Imágenes de páginas
PDF
EPUB

qui ont vécu avec M. Denifart, lorfque nous affurons que ces mémoires, susceptibles de degrés de perfection fort éloignés les uns des autres, ont été le principal fonds de ce qui a été rassemblé par M. Denisart.

[ocr errors]

A l'égard des exemples, M. Denisart en a raffemblé une multitude. Bien des perfonnes lui en fourniffoient; & il faut s'être livré foi-même à de pareilles recherches, pour favoir combien de précaution on doit apporter dans l'ufage des notes d'efpeces & d'arrêts; combien il faut être attentif aux circonftances, aux motifs, aux expreffions du prononcé ; à fa date même. Des jurifconfultes qui étoient inftruits perfonnellement, foit des circonftances, soit des motifs d'arrêts rapportés dans la collection des Décifions nouvelles, ont eu quelquefois de la peine à les y reconnoître: ils ont accufé M. Denisart de n'avoir fu ni les faits, ni les motifs des Arrêts. D'autres, en voulant vérifier les prononcés, fur les monumens authentiques qui en confervent la mémoire, ont été furpris d'y lire des expreffions qui leur paroiffoient de la plus grande importance, que M. Denisart avoit négligées; ou bien des erreurs, tantôt de nom, tantôt de date, les ont abfolument jettés hors de la voie, & réduits à l'impoffibilité de vérifier les arrêts.

&

On s'eft plaint quelquefois durement; & fouvent on a eu l'injustice de méconnoître ce que l'on devoit à M. Denifart, en même temps qu'on imputoit à lui feul des fautes qu'il falloit attribuer à d'autres causes: le détail immenfe des objets, la difficulté de réunir tous les fecours néceffaires pour un fi grand ouvrage.

Après la mort de M. Denifart, arrivée le 4 février 1763, M. de Varicourt notre confrere, a donné deux nouvelles éditions de fa collection. Il y a fait des additions utiles, mais nous croyons devoir le dire avec franchise: il a trop refpecté les travaux de fon ancien ami, & trop épargné ses erreurs. Lorsqu'un homme a l'avantage d'avoir bien mérité du public, il ne faut plus envifager que les traits qui Font rendu réellement eftimable; c'est cela feul que fes amis même doivent conserver: il faut qu'ils employent tous leurs foins à effacer les traits qui pourroient avoir quelque chofe de choquant, de

difforme ou d'irrégulier. Un plan bien conçu : voilà quel nous paroît avoir été le merite de M. Denisart: c'est ce mérite qu'il faut lui conferver. Les défauts de l'exécution pourroient diminuer la reconnoissance qui lui eft due: il faut tacher de les faire disparoître.

Nous venons de donner l'hiftoire de l'ouvrage de M. Denifart; nous allons donner celle du nôtre: nous avons fait connoître les éditions qu'on doit à lui-même ou à M. de Varicourt; faifons connoître celle que nous préfentons au public.

L'édition publiée en 1771, & qui étoit la septieme, commençoit à s'épuiser, lorsque le libraire qui en étoit chargé ( madame Desaint ) & auquel plufieurs avis étoient revenus fur l'imperfection de l'ouvrage, confulta l'un de nous fur les moyens qui étoient à prendre pour faire difparoître ces imperfections. Il connoiffoit le recueil de M. Denisart, ainfi que la plupart des avocats le connoiffent, beaucoup moins par la lecture fuivie de l'expofé des principes, que par la recherche de décifions nouvelles, que quelquefois il avoit trouvé mal rapportées, & que plus fouvent encore il avoit entendu dire être inexactes & ne pouvoir se trouver fur les regiftres du parlement.

D'après ces vues, le confeil qu'il donna fut de faire vérifier au dépôt du parlement de Paris, tous les arrêts de cette cour qui avoient été cités par M. Denisart; pour ceux des autres cours, de se procurer les recueils & les journaux les plus récens de leurs arrêts; de retrancher en général, ce que l'on n'auroit point trouvé au dépôt; de conferver feulement les arrêts que des circonftances bien particularifées, des faits précis, affureroient exifter: mais que quelque erreur de date, ou un vuide dans les registres n'auroient pas permis de retrouver, & d'avertir qu'il n'avoient pas pu être vérifiés; de revoir fur la minute ou fur l'expédition qui font au dépôt, les qualités & le difpofitif; enfin à l'égard des arrêts rendus par les parlemens de province, de citer, autant qu'il feroit poffible, le recueil d'après lequel on en auroit rendu compte.

Ces obfervations étoient relatives aux décifions rapportées par M. Denisart; d'autres obfervations fe rapporterent aux principes femés

dans les différens articles. On avertit qu'il falloit les revoir, les retoucher mais on penfoit alors que quelques corrections feroient fuffifantes.

Enfin on annonça que ce travail, quoiqu'on le crut beaucoup moins considérable qu'il n'a été réellement, exigeoit le concours de plufieurs perfonnes : les unes qui fe chargeaffent de vérifier les arrêts, les autres de revoir les principes ; & qu'il falloit choifir enfuite une perfonne qui dirigeat l'opération & qui donnat à l'ouvrage entier ce ton d'unité effentiel à toute composition.

Le libraire adopta le plan qui lui étoit propofé. On fit le relevé des arrêts rapportés par M. Denifart: leur nombre fe montoit à plus de 6000. On vérifia tous ceux que l'on put trouver; on prit les notes néceffaires pour les réformer, & nous commençâmes à disposer les premiers articles pour les livrer à l'impreffion.

