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A Philandre.

Je vois à vôtre mine doucette que c'est à vous à qui j'ay affaire. Me connoiffez-vous ? PHILANDRE.

Non, Monfieur, je n'ay pas cet honneur.
RONDIN.

Je me nomme Jacques Rondin, fils de Chriftophe Rondin, de fon vivant Mouleur de Bois, je viens vous demander vôtre fille en mariage; on m'a dit qu'elle étoit un peu égrillarde, & qu'il falloit le hâter.

CLARINE.

Voilà une plaifante maniere de parler: Et pour qui prenez-vous donc ma jeune Maîtreffe.

RONDIN.

Tu me parois toy une bonne piece de ménage,& le drôle qui t'aura,n'aura qu'à se bien

tenir.

CLARIN E.

Voilà un plaifant homme, de me tutoyer ainfi devant mon Maître & ma Maîtreffe, fans m'avoir jamais vû.

·

RONDIN.

Parbleu je te trouve bien plus plaifante toi,' de mettre ton nez dans la conversation avant que ton Maître & ta Maîtreffe m'aïent encore répondu

DURAM.INTE.

Taifez-vous, Clarine. Il est vrai, Monfieur, que ma Fille eft à marier; mais je me fuis

rendue un peu difficile fur le choix de fon Epoux; on eft fi trompé tous les jours, & le mondeeft fi rempli de fourbes.

RONDIN.

Oh parbleu on ne me reprochera pas cela, je vais rondement dans toutes mes manieres, & fi j'ay un défaut, c'eft d'être trop fincere.

DURAMINT E.

C'en eft souvent un plus grand qu'on ne penfe, & la politeffe eft une fi belle chose. RONDIN.

Fy donc de la politeffe, je ne veux point de cela. La politeffe eft, dit-on, toûjours accompagnée de fauffeté.

A Duraminte.

Faites paroître vôtre Fille, & je vous diraf franchement fi la moulure m'en plaît, ou non; est-elle jeune d'abord ?

CLARINE.

O Ciel! Peut-on demander cela en voïant Madame ? Vous devez plûtôt vous étonner qu'elle ait une fille à marier.

RONDIN.

Parbleu tu te mocques de moy, & Madaз me paroît une femme de trente-cinq à quarante ans.

CLARIN E.

Ah quelle injure! Monfieur vous n'y pen

fez pas

RONDIN.

Ma foi, je le dis parce que je le penfe. Que voulez-vous, je fuis fincere?

DURAMINTE.

C'eft pouffer la fincerité un peu loin.
RONDIN.

Dame je fuis fâché que cela vous fâche, & je ne fçavois pas que vous vous piquaffiez encore de jeuneffe; je ne m'étonne pas fi vous vous rendez fi difficile fur le choix d'un gendre; c'eft apparemment que vous ne voulez pas fi-tôt devenir Grand Mere.

DURAMINTE.

Mais, Monfieur, il femble que vous ne foyez venu icy que pour m'infulter.

RONDIN.

Moy, Dieu m'en garde, je n'ay deffein 'd'offenfer perfonne: aimeriez vous mieux un flatteur qui vous donnât des louanges.

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CLARIN E.

Ma foy ce feroit encore pis, elles font prefque toûjours intereffées. Les petits ne foüent que pour obtenir, les grands pour ne rien donner, & les égaux pour être loüez à leur tour.

RONDIN.

Oh, pour moy, je ne veux pas qu'on me loue, & l'on ne me feroit faire un plus grand plaifir que de me die mes veritez.

CLARIN E.

Elles ne doivent pourtant pas être fort agréables pour vous.

DURAMINTE.

Eh bien, Monfieur, puifque vous aimez que l'on vous dife vos veritez, apprenez qu'il· n'y a rien dans le monde de plus impertinent que vous, & qu'un fincere à contre-tems eft un homme banniffable de toutes les focietez. PHILANDRE..

Ah ma femme, que dites-vous là ! que l'on feroit heureux de trouver toûjours de pareils amis ! Oüy, Monfieur, je veux être le vôtre, vôtre fincerité me charme, &.

RONDIN.

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Vous voulez être mon amy? Et quelle obligation vous en aurai-je, on dit que vous l'êtes de tout le genre humain.

CLARIN E.

Bon, nôtre Maître aura auffi fon fait..

RONDIN.

Allez, allez, foyez feulement mon Beau Pere, c'est tout ce que je vous demande à present.

DURAMINTE.

Mais vous ne fçavez pas, Monfieur, que je fuis la Maîtreffe, & que mon mary ne fait rien fans ma permiffion.

RONDIN.

Ma foy, tant pis pour luy ; & un homme eft un benêt quand il fe laiffe conduire par fa femme.

TAYLOR

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INST

OXFORD

CLARINE.

Allons, Monfieur, répondez donc. N'allez vous pas encore loüer Monfieur fur la fin cerité ?

PHIL ANDRE.

Pourquoi voulez-vous que je le condamne? Monfieur fur le champ, dit avec franchise aux gens ce qu'il penfe d'eux. Si ce qu'il penfe eft faux, cela ne doit point offenfer celui à qui il parle, & fi ce qu'il dit eft une verité chagrinante, ne vaut-il pas mieux que celui qu'elle regarde la fçache d'abord du premier qui la découvre, que de ne l'apprendre qu'après qu'elle auroit couru par toutes les bouches des médifans

RONDIN. -Oh j'ay cela de bon moy, je ne parle ja mais des gens en arriere d'eux.

DURAMINTE.

Il faut donc auffi vous dire les chofes en face, & vous déclarer que vôtre franchise & vôtre perfonne ne me conviennent en aucune façon, & que vous pouvez aller chercher une femme ailleurs.

RONDIN.

Eh bien voilà parler cela ; & je vous dirai moy de mon côté, que je ne m'en foucie gueres. J'eftois venu & je m'en retourne; auffibien quand nos voifines de la Grenouilliere ont fçû ce matin que je m'allois marier, elles m'ont demandé en paffant; Allez vous au

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