Imágenes de páginas
PDF
EPUB

en chemin. Le premier étoit la ville de Melphe, où il luy falloit paffer neceffairement pour continuer fa route vers Naples. Celuy qui y commandoit étoit Caraccioli, Seigneur de cette ville, dont il portoit le nom, avec titre de Prince, & partisan déclaré des François. Il s'étoit trouvé avec eux à la journée de Cerignole, & les voyant vaincus & mis en fuite par les Efpagnols, il avoit regagné la place en diligence, tant pour y trouver un afyle, que pour la défendre contre les vainqueurs, s'ils s'y prefentoient. Confalve y étant arrivé avec fon armée, fit fommer le Prince de fe rendre, avec promeffe que tous fes biens & tous fes droits luy feroient confervez. Caraccioli répondit, qu'il luy étoit tres obligé de fes offres avantageuses, mais qu'il fe tenoit trop honoré de la part qu'il avoit à fon eftime, pour ne pas fe garder de la perdre par une lâcheté ; qu'il n'en voyoit point de plus honteufe que d'abandonner fes amis & fes alliez dans l'adverfité, & qu'ainfi s'étant attaché à la France, pendant que fes armes profperoient en Italie, il étoit de fon honneur de luy être auffi fidele & auffi dévoüé, dans la mauvaise fortune que dans la bonne, Tome II.

B

Ce fentiment étoit noble & d'un grand cœur, & il l'auroit foutenu par une genereuse refiftance, fi fes vaffaux ne s'y fuffent oppofez, en luy reprefentant combien il étoit impoffible de tenir contre une armée victorieuse, & qu'en courant luy-même à fa perte, il alloit les entraîner tous dans le même precipice. Il comprit en effet que tous fes efforts ne feroient pas moins inutiles que témeraires, & voulant ménager également fon honneur & les interêts de fes fujets, il prit le parti de fortir de la ville avec fa famille, & de fe retirer à Venouse, où Louis d'Ars s'étoit jetté avec un corps confiderable de troupes Françoises. Sa retraite ayant laiffé les habitans de Melphe maîtres de la place, & en pleine liberté d'en difpofer, ils en ouvrirent les portes à Confalve, qui n'exigea d'eux pour toute foumiffion, que de prêter entre fes mains ferment de fidelité au Roy d'Espagne. Il ne voulut pas même leur laiffer de garnifon, foit pour les épargner, ou pour ne point affoiblir fon armée, & les ayant laiffez à eux-mêmes fort contens de luy, il continua d'avancer vers Naples. Diverfes autres villes fuivirent l'exemple de Melphe, & fe rendirent à la pre

miere fommation qui leur en fut faite. Etant arrivé à Acerre, des Députez de Naples choifis entre la premiere nobleffe, vinrent le trouver pour le feliter de l'heureux fuccès de fes armes, & luy offrir au nom de toute la ville, foy & hommage au Roy d'Efpagne fon maître, priant Confalve de les prendre fous fa protection, & de leur obtenir de Ferdinand la conservation de leurs immunitez & de leurs privileges. Telle étoit la précaution ordinaire dé cette grande ville, d'aller toûjours au devant du vainqueur, & d'oublier la fidelité qu'elle avoit jurée à un Prince, au premier danger dont elle étoit menacée, fi elle refufoit d'en reconnoître un autre qui pouvoit l'y contraindre par force & les armes à la main. Confalve recût leur offre avec joye & fe chargea de leur faire venir au plûtôt d'Espagne une ratification par écrit de toutes les promeffes qu'il leur faifoit. Peu de jours après, c'eft-à-dire, le 14. de May, il entra dans Naples, où il fut reçû fous un dais aux portes de la ville, & conduit avec mille acclamations de joye au plus beau & plus magnifique palais de cette capitale, qui étoit celuy de Salerne qu'on luy avoit preparé. Il ne fe pouvoit rien ajoûter

à la reception qu'on luy fit, les Napolitains ne jugeant pas qu'il fuffit de luy rendre les honneurs qui étoient dûs à un conquerant & à un grand Capitaine par excellence, ainfi qu'ils firent lorfqu'il entra pour la premiere fois dans leur ville après la prife d'Oftie, mais qu'il falloit le recevoir & l'honorer comme reprefentant la perfonne du Roy. Par cette raifon tous les Ordres & tous les Corps de la ville s'étant affemblez, leurs Chefs à genoux devant luy, jurerent au Roy Ferdinand obéiffance & fidelité au nom de tous les habitans. Enfuite furent affignez des logemens à fes troupes chez la bourgeoisie, mais avec défenfe de fa part, fur peine de la vie, d'en user mal avec leurs hôtes, foit par des outrages, foit par des rapines, foit par les moindres attaques à l'honneur de leurs femmes, furquoy quiconque feroit convaincu d'avoir violé fes ordres, foldat ou officier, devoit s'attendre de le trouver d'une feverité & d'une ri gueur inflexible.

Il n'étoit plus queftion que de fe rendre maître des fortereffes & des châteaux de la ville, qu'occupoient les François avec autant de troupes qu'il en falloit pour une bonne défenfe,

L'entreprise ne demandoit pas moins d'induftrie que de vigueur, & fans le fecours de Pierre Navarre, fameux ingenieur dont nous avons déja parlé, Confalve s'y fut trouvé bien empêché. Ce Pierre Navarre étoit un foldat de fortune, & qui avoit pris le nom du païs où il étoit né, mais dont le mérite fupplea enfuite avantageufement au défaut de la nobleffe, pour parvenir aux premiers honneurs de la guerre. Il fut le premier qui trouva le fecret de creufer des mines & de les remplir de poudre pour faire fauter les murailles & les remparts des places fortifiées. Quelques-uns prétendoient qu'ils l'avoient vû pratiquer par les Genois à Serezanelle, place que les Florentins leur avoient enlévée, & que les Genois tenterent de reprendre en 1487. que la mine qu'on y fit joüer n'ayant fait qu'entrouvrir la muraille, parcequ'elle n'étoit ni affez profonde ni affez chargée, on avoit negligé cette invention comme peu utile au fuccès d'un fiege. Navarre qui en jugeoit autrement, & qui avoit compris qu'il eft aifé de fuppléer à ce qui manque aux premiers effais d'un art pour le conduire à fa perfection, fut curieux de remarquer à quoy il tenoit que cet

« AnteriorContinuar »