Mais quel fut l'étonement qui fuivit nos premieres tentatives! La lecture fuivie des articles que nous voulions préparer, nous fit appercevoir dans prefque tous, deux défauts que nous ne pouvions pas laiffer subsister : le défaut d'ordre dans la difpofition des principes, & l'omiffion de vérités, de maximes, de regles indifpenfables. Tantôt nous trouvions au commencement d'un article, ce qui nous paroifloit la conféquence de principes qui ne fe rencontroient qu'au milieu ou à la fin de l'article; tantôt, de plufieurs vérités fondamentales qui fe lient les unes aux autres, & forment la bafe de la jurifprudence fur une matiere, on n'en avoit expofé qu'un petit nombre. Les regles étoient découfues; elles n'étoient point unies les unes aux autres; on voyoit à peu près ce qui étoit vrai, mais on ne voyoit pas pourquoi il étoit ainfi.

La conféquence étoit que prefque tous les articles de la collection de M. Denifart étoient à refaire en entier. La perspective d'un travail auffi immense, étoit bien différente de celle que nous avions entrevue; & le courage nous auroit abandonné, fans des événemens qui furvinrent & qui, ne nous laiffant prefque pas à confulter nos forces & à délibérer fur ce que nous pouvions faire, nous impoferent le devoir d'agir.

Quelques perfonnes étoient inftruites du projet que nous avions conçu pour réformer la collection des Décifions nouvelles : ce projet parvint jufqu'à M. le préfident Gilbert. Auffi-tôt, il nous fit offrir les plaidoyers de fon ayeul, qui a rempli fi dignement & pendant un fi grand nombre d'années, les fonctions d'Avocat-Général. On peut juger facilement de notre reconnoiffance. M. Gilbert fit plus que ce qu'il avoit offert; il engagea M. le préfident de Fleuri à nous communiquer fes plaidoyers dans les causes où il avoit porté la parole, tant au Grand Confeil qu'au Parlement. M. le préfident d'Ormeffon & M. l'avocat-général Séguier nous accordercnt la même grace pour les leurs; M. de Saint-Fargeau pour ceux de fon pere. Bientôt nous eûmes à notre difpofition une collection immenfe, non pas de décifions féches, arides, dont les faits sont rapportés d'après des notes incertaines, ou d'après les mémoires & l'expofé d'une feule partie : mais de décisions dont le fait étoit bien pofé, les motifs balancés de part & d'autre, & le réfultat préparé par ces grandes vues, ces motifs fupérieurs qui caractérifent en général, les réflexions des Magiftrats chargés du ministere public.

Ces fecours n'étoient relatifs qu'aux affaires qui s'étoient préfentées au parlement de Paris. Pour les affaires jugées aux parlemens de prcvince, nous n'avions d'autre reffource que celle des livres, & l'on n'a pas de tous les parlemens un Journal auffi bien fait que celui du parlement de Bretagne. D'ailleurs, indépendamment des décifions de queftions particulieres & ifolées qui peuvent avoir été jugées dans les parlemens de province, il y avoit un objet d'une toute autre importance & dont nous étions bien plus fortement occupés.

Perfonne n'ignore que prefque toutes les Cours ont des points de jurifprudence qui leur font propres, Ils font déterminés par les loix que l'on fuit dans la province, quelquefois par fa fituation, quelquefois par fon ancien état, Les tribunaux fupérieurs donnent des réglemens analogues à la légiflation & à la fituation de leur reffort; des jurifconfultes qui traitent les matieres fur les lieux, en développenț les regles d'après les principes & les ufages propres aux cours auprès defquels ils font employés. Une partie de ces réglemens & de ces

usages particuliers font connus à Paris, à cause des affaires qui y viennent des différentes parties du royaume; mais ils ne le font pas tous & ils ne le font que de quelques perfonnes. D'une province à l'autrs, ils font prefque abfolument ignorés. Nous concevions quel fervice ce feroit rendre aux jurifconfultes, & combien ce feroit étendre l'tilité de la nouvelle collection, que d'y inférer ces usages; nous fou haitions pouvoir y parvenir : quelques effais ne nous avoient montré que la difficulté d'y réuffir: un dernier événement auffi heureux que ceux qui venoient de précéder, a furpaffé nos efpérances & mis le comble à nos vœux.

La demande du privilége pour l'impreffion de la collection nouvelle, exigea que nous miffions fous les yeux du magiftrat qui eft à la tête de la librairie, le projet de nos travaux : il s'étoit déja étendu daprès les fonds précieux qu'on avoit confiés à notre difpofition. Nous n'attendions qu'une permiffion; M. de Néville nous annonça que M. le Garde des fceaux prenoit intérêt au fuccès de notre travail & enhardis par cette annonce flatteufe, nous le fuppliâmes de nous obtenir fa protection. M. le Garde des fceaux nous l'accorda; il voulut bien nous demander comment il pourroit nous être utile, & voici ce qu'il s'eft donné la peine de faire à notre priere.

M. le Garde des fceaux a écrit à chacun de MM. les procureurs généraux, une lettre par laquelle il leur a demandé de lui envoyer tous les arrêts de réglement rendus dans leur cour depuis l'année 1750; de lui envoyer même une note des arrêts, qui, depuis la même époque, feroient regardés comme ayant jugé nettement des points de jurifprudence importans, & d'y joindre l'indication des traités de droit modernes les plus eftimés & les plus fuivis dans la province.

Sur cette demande, il a été envoyé à M. le Garde des fceaux dequoi former plufieurs volumes de recueils qu'il nous a fait paffer avec les lettres d'envoi, dont beaucoup contiennent des notes très-intéreffantes fur le droit & les ufages des provinces. Nous avons fait venir la plupart des traités que ces lettres indiquoient; & alors nous avons penfé, non fans raifon ce femble, avoir entre les mains les matériaux les plus riches fur la jurifprudence du parlement de Paris, & fuc

« AnteriorContinuar »