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COR COR à part, que de beautés fes Ouvrages nous préfentent! que de variété dans les plans! que de force dans les caracteres! que d'élévation dans les idées ! Malheur à qui ne fçait pas fupporter un vieux mor en faveur d'une vérité neuve & utile! De trentedeux Poëmes Dramatiques, dont Corneille eft l'Auteur, aucun fur-tout ne reffemble à ceux d'autrui: fi tous ne font pas d'une égale force, du moins ils offrent tous des traits qui décèlent la main dont ils partent. C'eft le même génie qui difpose, mais qui n'agit pas toujours avec la même vigueur. Du refte, nul Poëte, dont la chaleur foit plus foutenue, plus communicative; elle agite les Lecteurs les plus engourdis; elle embrafe ceux qui ont en eux quelques étincelles du feu de la Poefie; c'est Je trépied de la fybille; on n'en peut approcher fans éprouver un foudain enthousiasme.

Corneille, après avoir pris un grand effor, ne fe foutint pas avec la même gloire dans les ouvrages de fa vieilleffe. Le Duc de Montaufier, qui étoit un franc Mifanthrope, lui dit : « Monfieur Corneille, quand »j'étois jeune, je faifois de jolis vers; à préfent » que je fuis vieux, mon génie eft éteint; croyez» moi, laiffons faire des vers à la Jeuneffe ».

Entre plufieurs époques glorieufes pour le grand Corneille, en voici une que l'on peut citer comme unique. Etant venu un jour à la Comédie, où il n'avoit point paru depuis deux ans, les Acteurs s'interrompirent d'eux-mêmes; le Grand Condé, le Prince de Conti, & généralement tous ceux qui étoient fur le Théâtre, fe leverent; les Loges fuivirent leurs exemples; le Parterre fe fignala par des battemens de mains, & par des acclamations, qui recommencerent à tous les entr'Actes. Des marques d'une diftinction fi flatteufe pour l'amour-propre, devoient être bien embarraffantes pour un

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COR COR homme, dont la modeftie alloit de pair avec le mérite.

Le grand Corneille avoit coutume de dire qu'il devoit plus à Lucain qu'à Virgile, non qu'il fût affez peu équitable, ou qu'il eût affez peu de goût (comme Boileau a voulu le faire entendre) pour eftimer le fecond moins que le premier; mais un Auteur qui met des Héros fur la Scène, n'a pas befoin de fictions épiques. Il trouve mieux fon compte dans les penfées mâles & énergiques de la Pharfale, que dans l'élégante narration & la conduite judicieufe de l'Enéïde.

Corneille, fi élevé, fi fublime dans fes écrits, n'étoit plus le même dans la converfation; il s'énonçoit au contraire d'une maniere fi feche, fi embarraffée, qu'une grande Princeffe qui avoit defiré de le voir & de l'entretenir, difoit qu'il ne falloit point l'écouter ailleurs qu'à l'Hôtel de Bourgogne, qui étoit l'Hôtel des Comédiens.

Lorfqu'il récitoit fes vers, il fatiguoit tous ceux qui l'écoutoient; auffi Boisrobert, à qui Corneille reprochoit d'avoir mal parlé d'une de fes Pieces, étant fur le Théâtre, lui dit: « Comment pourrois» je avoir blâmé vos vers fur le Théâtre, les ayant » trouvé admirables dans le tems que vous les bar» bouilliez en ma préfence ».

Corneille fe négligeoit beaucoup pour fon extérieur. Quand fes amis, qui auroient fouhaité de le voir parfait en tout, lui faifoient remarquer ces légers défauts, il fourioit, & difoit: « Je n'en fuis pas » moins, pour cela, Pierre Corneille ». Il s'eft peint lui-même par ces fix vers qu'on trouve dans un billet adreffé à Péliffon.

COR
COR
En matiere d'Amour, je fuis fort inégal ;
J'en écris affez bien, & le fais affez mal.
J'ai la plume féconde, & la bouche ftérile;
Bon galant au Théâtre, & fort mauvais en Ville;
Et l'on peut rarement m'écouter fans ennui,
Que quand je me produis par la bouche d'autrui.

Ces vers furent faits vingt ans avant la date de ce billet. C'eft Corneille qui le dit, voici fes propres mots. « Voilà, Monfieur, une petite peinture que >> je fis de moi-même, il y a plus de vingt ans. Je ne » vaux guères mieux à préfent ».

Comme c'est une loi à l'Académie Françoile, que le Directeur faffe les honneurs d'un Service pour ceux qui meurent fous fon Directorat, il y eut une conteftation de générofité entre Racine & M. l'Abbé de Lavau, à qui feroit le Service de Corneille; parce qu'il paroiffoit incertain fous le Directorat duquel il étoit mort. La chofe ayant été remife au jugement de la Compagnie, M. l'Abbé de Lavau l'emporta : & Benferade dit à Racine : « Si quelqu'un » pouvoit prétendre à enterrer Corneille, c'étoit >> vous. Vous ne l'avez pourtant pas fait >>.

