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ily a cent Poëtes dans Paris revêtus de ma Garderobe.

CLARIN E.

Si vous entrepreniez d'habiller tous ceux qui restent encore déguenillez, vos huit cent mille francs n'iroient pas loin.

FASTIDA S.

Que voulez-vous, c'eft mon humeur ? J'ad chete tout ce qui eft à vendre, & ne gardejamais rien. Montres, bagues & autres bijoux tout cela paffe dans un inftant de mes mains dans celles du premier qui le vante. CLARINE.

Ah! Monfieur, que vous avez là une jolie Tabatiere.

FASTIDA S.

Tiens ma chere, c'eft pour toy. CLARINE, prenant la Tabatiere. Monfieur, je vous remercie.

DURAMINTE.

Que faites-vous, Clarine? Rendez cela tout à l'heure à Monfieur, je vous trouve bien hardie de le priver de fa Tabatiere..

CLARINE.

Ce n'eft pas Monfieur que j'en prive, Madame, mais le premier qui l'auroit vanté après FASTID A S.

moy.

Elle n'eft que de cinquante piftoles, Madame, c'est une bagatelle.

PHILANDRE.

Ma femme, après des actions fi genereufes

pouvons-nous balancer un moment ?

DURAMINTE.

Oh encore une fois taifez-vous. Monfieur' je vous trouvois trop de bien pour ma fille mais je commence à m'appercevoir que vous n'en avez pas affez. Et comment avec tant de prodigalité avez-vous pû conferver huit cent mille francs?

FASTIDA S.

Bon, mon pere m'a laiffé en mourant deux millions.

DURAMINTE.

Ety a-t-il long-tems qu'il eft mort?

FASTIDA S.

Un an environ.

DURAMINTE.

Douze cent mille francs diffipez en fi peu de tems; mais Monfieur fi vous alliez toûjours du même train, avec les cent mille écus que je donne à ma fille & les huit cent mille livres qui vous reftent, vous redevriez encore cent mille francs au bout de l'année,

FASTIDA S.

Bon, bon, à quoi vous amufez-vous d'aller calculer tout cela? Je ne me fais jamais rendre compte moy, j'ay un Intendant Manfeau qui regle toutes mes affaires, je ne me mêle que de figner le total au bout du mois.

CLARIN E.

Voilà une Maison en de bonnes mains,

FASTIDA S.

Helas, le pauvre homme fe plaint fouvent qu'il y met encore du fien.

PHILANDRE.

'Ah Monfieur que je vous embraffe, je suis charmé de vâtre caractere : vous meritiez de naître Prince avec une fi belle ame. En effet y a-t-il rien de fi beau que de fe faire honneur de fon bien? quelle volupté que d'en fai re part aux autres. C'eft fe mettre, pour ainfi dire, au-deffus de l'homme que de s'attacher fans ceffe à faire des heureux.

DURAMINTE.

Oly, mais à force de faire des heureux; on devient à fon tour miferable, & fouvent criminel; c'eft le fort des prodigues.

PHILANDRE.

Bon,bon, un Prodigue ne vas pas chercher 'des chagrins dans l'avenir; il joüit avec douceur du tems prefent au milieu des louanges qu'on luy donne; il fe rap pelle avec plaifir le paffé à la vûë de ceux fur qui il a répandu fes bienfaits.

DURAM INTE. Et s'il n'a obligé que des ingrats ?

PHILANDRE.

Des ingratsil n'y en a point dans le monde, & ce que vous appellez fouvent ingratitude, n'eft quelque fois qu'un manque de memoire. DURAMINTE.

Vous voulez me foûtenir qu'il n'y a point d'ingrats a

PHILANDRE.

Eh bien quand il y en auroit; n'eft-ce pas toûjours une espece de plaifir pour ceux qui les ont obligez, que le droit d'avoir des reproches à leur faire.

DURAMINTE.

Tout cela eft bel & bon, mais Monfieur, dont je fuis la très-humble fervante, me permettra de lui refufer ma fille. Je ne veux pas après une année de bombance, la voir malheureuse pour le refte de fes jours. Monfieur n'a qu'à remmener fes chevaux & fon carroffe.

FASTIDAS.

C'eft affez m'en dire, Madame, & les gens de mon humeur ont bientôt pris leur party. Monfieur je fuis vôtre très-humble ferviteur.

SCENE XI PHILANDRE; DURAMINTE,

C

CLARINE.

DURAMINTE.

Ela vous fait un peu enrager, mon ma ry, avoués-le franchement.

PHILANDRE.

Moy point du tout; pour le confoler de vôtre refus j'avois envie d'accepter fon carroffe, perfuadé que je fuis, que le plus grand

chagrin qu'on puiffe faire à un Prodigue, c'eft de refufer ce qu'il nous donne, & je ne veux chagriner perfonne.

DURAMINTE.

Ah je le vois bien ! Mais que nous veut encore cette figure heteroclite.

PHILANDRE.

Ah ma femme, c'eft un de ces Meffieuts qui m'a fait l'honneur de venir me trouver à ma campagne, un homme fort riche & fort arrangé.

CLARIN E.

Nous allons bientôt voir ce qu'il a dans l'ame.

SCENE XII

PHILANDRE, DURAMINTE
FORMICIN, CLARINE.

M

FOR MICIN.

Onfieur fur la parole que vous m'avés donnée, je me rends icy pour terminer

l'affaire dont je vous ay parlé.

PHILANDRE.

Monfieur, foyez le bien venu.

DURAMINTE.

Peut-on fçavoir, Monfieur, quelle parole vous a donné mon mary, & de quelle affaire il s'agit.

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