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foûmit à l'obéïffance de la Republique. Cette premiere conquête fut fuivie de celles de diverfes petites places ou fortereffes, dont il s'empara fans peine & fans y employer fon artillerie. comme à Faenza. Il eft difficile de dire qui fut le plus mortifié de cette expedition des Venitiens ou, le Pape, ou le Duc de Valentinois. Le Pape y voyoit fon autorité méprisée, & le deffein qu'il avoit de réunir cette province au domaine de l'Eglife, prévenu par par l'invasion de ces Republiquains; le Duc ne pouvoit la regarder que comme le premier coup de fa ruine & le commencement de la décadence entiere de fa fortune. Toutes les autres villes de la Romagne fembloient tendre les mains aux Venitiens & les appeller à elles, & il ne tint qu'à eux de s'y faire recevoir, ayant plus de forces & plus d'argent qu'il n'en falloit pour achever de conquerir toute cette province. Toutefois craignant de pouffer à bout la patience du Pape & de fe le rendre irreconciliable, ils envoyerent ordre à leur armée de s'abftenir de toute nouvelle hoftilité, & de fe contenter de conferver ce qu'elle avoit acquis par fes premieres actions. Cette démarche qu'ils croyoient de

voir appaifer le Pape, ne fit qu'ajoûter le mépris à l'indignation. Il la traita de foibleffe & de lâcheté, & en prit occafion d'encourager le Duc de Valentinois à vaincre fon mal, fi cela se pouvoit, & à fe mettre en campagne pour aller reprendre Faënza. Ce Duc ou à caufe du mauvais état de fa fanté, ou parceque le nombre de fes troupes étoit fort diminué, n'efperant plus de pouvoir défendre contre les armes des Venitiens, les places qui luy reftoient dans la Romagne, s'étoit offert au Pape de les luy remettre entte les mains. Jules qui avoit deffein de fe fervir du Duc pour recouvrer Faenza dont il fe flatoit qu'il luy feroit plus aifé de traiter avec luy & à de meilleures conditions qu'avec les Venitiens, le remercia de fes offres obligeantes, luy remontra, qu'il falloit qu'il reprit fon courage avec fes forces, qu'il raffemblât au plûtôt toutes fes troupes, & que d'abord que fa fanté luy permettroit de fouffrir l'agitation de la mer, il luy feroit fournir des vaiffeaux pour s'embarquer à Oftie, & paffer de là dans la Romagne en qualité de General des armées Ecclefiaftiques. Ces honneurs à quoy le Duc ne s'attendoit le remplirent de tant de joye,

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qu'en fort peu de temps il fe trouva parfaitement gueri. Ses medecins en donnerent avis au Pape, & l'afsurerent qu'il n'y avoit plus rien à craindre pour luy à fe mettre fur mer. Mais à peine fut-it forti de Rome, que Jules, foit par une legereté naturelle, ou qu'on luy eût jetté dans l'efprit quelque foupçon des difpofitions du Duc à fon égard, fe repentit & du refus qu'il avoit fait d'accepter fes places, & de l'autorité qu'il luy avoit donnée en le revêtant du titre de General. Le Pape regretoit de s'être fié à luy fi imprudemment; le Duc n'étoit pas moins furpris qu'il eût ofé le faire. Les Cardinaux de Volterre & de Sutri furent dépêchez par fa Sainteté pour courir après luy, avec ordre de l'arrêter en quelque lieu qu'ils le puffent joindre & de le ramener à Rome. Le Duc qui ne fe défioit pas moins du Pape, que le Pape de luy, fe hâta de fon côté de gagner Oftie où il ne demeura qu'une demie-heure, & il étoit déja fur la galere qu'on luy avoit deftinée pour fon trajet,lorfqu'il fut atteintpar les deux Cardinaux qui étoient chargez de fe faifir de fa perfonne. Malheureusement pour luy il n'étoit point encore forti du port & les officiers de la galere où il s'étoit

embarqué étant tout dévoüez au Pape, le contraignirent d'en fortir & le livrerent aux Cardinaux. On le mena à Rome lié avec des cordes, quoyqu'il luy fût impoffible de s'enfuir étant bien efcorté, & jamais le Peuple Romain ne témoigna plus de joye que de le voir prifonnier & entre les mains de ceux que la justice obligeoit indifpenfablement de luy faire fubir une punition exemplaire. Tout le monde ayant fouffert de fes violences & de fes méchancetez, il n'y avoit perfonne qui ne fouhaitât d'en être vengé par fon fupplice. Mais le Pape qui craignoit que s'il luy faifoit faire fon procez, les Gouverneurs des places qui étoient encore à luy dans la Romagne, n'en traitaffent avec les Venitiens, & n'aimasfent mieux les livrer aux ennemis de l'Etat, qu'au perfecuteur de leur maître, fruftra l'efperance des gens de bien, en refufant au public l'exemple qu'on attendoit d'une jufte feverité. S'étant donc contenté de le tenir renfermé dans le Vatican fous bonne garde, il ordonna qu'à la liberté près on luy accordât tout ce qu'il fouhaiteroit. Il luy rendit même une vifite, & luy fit des honnêtetez & des careffes que n'auroit jamais dû attendre un homme

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qui, felon toutes les loix divines & -humaines, ne méritoit que la mort, Il eft vray qu'il s'agiffoit de luy perfuader de ceder fes places de la Romagne au Pape, ou en tout cas de les mettre en dépôt entre fes mains. Le Duc demanda du temps pour y penfer, & autant qu'il voulut demeurer maître de ces places, autant ceffa-t-il de l'être de fa liberté.

La raison qu'il eut de ce délay, & dont il n'avoit garde de s'expliquer à perfonne, fut qu'il vouloit attendre F'iffuë de la guerre des François avec les Espagnols, pour fe déclarer enfuite en faveur du parti victorieux. Si les armes des premiers prévaloient, il ne doutoit pas qu'ils ne duffent accomplir de bonne foy le traité fait avec eux, & obliger le Pape de le remettre en liberté. Que fi l'Espagne l'emportoit fur la France, fon deffein étoit d'offrir à Confalve une partie de fes places pour conferver l'autre, ne doutant pas qu'une offre i avantageufe à l'Espagne ne dût eftre acceptée avec joye par un General qui ne cherchoit que l'accroif fement de la grandeur & de la puiffance de cette Monarchie. Après la dé Loute du Marquis de Saluces, voyant les deffeins de la France tombez en

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