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FORMICIN.

D'épouler vôtie fille, Madame.

DURAM INTE.

Mais, Monfieur, vous ignorez fans doute que c'étoit à moi que vous deviez vous adref

fer.

FOR MICIN.

Madame, j'en ai porté les premieres paroles à Monfieur, & je venois icy dans le def fein de vous prier de joindre vôtre confentement au fien.

per

DURAMINTE. Mon mari, Monfieur, eft un homme un peu facile, il n'a pas la force de refuser fonne, c'eft fon temperament; mais pour moy j'examine d'un peu plus près les chofes, & le mariage m'en paroît une affez délicate pour devoir y faire beaucoup d'attention.Qui eftes vous, Monfieur ?

FORMICIN.

Madame, je fuis un vieux Garçon qui par fon épargne en failfant plaifir à tout le monde fur de bons gages, ay trouvé le moyen d'a maffer trois cent mille francs. Je n'ay jamais dépensé un fol mal à propos, je me fuis même fouvent paffé du neceffaire; de forte que maintenant j'ay plus de cent mille écus d'argent comptant.·

PHILAND RE.

Ma femme, voilà juftement nôtre affaire.

DURAMINTE.

Un peu de patience. Monfieur, vous allez fans doute prendre équipage fi vous ne l'avez déja.

FORMICIN.

Moy, Madame, Dieu m'en garde, je ne 'donne point dans de pareilles folies; je n'ay feulement un valet pour me fervir, je fais ma cuifine moy-meme.

pas

CLARINE.

Vous devez faire une petite chere bien déli

cate.

8

FORMICIN.

Perfonne ne s'en plaint.

CLARIN E.

C'eft-à-dire, que vous mangez toûjours à vôtre petit couvert.

DURAMINT E.

Et fi vous époufiez ma fille, Monfieur, quel feroit vôtre deffein? quelle figure luy feriez vous faire dans le monde ? Je vous avertis qu'elle aime un peu les grands airs. FORMICIN.

'Ah Madame, je l'aurois bientôt faite à mon humeur. Je lui ferois doucement entendre l'avantage qu'il y a de garder une poire pour la foif, & renfermant les cent mille écus qu'on dit que vous lui donnez en mariage avec les cent mille que je poffede, nous dormirions tranquilles auprès de nôtre bien, & goûterions le plaifir d'être fûrs de ne man

quer

quer de rien pour l'avenir, & de voir toûjours les autres plus malheureux que nous. PHILANDRE.

me.

Cela n'eft point fi mal raisonné, ma fem

DURAMINTE.

Comment vous qui loüiés tout-à-l'heure la prodigalité, vous pouvez approuver la maniere de penfer de Monfieur? Eft-il rien de plus indigne & de plus bas que l'avarice.

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PHILANDRE.

Il eft vrai que l'avarice eft décriée dans le monde mais c'eft par une espece de vengeance de la part de ceux qui ont dépensé leur bien. Ne pouvant empêcher les avares de fe croire, heureux, ils leur ont refufé la douceur d'être reconnus pour tels. Je ne difconviendrai point qu'il ne puiffe y avoir de l'illufion dans le procedé de Monfieur; mais je dis qu'il s'en faut bien qu'il foit auffi déraisonnable que yous le faites.

DURAMINTE.

Ah voici donc la these changée, & pour ne pas chagriner Monfieur, vous allez dire tout le contraire de ce que vous difiez tout à l'heure à l'autre.

A

... PHILANDRE. En donnant une maniere de loüange à l'ava rice, je ne prétends pas condamner la prodigalité. Il y a deux fortes de plaifir à faire ufage de fes biens; celuy de la joüiffance, & ce

C

lui de l'opinion. Le plaifir de la joüiffance n'eft pas le plus confiderable, l'habitude en fait fouvent perdre le goût: mais il n'en eft pas de même des plaifirs de l'opinion, comme leur objet n'eft pas folide, on n'en eft jamais raffafié. Par exemple; qu'un autre que Monfieur ait cent mille écus, & qu'il en achete une Terre, voilà fon opinion bornée à l'image de cette Terre; mais celle de Monfieur s'étend infiniment davantage : en ne fe défaifant point de fon argent, fon opinion eft toûjours riche de tout ce qu'on peut avoir dans le monde pour cent mille écus.

FORMICIN.

Après cela, Madame, je crois que vous n'avez plus rien à dire fur ma conduite. DURAM INTE.

Oh rien du tout, Monfieur, je vous dirai feulement que vous n'aurez jamais ma fille; je ne prétends pas qu'elle foit logée, vêtuë, & nourrie en idée.

CLARINE.

Madame a raifon, & je crois qu'avec un homme de vôtre âge, elle auroit bien d'au tres idées àfe former.

FORMICIN.

Ainfi je vois bien qu'il n'y a rien à faire ici pour moy. Je vous donne le bon-jour.

SCENE XIII.

PHILANDRE, DURAMINTE,

E

CLARINE.

PHILANDRE.

N verité, ma Femme, je croy que vous
venez de refufer là deux bons partis.
DURAMINTE.

Laiffez-moy, & ne me parlez jamais.
PHIL ANDRE.

Mais enfin fi un confeil.

SCENE XIV.

PHILANDRE, DURAMINTE, RONDIN, CLARINE.

J

rier.

RONDIN.

'Entre fans dire gare. Hola vous autres, n'eft-ce point icy qu'il y a une fille à maz

CLARIN E

L'abordjeft familier.

RONDIN.

Serviteur à toute la Compagnie

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