CORNEILLE, (Thomas) frere du grand Corneille, de l'Académie Françoife, & de celle des Infcriptions, naquit à Rouen en 1625, & mourut à Andely en 1709. Il courut la même carrière que fon frere, mais avec moins de fuccès, quoiqu'il obfervât mieux les regles du Théâtre. Defpréaux avoit raifon de l'appeller un Cadet de Normandie, en le comparant à fon aîné; mais il avoit tort d'ajouter, qu'il n'avoit jamais pu rien faire de raisonnable. Le Satyrique avoit oublié apparemment un grand nombre de Pieces, dont la plupart ont été confervées au Théâtre, & qui, outre le mérite de l'intrigue offrent quelques bons morceaux de verfification. Ces Pieces font Ariane, le Comte d'Effex, le Geolier

COR

COR de foi-même, le Baron d'Albikrac, la Comtesse d'Orgueil, le Feftin de Pierre, l'Inconnu. Thomas Corneille avoit une facilité prodigieufe dans ce travail. Ariane ne lui coûta que dix-fept jours, & le Comte d'Effex fut fini dans quarante. Cet Auteur avoit une mémoire fi heureufe, que lorfqu'il étoit prié de lire une de ses Pieces, il là récitoit tout de fuite fans héliter, & mieux qu'un Comédien n'auroit pu faire. Ses autres Ouvrages dramatiques font: les Engagemens du hafard, le Feint Aftrologue, Dom Bertrand de Cigaral, l'Amour à la mode, le Berger extravagant, le Charme de la voix, les Illuftres ennemis, Timocrate, Bérénice, Commode, Darius, le Galant doublé, Stilicon, Camma, Pyrrhus, Maximien, Perfée & Démétrius, Antiochus, Laodice, Annibal, Théodat, Achille, Dom Céfar d'Avalos, Circé, Bradamante, la Devineresse, & les Opéra de Pfyché & de Médée.

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Les fuccès de l'aîné des Corneille étoient un grand obftacle à la réputation du plus jeune il avouoit lui-même fon infériorité, & ne défignoit fon aîné, que par l'épithete du grand Corneille. Celui-ci, de fon côté, défiroit avoir fait plufieurs des Ouvrages de fon frere; aveu qui eût pu flatter l'Auteur le moins modefte, & qui n'étoit pas un pur effet de générofité. Thomas Corneille pofféda fupérieurement l'art de conduire une Piece, d'amener les fituations, de les varier, en un mot, la partie Théâtrale. Delà fes fuccès réitérés ; mais fes Tableaux, qui ne péchent guères par le deffin, manquent prefque toujours par le coloris. Sa diction eft inexacte & foible; elle nous confirme la facilité avec laquelle on dit qu'il travailloit: facilité tou jours dangereuse pour qui s'y livre; parce qu'elle conduit rarement au-delà du médiocre.

Defpréaux & Racine qui avoient fait tous leurs efforts pour décrier Quinault, engagerent Thomas

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COR Corneille à compofer des Opéra, afin de fupplanter leur ennemi. Corneille fe laiffa perfuader; mais il ne réuffit point. Pierre Corneille, fon frere, avoit auffi voulu s'effayer dans le même genre, & n'avoit pas eu un plus grand fuccès. On a remarqué que les deux freres avoient époufé les deux fœurs, en qui il fe trouvoit la même différence d'âge qui étoit entr'eux. Il y avoit des enfans de part & d'autre, en pareil nombre. Ce n'étoit qu'une même maifon, qu'un même domeftique. Enfin après plus de vingtcinq ans de mariage, les deux freres n'avoient pas encore fongé à faire le partage des biens de leurs femmes.

Defpréaux difoit de Thomas Corneille : « C'eft » un homme emporté de l'enthoufiafme d'autrui, » & qui n'a jamais pu rien faire de raifonnable. Vous » diriez qu'il ne s'eft étudié qu'à copier les défauts » de fon frere ».

Gacon fit l'in-promptu suivant, fur le Portrait de Thomas Corneille.

Voyant le Portrait de Corneille :
Gardez-vous de crier merveille;
Et dans vos tranfports n'allez pas,
Prendre ici Pierre pour Thomas.

CORNEILLE DE BLESSE BOIS, (Pierre) vivoit encore en 1680, & a fait trois Pieces, qui font : Mademoifelle de Sçai, Eugénie, & la Corneille de Mademoiselle de Sçai.

COSNARD, (Mademoiselle) née à Paris, fit paroître en 1650, les Chaftes Martyrs.

COSTARD, Libraire à Paris, a fait imprimer des amusemens dramatiques, compofés de trois Pieces; fçavoir, les Orphelins, Žélide, & Lucile.

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