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te mine n'eût pas eu tout l'effet qu'on en attendoit, & en ayant trouvé les défauts, il s'appliqua enfuite à les corriger, & apprit aux autres ingenieurs à s'en fervir utilement. Confalve donc encouragé par l'efperance que luy donnoit Navarre d'un prompt & heureux fuccès de fes mines, commença par la tour de faint Vincent, qui étoit un petit fort affez proche du château neuf. Il le fit batre par toute l'artillerie qu'il avoit amenée avec luy, & dont il avoit tiré une partie de Cerignole. Et comme les murs en étoient beaucoup plus. foibles que ceux des autres fortereffes, & qu'en peu de temps le canon les eur jettez par terre, la garnifon demanda auffi-tôt à capituler & remit la place entre les mains des Espagnols. De là on paffa au château-neuf, & Confalve recommanda inftamment à Navarre d'employer toute fon induftrle pour en hâter la prife, de peur que la flotte Françoife commandée par Ravestein, & qu'on fçavoit certainement être partie de Genes, n'eût le temps de fecourir les affiegez. Navarre n'y épargna ni foin ni travail, & il prit fi bien fes mefures, que la mine fe trouva juftement fous la baffe cour du château, Les affiegez avoient bien oui quelque

bruit fouterrain, mais ne fe défiant pas du danger qui les menaçoit, ils avoient negligé de découvrir ce qui en étoit. Peu de temps après un trompette les étant venu fommer de la part des Efpagnols de fortir fur l'heure de la place, faute dequoy on alloit les écra-fer tous fous fes ruines, ils le traiterent d'infenfé, avec menace de faire feu fur luy, s'ils ne fe retiroit promptement. A l'heure même on fit jouer la mine qui renverfa avec un horrible fracas tout le mur fous lequel elle étoit creusée. Les Efpagnols qui en attendoient l'effet à peu de diftance, courent rapidement à l'affaut, grimpent les débris du mur, penetrent jufques dans la cour exterieure, font mainbaffe fur les premiers François qu'ils rencontrent, & contraignent les autres de leur ceder le champ de bataille, & de fe retirer dans la cour interieure. Ils les y fuivirent de fi près & en fi grande foule, que les affiegez ne pouvant hauffer le pont levis fur lequel étoit déja bon nombre des affiegeans, n'avoient plus d'autre moyen de les arrêter qu'en fermant promptement & veroüillant une groffe porte de fer. Mais cette porte leur devint auffi inutile que le pont, par l'audace de quel

que

fi

ques Efpagnols, qui s'étant enfoncez parmis eux, fe rendirent maîtres de l'entrée du château, & firent passer après eux ceux qui les fuivoient. Confalve étoit du nombre, & fa prefence ne contribua pas peu à l'effort rent fes gens pour paffer jufqu'à cette feconde cour. Il y a quelque apparence que les affiegez qui s'y trouvoient pris comme dans une cage, demanderent quartier, & encore plus que Confalve leur eût du moins accordé la vie, fi on ne l'eût preffé & comme forcé de confentir qu'on fit main. basse fur eux, fous prétexte d'intimider ceux qui étoient dans le château de l'Oeuf, & de leur faire entendre, que s'ils ne ferendoient dès qu'on leur en feroit le commandement, ils ne devoient point attendre d'être traitez autrement que ces premiers. On fçait quelle eft la fureur des foldats, lorfqu'une place eft emportée de vive force, & qu'il n'y a pas d'occafion où il foit plus difficile à l'autorité d'un General de les contenir dans les bornes de la juftice & de l'humanité. Un cheval fougueux, qui a pris le mords aux dents, & qui loin d'obéir à la main de celuy qui le monte, le fecouë & le jette par terre, n'en exprime point encore affez toute

l'indocilité. Il y eut neanmoins des François, mais en petit nombre qu'on fe contenta de faire prifonniers de guerre, ou parceque la cruauté de leurs ennemis fe trouvoit affouvie de fang & de meurtres, ou que peutêtre ils efperoient d'en tirer une bonne rançon.Le même emportement qu'eurent les affiegeans pour le maffacre, ils l'eurent encore pour le pillage. Croyant que tout ce qui étoit dans le château leur appartenoit de droit, ils coururent s'en faifir, fans écouter l'ordre du General, qui leur défendoit de toucher aux magafins de vivres. Mais qnoyqu'il fçût dire, ils répondoient, que ce butin étoit le prix de leurs travaux militaires, & des dangers aufquels ils expofoient leur vie, & que d'ailleurs ne recevant qu'avec peine & après de longs retardemens, la folde qui leur étoit dûë, on ne pouvoit fans injustice les empêcher de fe payer par leurs mains. Confalve n'ignoroit pas que dans ces occafions il falloit en effet avoir quelque tolerance, & voyant qu'ils laiffoient à fort vil prix tout ce qu'ils avoient pillé dans les magafins, il le rachetoit luy-même pour ne pas dégarnir la place. Tout ce qu'il y avoit encore d'habitans dans Naples attachez

au parti François, & particulierement ceux qui avoient le plus à perdre, marchands, banquiers, treforiers avoient fauvé dans ce château leurs meilleurs effets, & il s'y trouva une infinité de coffres remplis de grandes richeffes qui de vinrent la proye des foldats, & furtout des plus avides & des plus empreffez. Il s'en trouva toutefois qui n'ayant pu avoir de part au butin, en firent des plaintes feditieufes à Confalve, comme s'il leur eût été refpon fable de leur malheur. Luy que l'éclat & l'importance de fa conquête avoit mis en belle humeur & rempli de joye, He bien, leur dit-il, camarades, il faut reparer vore mauvaise fortune par ma liberalité, allez dans mon logis tout ce que vous y trouverez je vous l'aban lonne 11 ne s'attendoit pas d'être pris au mot, mais fans examiner s'il avoit parlé ferieufement ou non, à l'heure même une multitude de goujats, aufquels fe joignit encore une nombreufe canaille de la ville, courent à fon hôtel, & fans refpect du lieu ni du maître, fe hâtent de faireleur main de tout ce qui les accommode. Tapifferies, meubles, vaiffaille, vin & autres provifions de bou che, tout fut enlevé, & quoyque

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