idée en tête que je vous communiquerai dans le

tems.

LISIMON.

Mais fi avant ce tems, l'un de mes rivaux alloit être accepté.

« AnteriorContinuar »